« On a reçu des instructions » : devant le tribunal, des émeutiers incriminent la CCAT

Deux jeunes hommes ont été condamnés et incarcérés pour leur participation aux barrages sur le pont de Koutio. Ils ont témoigné avoir agi sur les ordres de la CCAT.

C’est sûrement une première. Au tribunal correctionnel de Nouméa défilent depuis deux semaines pilleurs néophytes et émeutiers jusqu’alors sans histoire. Un point commun à ceux-ci, d’une part l’absence de conviction politique et, d’autre part, leur silence autour de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), une structure aujourd’hui dans le viseur de la justice car soupçonnée d’avoir commandité ce mouvement insurrectionnel.

Ce n’est plus le cas. Dans le box, mercredi, deux jeunes gens comparaissent pour des violences sur les gendarmes sur le point de Koutio, le lundi 27 mai dernier. Comme partout, des barrages sont érigés par des émeutiers et des confrontations éclatent avec les forces de l’ordre. Les uns expliquent qu’ils voulaient « s’amuser avec les gendarmes » et que les caillassages n’étaient « pas pour blesser » mais pour « faire du bruit sur les camions » et « les intimider ». Les militaires de la gendarmerie évoquent eux « des individus hostiles ».

Plus intéressant encore car jamais exprimé aussi clairement devant le tribunal, les deux prévenus ont confié « avoir reçu des instructions de la CCAT ». L’un des prévenus, âgé de 24 ans, révèle que « des membres de la CCAT sont passés dans le quartier pour nous dire quoi faire, de ralentir la circulation des gendarmes. On a eu des morts chez nous, c’est pour ça qu’on a fait des barrages. »

Des « petits pions qu’on met sur la route »

Son camarade, 21 ans et employé en CDI dans une menuiserie, se souvient qu’un référent de la structure indépendantiste « nous a expliqué ce qui était en cause. Il nous a donné des exemples, qu’il n’y aura plus de travail pour les personnes. Avec ce qu’il nous a dit, cela m’a motivé. On est des enfants du pays. »

Le président du tribunal est interloqué : « on vous dit de faire, et vous faites. Il faut réfléchir un peu plus loin que ce qu’on vous raconte. Les barrages, ça aide à apaiser la situation ? Est-ce que c’est le meilleur moyen pour exprimer ses idées politiques ? Les premières victimes, ce sont les gens du quartier. »

Le plus âgé, qui a terminé sa formation au RSMA il y a seulement quelques jours, exprime « des regrets ». « On nous a dit de refaire les barrages quand ils étaient déblayés par les gendarmes », assure-t-il encore.

La procureur de la République, Isabelle Fuhrer, les qualifie de « petits pions qu’on met sur la route » et qui sont « embarqués dans quelque chose qui les dépasse. Ils ont été brieffés et n’ont que peu de recul sur la finalité de leurs actions. » « Dire cela, ce n’est pas les déresponsabiliser », poursuit la magistrate, qui dénonce ces « barrages qui mettent des vies en danger. On parle de personnes qui n’ont pas été dialysées à temps et qui sont morts. Ce n’est pas que s’amuser avec les gendarmes. »

« Une application ferme »

De l’autre côté de la barre, l’avocate de la défense, Me Anne-Lise Lebreton, évoque « le poids de la culture kanak » qui empêcherait « une réflexion autonome sur ce qui se passe, sur leurs intentions et leurs motivations. C’est une population qu’on envoie sur le terrain. Ils sont sur les barrages parce que la CCAT l’a dit. »

Le Code pénal l’oblige, une peine doit tenir compte de la gravité des faits et de la personnalité de l’auteur. Les deux prévenus « ne sont pas des jeunes en perdition et abandonnés par la Nouvelle-Calédonie et la France. Ça interroge… », souligne le ministère public. Six mois avec sursis probatoire sont requis.

Le tribunal ne l’entend pas ainsi et décide de faire « une application ferme » de la loi en condamnant ces deux jeunes jusqu’alors sans histoire à des peines de six mois de prison ferme assorties d’un mandat de dépôt.

Jean-Alexis Gallien-Lamarche 

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