Un frère et une sœur mordent des policiers

Respectivement âgés de 22 et 20 ans, ils ont été jugés en comparution immédiate mardi par le tribunal correctionnel pour avoir, en état d’ivresse il y a huit jours à Nouméa, insulté, menacé, frappé et mordu des membre des forces de l’ordre, également victimes de crachats. Trois policiers municipaux et deux policiers nationaux ont porté plainte.

Quelques jours après les faits, les marques sont encore bien visibles sur les jambes de deux policiers municipaux concernés par ce dossier et présents mardi à l’audience en compagnie de l’une de leurs collègues, qui elle n’a pas été mordue, « simplement » frappée, insultée et menacée.

L’histoire commence par une intervention à la nuit tombée, vers 18h, le jeudi 18 avril, dans le quartier de Motor-Pool, pour des perturbateurs (surveillés depuis plusieurs heures) opérant sur la voie publique : sous l’effet de l’alcool (plusieurs verres de pastis pur), une bouteille, au moins, est lancée sur la vitre d’une voiture conduite par un policier hors service, qui prévient ses collègues. En arrivant, des policiers municipaux interpellent un individu, agité et t-shirt sur la tête. Alors qu’il est menotté, sa petite sœur surgit : énervée, elle tente de le libérer. Manifestement ivre elle aussi, elle est à son tour appréhendée. Comme son aîné, elle se débat, donne des coups de pied… et se met à mordre les policiers ! Ainsi, un agent est croqué à un genou et à un mollet : une trace de dents provient de la sœur, l’autre du frère. Affamée, la jeune femme s’attaque également au genou d’un autre policier.

Pistolet à impulsion électrique

« On a des gabarits imposants » mais on a « quand même eu du mal à les maîtriser », confie l’un des fonctionnaires. L’intervention est si tendue, limite « ingérable », que l’un des policiers utilise son pistolet à impulsion électrique (un Taser), pour la « deuxième fois » en « quinze ans » de carrière : trois secondes sur une épaule de madame et quatre secondes sur le torse de monsieur suffisent pour leur faire lâcher prise… mais pas pour les calmer durablement puisque les insultes continuent, les menaces aussi. Certaines se font précises, les prévenus étant notamment accusés d’avoir dit, aux trois policiers municipaux, qu’ils allaient les retrouver et les tuer eux et leurs proches, donnant des détails sur les lieux de résidence et la composition des foyers. « J’habite à 500 mètres de chez lui : il connaît mon véhicule, le visage de ma compagne, le visage de ma petite fille… J’ai peur », explique l’un des policiers, rappelant que « par le passé » le prévenu a « déjà menacé » puis « il était revenu chez le fonctionnaire… »

« Quel gâchis »

Fanny Philbert, vice-procureur, dénonce les « ravages de l’alcool » chez ces deux individus, « parce qu’on boit sans compter et sans jamais se maîtriser ». Elle évoque « une scène d’une extrême violence, aussi une scène qui est extrêmement longue », qui commence « sur place », se poursuit durant « le trajet » d’une dizaine de minutes et continue « au commissariat », avec là pas de morsures mais des insultes, des crachats et des menaces. Au fil de son réquisitoire, son ton devient de plus en plus ferme. « On n’est pas juste là sur de la rébellion, là on va beaucoup plus loin, on va sur l’agression » : la représentante du parquet réclame, pour les deux protagonistes, un an de prison ferme, plus six mois avec sursis. Au final, « quel gâchis pour tout le monde dans cette salle ! » Pour « les policiers, parce que quand ils partent de chez eux » ils ont désormais un « sentiment de crainte ». Et pour les prévenus, « parce que vous êtes jeunes » mais déjà bien trop connus de la justice (entre autres pour des outrages) : treize condamnations pour lui, sept pour elle.

Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné les prévenus à huit mois de prison ferme (détention pour lui, pas pour elle), plus dix mois avec sursis (avec mise à l’épreuve pendant deux ans). La peine est assortie d’obligations (soins, travail, remboursement). Chacun des trois policiers municipaux recevra 120 000 francs de dommages et intérêts.


Une « ambiance » particulière ?

La meilleure défense, c’est l’attaque. C’est la tactique adoptée par les mis en cause dans ce dossier. « Ça n’excuse pas mon comportement » et « ce n’est pas pour dénoncer la police, mais il y a des policiers qui nous interpellent de manière décente » et d’autres non, fait remarquer la prévenue. « Normalement, s’ils ne font pas les tendus ça, se passe bien… » Or, là, « ils ont éteint la lumière du fourgon et à l’intérieur ils nous ont ”nid de guêpés” », dénonce la prévenue. Me Stéphane Bonono, s’engouffre dans la brèche. « Il y a peut-être une ambiance au sein de la Police municipale » qui pousse les agents à abuser de la violence, car « c’est assez redondant » d’entendre ce genre de récit, lance l’avocat des prévenus. « Taser cette jeune femme, ça me choque. Les jets d’eau » qu’elle dit avoir subi au commissariat pour nettoyer des traces de sang, « ça me choque » aussi, ajoute le conseil. Toutes proportions gardées, il évoque une scène décrite qui lui rappelle les photos prises il y a une vingtaine d’années à « Abou Ghraib », la tristement célèbre prison irakienne. Quelques instants plus tôt, la vice-procureur, après avoir rappelé le rôle précieux joué quotidiennement par les forces de l’ordre, avait signifié aux mis en cause qu’« il n’y a pas de zone de non-droit », et ce « pour personne » : ainsi, elle les a encouragé à déposer plainte s’ils estiment avoir été victimes de brutalité ce jour-là. Quant aux prétendues vidéos de la scène, évoquées par la sœur et qui auraient été tournées par des témoins, la représentante du parquet explique ne pas en avoir connaissance. « Heureusement que toutes les interpellations ne sont pas comme celle-là », relève la policière municipale concernée.



Anthony Fillet

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