Manifestation de la CCAT : de six mois avec sursis à deux ans ferme pour les violences contre les gendarmes

Parmi les six manifestants qui ont comparu devant le tribunal correctionnel de Nouméa, vendredi, l’un d’eux a été relaxé et les cinq autres ont été condamnés. Un appel n’est pas à exclure pour le prévenu qui a écopé de la peine la plus lourde.

Aux tensions grandissantes qui parcourent le pays ces derniers mois, le calme et la sérénité n’ont jamais quitté le prétoire vendredi. Devant une salle comble du tribunal correctionnel de Nouméa, où six personnes étaient jugées pour leur participation aux violences sur les gendarmes au cours de la manifestation de la CCAT dans le centre-ville de Nouméa, le 21 février dernier, les magistrats sont très longuement revenus – pendant près de quatre heures – sur les implications des uns et des autres en s’appuyant principalement sur les images extraites des caméras de vidéosurveillance de la ville retransmises sur les écrans géants de la salle.

« Carton plein »

Ce qu’il s’est passé ce matin-là ne fait de mystère à plus personne : voulant se rendre jusqu’au gouvernement où le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin venait d’arriver, le cortège de la CCAT avait été stoppé devant la mairie par des gendarmes mobiles qui avaient reçu l’ordre de positionner deux camions en travers de la route. « En trente secondes, c’est parti. Je n’ai jamais vu autant de violences en aussi peu de temps, c’étaient des gens haineux. Je suis encore choqué », témoigne l’un des commandants du peloton. Les mobiles sont alors pris pour cible, frappés par des barres de fer ou à coups de poing et de pied et reçoivent une pluie de projectiles.

Quelques minutes d’une extrême intensité avant un retour au calme « uniquement grâce aux bonds offensifs des gendarmes et aux grenades lacrymogènes », relate l’avocate Me Nathalie Lepape qui représente huit militaires blessés. « Si le but était de se faire du ‘’bleu’’, c’est réussi, carton plein ! », a-t-elle affirmé, insistant sur le fait « qu’aucune conviction n’autorise d’en découdre avec les forces de l’ordre ».

« Petite bousculade »

Certes interdite par un arrêté du haussariat, la manifestation devait être « pacifique », a martelé l’un des prévenus de 48 ans, affirmant que les tensions sont apparues parce que « les gendarmes ont refusé de retirer les camions de la route ». Militant indépendantiste de la première heure, collaborateur au gouvernement, il a comparé les violences « à une petite bousculade », provoquant l’étonnement de la présidente.

« Ça n’a pas dégénéré. Si on avait voulu passer en force, on serait passé », a-t-il encore déclaré, expliquant qu’il a donné un coup de barre de fer « en bas du bouclier. Ce n’est pas violent, ça. » Tous ont reconnu leur participation. Et chacun a regretté les débordements. « On est six dans le box mais c’est tout un pays qui est sur les routes aujourd’hui », a lancé un prévenu avant d’être coupé par la présidente, qui ne voulait « aucun propos politique » dans le prétoire.

« Logique de groupe »

Parce que « ce sont des manifestants qui veulent faire la loi à la place des députés et des sénateurs » et qui « s’expriment par la violence », des peines allant de huit mois avec sursis à trente mois ferme ont été requises par le procureur Richard Dutot. « Les gendarmes ont été insultés de violeurs de français, mais c’est du n’importe quoi », a-t-il souligné. La faute à « la logique de groupe », a plaidé Me Pierre Ortet pour qui « il n’y avait aucune volonté individuelle ou collective de s’en prendre aux forces de l’ordre ». « Surpris » des réquisitions, l’avocat de la défense s’est demandé « pourquoi faut-il taper trois fois plus fort à Nouméa qu’en Métropole pour des violences beaucoup plus graves avec les Gilets jaunes ou des Black bloc ? » Autre axe de défense développé, ces débordements seraient le résultat de « la montée des tensions » dont « les politiques sont responsables car ils désinforment, attisent et envoient les jeunes et moins jeunes au front. Daniel Goa avait prévenu que ça allait mal finir, en référence aux Événements. C’est un discours dangereux qui ne sert pas la cause », a analysé Me Audrey Noyon avant que la défense n’appelle le tribunal à rendre « une peine juste » pour ne pas « avoir de rancœur et d’animosité ». Huit heures après l’ouverture de ce procès, la juridiction a prononcé son délibéré. Si un prévenu a été relaxé, les cinq autres ont été reconnus coupables. Deux ont écopé de six mois avec sursis et un autre d’une peine d’un an de prison dont la moitié avec sursis (il effectuera la partie ferme avec un bracelet électronique). Le tribunal a été plus sévère pour les deux jeunes qui étaient en détention provisoire depuis leur arrestation, en les condamnant à dix-huit mois et deux ans de prison ferme avec un maintien en détention. Au sortir du Palais de justice, l’avocat Me Ortet n’a pas exclu d’interjeter appel pour son client qui a été le plus lourdement condamné.


« La loi a été violée »

Avant que le « fond » du dossier ne soit évoqué, les avocats de la défense ont présenté des exceptions de nullité pour tenter de faire tomber la procédure. Parmi les griefs exposés, les conditions d’exploitation des images de vidéosurveillance par les policiers, « qui fondent l’arrestation » des prévenus. « En procédure, nous ne trouvons aucune trace d’un régime d’habilitation et d’autorisation pour exploiter les caméras de la ville. C’est un bordel absolu, les identifications sont entachées de vice de procédure », lance Me Pierre Ortet, qui a voulu « démontrer que la loi a été violée » et mettre en lumière « les manquements de la police et les erreurs réalisées dans la précipitation ». Sa consœur Me Claire Levieil a également critiqué le fait que « l’infraction soit fondée sur des vidéos de témoins anonymes » en « violation des droits de la défense». Le tribunal a finalement rejeté les nullités.



Jean-Alexis Gallien-Lamarche

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