« Quand vous touchez le tabou, bah c’est tant pis pour vous »

La manifestation du camp indépendantiste contre le projet de loi visant à dégeler le corps électoral a rassemblé, samedi, environ 20 000 personnes selon les autorités, 58 000 selon les organisateurs.

Roch Wamytan a été l’un des premiers dirigeants indépendantistes à prendre la parole. L’heure du déjeuner approchait lorsqu’il s’est mis à jouer avec la foule. « Vous êtes sûrs que c’est chez nous ? Mais eux, là-bas, ils disent que c’est chez eux… Ils ne sont pas chez eux ? Oh, bah si, quand même, il faut avoir un peu le cœur pour eux, là… » Expérimenté, le président du Congrès poignarde avec le sourire. « L’État là-bas, Macron, Lecornu et puis Darmanin là, ils ont touché à un tabou, et le tabou là, c’est la poignée de main. » Il y revient quelques instants plus tard : « quand on nous touche une fois, ok, quand on nous touche deux fois, ok, la troisième fois on dit ‘’ça suffit, vous avez touché le tabou. Et quand vous touchez le tabou, bah c’est tant pis pour vous…’’ »

« Peut-être que demain, il y en a qui vont mourir »

Roch Wamytan s’adresse à Paris. « Dégeler le corps électoral, ça nous amène à la mort : à la mort politique ou autre. Donc il ne faut pas le faire. Monsieur le Président de la République, on vous a demandé une rencontre officielle pas plus tard qu’hier (vendredi). Monsieur le Président de la République, recevez-nous, parce que l’heure est rave en Nouvelle-Calédonie. Nous ne voulons pas revivre les événements que nous avons connus à l’époque. »

La demande formulée à Emmanuel Macron est claire : « que vous reveniez dans la ligne qui a été fixée dans les accord de Nouméa ». La menace se fait ensuite plus précise. « Cette poignée de main là, Jean-Marie (Tjibaou) est mort pour ça, Yeyé (Yeiwéné Yeiwéné) est mort pour ça, Djubelly (Wéa) est mort pour ça. Donc il ne faut jamais oublier ça. Peut-être que demain, il y en a qui vont mourir pour ça (…) La paix est menacée, tout simplement parce que Macron, Président de la République, il est sorti de son couloir, il n’avait pas à prendre parti pour les gens d’ici » qui sont opposés à la pleine souveraineté. Quant à la troisième consultation d’autodétermination, boycottée par les indépendantistes le 12 décembre 2021, Roch Wamytan évoque un référendum « anti-démocratique » et « pas légitime ». Conséquence: « on s’assoie dessus » et « on est en train de faire le nécessaire pour que la Cour internationale soit saisie ».

Le centre-ville de Nouméa était constellé de drapeaux du FLNKS.

« Pas besoin de revenir à la violence »

Aloiso Sako, président du RDO, s’est exprimé à son tour, moins frontalement. « Il n’y a pas deux peuples, il n’y a pas le peuple construit là-bas baie de la Moselle et nous ici, il n’y a qu’un seul peuple (…) Vous êtes, peuple kanak, peuple millénaire, peuple premier, le ciment, l’élément fondateur à partir duquel nous allons construire notre futur peuple (…) Vous êtes le poteau central. » Le doyen du Congrès le rappelle : « oui, ça ne va pas au rythme qu’on souhaite, mais sachez que les mentalités évoluent petit à petit » en faveur de l’indépendance, laquelle « va se jouer dans quelques mois ». Et « pour contrer cette majorité de l’État français, nous avons un atout majeur, c’est le terrain, c’est notre détermination, c’est la rue, mais cela doit se faire dans la légalité, comme aujourd’hui. Il n’y a pas besoin de revenir à la violence. » La victoire serait inéluctable, car en face, « dans leur tête, ils vont faire de la résistance mais ils vont se casser la gueule, les freins vont lâcher, parce que c’est le cours de l’Histoire. Ils viendront vers vous. »

« L’indépendance, c’est une question de temps »

Même optimisme chez Julien Meureureu-Gowé, membre du bureau politique de l’UPM. « Tous nos frères caldoches s’ils nous écoutent par là, tous nos frères wallisiens s’ils nous écoutent, toutes les autres ethnies si elles nous écoutent, aujourd’hui venez, rentrez ici, là, arrêtez d’écouter des voix sans issue, parce que l’indépendance, c’est une question de temps. La question de l’indépendance elle est posée sur la table, il n’y aura pas de retour en arrière. »

Si l’ambiance a été festive tout au long de la journée sur la place de la paix, samedi, en plein centre-ville de Nouméa, les mines étaient graves au moment de la coutume et des discours politiques, chargés en émotion et en paroles fortes.
Tous les âges étaient représentés. Dans ce mouvement pacifique de protestation, on y a croisé des parents avec leurs bébés, des adolescents, des plus jeunes, et évidemment un certain nombre d’anciens.
Le destin commun, samedi, était en marche pour assurer la sécurité dans le centre-ville, notamment la circulation.
La manifestation avait vocation, du côté des indépendantistes, à alerter les députés et les sénateurs français sur les conséquences négatives d’un éventuel dégel du corps électoral, raison pour laquelle plusieurs banderoles ont été déployées en ce sens.
Daniel Goa, Gilbert Tyuienon, Roch Wamytan et Aloiso Sako : ces quatre dirigeants politiques ont accepté volontiers de poser pour des photos avec des militant(e)s.
La statue, face à la mairie de Nouméa, montrant Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur se serrant la main, a été utilisée pour la cause : le premier a été équipé d’un drapeau indépendantiste flottant, pendant que le second devait se contenter d’un drapeau français non déroulé, en berne.

Anthony Fillet

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