La stratégie de l’enlisement ?

Demain, lundi, cela fera deux semaines que la crise, violente, a éclaté en Nouvelle-Calédonie, particulièrement à Nouméa et dans les trois communes autour, Dumbéa, Païta et le Mont-Dore.

Samedi matin, on a fait les courses. Deux heures pour atteindre l’entrée du magasin, dans lequel il y avait du monde dans les allées, du monde à la caisse et peu de choix dans les rayons. Les grandes surfaces dans le Grand Nouméa, pour celles qui n’ont pas été saccagées ou brûlées, ressemblent dorénavant à des épiceries de Brousse.

Sept jours plus tôt, déjà un samedi, le 18 mai, déjà à Nouméa, dans un autre magasin, on avait déjà expérimenté les courses post-13 mai, post-apocalypse en quelque sorte. Là aussi, deux heures passées dans une interminable file d’attente sur le parking, à voir passer et repasser une jeune femme en gilet jaune, micro en main pour donner les consignes à des clients au petit moral, K.-O. face au chaos : la crise a créé un nouveau métier, celui d’animatrice de parking bondé (de gens, pas de voitures, les voitures devant restées dans la rue), et on s’en serait bien passé.

Pénurie et fermeture

Une fois l’obstacle de la file d’attente franchi, c’est la déception : pas d’œufs, pas de farine, pas de sacs poubelle, peu de viande, peu de poisson, pas ou peu de pain, etc. Et pour le reste : c’est limité en quantité et en choix.

Malgré les efforts de l’Etat, du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, des mairies et on en oublie, la situation, pour ce qui est de la vie quotidienne, s’est peu améliorée en une semaine. L’alimentation (problème numéro 1 avec la sécurité), le carburant (rationné, occasionnant des files d’attente de plus en plus longues), le gaz (absent), les routes (abîmées et constellées de barrages, même si filtrants) : les soucis restent nombreux, majeurs, inquiétants.

Les établissements scolaires (ceux ayant échappé à la folie) n’ont pas rouvert et ne le feront pas la semaine prochaine, mobilisant de fait les parents pour ceux qui sont dans des quartiers où l’on peut se déplacer avec sérénité. Pas de reprise du travail, donc. Et dans huit jours, comment cela sera-t-il ? Les deux premières semaines du mois de juin, ce seront les vacances scolaires. Les centres aérés pourront-ils accueillir les enfants ? Pas certain. Ainsi, nous sommes partis, à partir de demain, pour potentiellement trois semaines supplémentaires avec une vie économique tournant à bas régime.

Et cela, c’est peut-être dans le meilleur des scénarios. Le pire, celui à redouter, et à cette heure il n’est pas à exclure, ce serait que le moteur ne redémarre pas, ou alors qu’il cale et que la situation ne s’enlise, politiquement donc également économiquement.

Un mois, c’est court… et long à la fois

Lors de son passage à Nouméa, durant moins de vingt heures jeudi, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est engagé à ne pas passer en force sur le projet de loi constitutionnelle visant à ouvrir le corps électoral calédonien pour les prochaines élections provinciales, prévues dans quelques mois. Le chef de l’Etat, qui quelques heures plus tard lancera l’idée d’un référendum à l’échelle nationale pour trancher cette épineuse question, a évoqué une pause d’un mois, temps donné aux différents responsables politiques locaux pour se mettre d’accord. Un mois pour faire ce qu’ils n’ont pas réussi depuis des années : on espère donc le miracle, mais si on en doute tant les positions des deux bords sont difficilement conciliables. La mission du dialogue peut-elle tout régler ? 

“Desserrer l’étau”, pas l’enlever

Le président de la République a appelé à la levée des barrages. Jusque-là, malgré le travail des forces de l’ordre, la situation générale ne s’est améliorée que petitement. La peur, chez beaucoup, l’envie d’en découdre, chez d’autres, reste présente. Personne, ou presque, n’imagine revenir au travail dans les jours à venir, comme si de rien n’était.

Il faudra du temps. Combien ? Quelques heures, comme l’espèrent les autorités ? Quelques jours ? Ou quelques semaines, voire quelques mois ? Les messages politiques passés ces dernières heures par le FLNKS et par la CCAT ne sont, sur ce point, pas des plus clairs et pas des plus rassurants : on y parle de “desserrer l’étau” sur les axes stratégiques, pas d’enlever l’étau.

“Jamais la CCAT” n’a eu “pour objectif d’atteindre la vie des gens”, expliquait Christian Tein dans une vidéo diffusée vendredi soir. Il a bien fait de le préciser car, depuis deux semaines, cela ne saute pas aux yeux.

“Ce sujet” du combat contre le projet de loi sur le dégel du corps électoral, “on dit qu’on doit l’emmener jusqu’au bout”, sur le chemin “sur lequel on veut emmener notre pays : la pleine souveraineté”, soutient-il. Le responsable de la CCAT, par ailleurs assigné à résidence (hormis pour rencontrer Emmanuel Macron et pour faire une vidéo), répétait, pour les malentendants : “on ne lâchera pas (…) Je pense qu’il y a trop de souffrances, trop d’enjeux qui ont été mis là-dedans, et il faut y aller jusqu’au bout.”

Des questions sans réponse

Que faut-il en conclure ? La contagion peut-elle s’étendre au nord ? La guerre de l’information (et surtout la désinformation à travers les réseaux sociaux) ne causera-t-elle pas des blessures qu’il sera difficile de soigner ? L’aéroport, fermé depuis deux semaines, verra-t-il une reprise rapide du trafic aérien ? L’état d’urgence sera-t-il levé ? Prévu pour douze jours, il est censé prendre fin tôt mardi matin. Jusque-là, que ce soit au niveau ministériel samedi soir ou dans les coulisses du Haut-commissariat ce dimanche après-midi, on n’a pas encore de réponse à donner. Les forces de l’ordre ont un travail titanesque et périlleux à terminer.

Seules certitudes du moment : l’économie calédonienne a mis son deuxième genou à terre (trouver un repreneur pour l’usine de nickel dans le nord n’est plus qu’un problème parmi des dizaines d’autres), et le vivre-ensemble est impacté. Là encore, pour combien de temps ?

Plus le temps passe, plus les habitants de la Nouvelle-Calédonie songeant à quitter définitivement le Caillou sont nombreux. N’est-ce pas cela, le réel objectif du FLNKS et de la CCAT ?

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