Rencontre avec… Daniel Goa

Le président de l’Union calédonienne a été réélu pour la 11e fois lors du 54e congrès de son parti qui s’est déroulé du 9 au 11 novembre à l’île des Pins. Il a répondu aux questions conjointes de La voix du Caillou et de Radio Rythme Bleu.

Vous avez décidé de ne pas participer aux discussions sur l’avenir institutionnel en cours. Est-ce dire que vous fermez définitivement la porte au dialogue ?

Daniel Goa : Le dialogue, il y a deux niveaux. Quand on a décidé de ne pas participer aux discussions qui sont en cours, nous n’évacuons pas la nécessité d’une discussion avec l’État. Mais il y a aussi l’autre aspect du dialogue qui est beaucoup plus interne, c’est celui avec tous les groupes politiques qui sont de « sensibilité calédonienne » et donc nous essayons de mettre tout le monde au diapason autour du travail de valorisation de notre pays et de notre culture pour pouvoir essayer de construire quelque chose qui nous appartient.

Vous parlez d’un dialogue avec l’État, mais si Gérald Darmanin vient à la fin du mois comme cela est prévu, est-ce que vous discuterez avec lui ?

DG : Je l’ai dit à Monsieur Rémi Bastille (préfet chargé des discussions sur l’avenir institutionnel, ndlr) la nuit dernière. Si le ministre vient pour discuter du document martyr, nous n’avons pas notre place et nous n’avons pas de parole à apporter là-bas, donc nous attendons de l’État qu’il prenne en compte les documents qu’on a déjà envoyés, puis qu’il nous propose une discussion autour de laquelle viendront se greffer les participations des uns des autres, parce que pour le moment, il n’y a que celle de l’État, et pas celle des indépendantistes.

Si l’État vous apporte une réponse sur un document modifié, pourriez-vous accepter de reprendre le dialogue avec l’État ?

DG : Il n’y a pas de souci, mais il faudra qu’il le modifie bien dès l’entrée, pas qu’il mette « dans la République », ça c’est hors de question.

Vous envisagez également une médiation internationale pour le dialogue… Pouvez-vous préciser ?

DG : Pour le dialogue oui, parce que nous sommes sur la voie de la décolonisation donc nous sommes inscrits sur la liste des pays à décoloniser, et à partir de ce moment-là, on ne dépend plus que du droit interne français. Il y a aussi le regard international de l’ONU et donc nous demandons la médiation avec l’ONU de façon à ce qu’il y ait une espèce d’objectivité dans la discussion que nous pouvons amener, parce que jusqu’à présent l’objectivité était assez loin des uns et des autres.

Vous avez également réaffirmé le besoin de mobilisation. Mais de qui et dans quel but ?

DG : Nous souhaitons une mobilisation, tout d’abord pour dire à l’État que nous ne sommes pas d’accord avec ce document-martyr et avec la tendance dans laquelle il est en train de nous entraîner, c’est-à-dire que ce document est complètement irrecevable, parce qu’il ne parle plus du tout de notre trajectoire dans le cadre de l’Accord de Nouméa qui théoriquement sort sur l’émancipation du pays. Là on est complètement sorti de ce cadre et on retourne en France, alors que la question du Oui et du Non, ce n’est pas une question de retour en France, c’est une question de dire si on est prêt ou pas. Si on n’est pas prêt, on s’assoit, on discute, on regarde et on évolue sur cet axe-là. Là on n’y est plus du tout.

Comment comptez-vous mobiliser ?

DG : Nous avons mis en place des cellules de coordination des actions sur le terrain. Ce sont ces cellules qui vont descendre jusqu’à nos comités locaux dans nos sections de base et qui vont mobiliser les gens. Et donc quand la consigne dira « il faut se manifester-là » et bien on y sera. Quand il faudra bloquer-là, on y sera.

Si l’État « rompt unilatéralement sa parole », vous envisagez donc des actions de blocage, voire des actions de violence éventuellement ?

DG : Pas de violences, on a vécu ça, et ça n’a arrangé personne d’ailleurs. Cela ne nous a pas servi de leçon puisqu’aujourd’hui, nous sommes toujours sur le même débat, donc aujourd’hui nous allons essayer de jouer plus intelligemment et d’être plus stratèges que cela, mais nous serons là.

Vous appelez de vos vœux une refondation du FLNKS et l’élection d’un président du FLNKS, vous n’êtes plus du tout sur la même longueur d’onde avec votre partenaire au sein du Front, le Palika, notamment pour les discussions sur l’avenir institutionnel. Concrètement, comment pouvez-vous refondre le FLNKS sans le Palika qui en est l’un des piliers ?

DG : Au FLKNS, avec les 4 pelés-là, c’est 2-2, même s’il y en a un ou deux qui ne pèsent rien du tout, mais leur voix, c’est une voix chacun, donc ça neutralise l’évolution du FLNKS. Normalement, on devait les rencontrer hier (le Palika, ndlr), mais comme ils venaient de rentrer de Lifou, ils étaient un peu fatigués, donc nous irons les voir pour leur présenter notre motion et leur dire « c’est le temps pour vous de sortir de là avant que tout se referme sur vous ». C’est-à-dire qu’ils sont tombés dans ce piège-là et malgré les bonnes volontés, on voit les résultats des travaux en cours : ils sont en train de se faire embarquer et puis eux apparemment ils sont contents.

Qu’avez-vous prévu de leur dire à vos partenaires du Palika ?

DG : Si vous voulez venir avec nous, on sort, et puis on ouvre le FLNKS à toutes les formations indépendantistes nationalistes. Et puis on refond le FLNKS et on décide de mettre un président. Et dans cette voie-là, c’est plus 4-4 et c’est plus 2-2, c’est avec l’ensemble de ceux qui sont là, donc on verra, mais on ne peut pas continuer à tourner en rond entre nous, parce que tous les militants que le Palika met dehors, ils se regroupent, ils sont dans tous les partis qu’on voit tourner autour de nous.

Vous contestez aussi la nécessité d’une réforme constitutionnelle, estimant que l’Accord de Nouméa doit rester le socle des discussions et de l’accord…

DG : Finalement, on peut faire beaucoup de choses sans avoir à toucher la Constitution. Je le rappelle, la Constitution n’a qu’un but : c’est d’abord de taire la citoyenneté calédonienne et puis d’annuler la présence (de la Nouvelle-Calédonie, ndlr) sur la liste des pays à décoloniser. Ça, c’est la Constitution qui peut nous le permettre. Donc si on y touche, on remet en cause ces deux points. C’est même plus grave que cela. Car l’État, en même temps, il veut récupérer les droits civils et nous inscrire sur le registre français, cela veut dire qu’il n’y a plus de peuple autochtone ni de peuple kanak, il n’y a plus lieu d’être inscrit sur la liste des pays à décoloniser, et à la limite pour aller plus loin, on pourrait dire qu’il n’y a plus d’aire coutumière.

Vous estimez que le Palika a déjà mis un pied dans cet engrenage que vous dénoncez ?

DG : Oui, et je suis prêt à mettre ma main à couper, ils vont se faire avoir.

Vous continuez de contester les résultats du 3e référendum. Où en sont les recours internationaux ?

DG : Nous avons été voir les Vanuatais qui étaient prêts à porter (le recours). Entretemps, Emmanuel Macron est passé par là et ils ont fait marche arrière, je pense qu’il leur a promis de l’argent et de l’aide. Donc nous sommes allés voir d’autres pays mélanésiens un peu plus haut. Il faut que ce soit un État indépendant qui porte le recours là-bas et ensuite il faut avoir une majorité là-bas pour le valider, c’est le travail qu’il reste à faire. Aussi, dans un projet de discussion comme ils sont en train de mettre en place, si on montre l’image de s’acoquiner avec l’État, on est en train de tuer cette démarche (de recours).

Propos recueillis par Beryl Ziegler

Fil d'actualité

EN IMAGES – Ce lundi à Nouméa, Dumbéa et au Mont-Dore

Une semaine après le début de la flambée de...

A Ducos , il faut “sauver les entreprises encore debout”

La Chambre de commerce et d'industrie a lancé un...

L’Australie “vraiment préoccupée” par les émeutes en Calédonie

Le chef du gouvernement australien a annoncé qu'environ 300...

Emeutes en Calédonie : comment gérer ses déchets pendant la crise ?

Depuis le début des troubles urbains le 13 mai...

Nos réseaux

7,101FansJ'aime
178SuiveursSuivre
214SuiveursSuivre

Newsletter

Inscrivez vous pour recevoir chaque semaine notre newsletter dans votre boîte de réception.

Comment l’Azerbaïdjan profite des émeutes calédoniennes pour déstabiliser la France

Faux comptes, médias et profils liés à cet État du Caucase… Depuis que le territoire calédonien est secoué par une flambée de violences, le...

EN IMAGES – Ce lundi à Nouméa, Dumbéa et au Mont-Dore

Une semaine après le début de la flambée de violences qui a embrasé le Grand Nouméa, voici un aperçu du paysage, ce lundi matin,...

A Ducos , il faut “sauver les entreprises encore debout”

La Chambre de commerce et d'industrie a lancé un "nouveau cri d'alerte" dans un communiqué afin de protéger les entreprises "encore indemnes". La zone industrielle...