Il n’y a pas d’histoire commune, si l’on ne fait pas des évènements de cette histoire, des moments fédérateurs. C’est d’une telle évidence que le fait que la Nouvelle-Calédonie y soit si mal parvenue interroge et inquiète. Mais comment pouvait-il en être autrement « au pays du non-dit » ? Durant trop d’années, nous ne sommes pas arrivés à mettre les mots justes sur nos maux réels, perdant ainsi un temps précieux et tellement d’énergie dans la construction du destin commun, dont on nous parle encore, parce qu’on en rêve. Le drame de la Monique, cette tragédie commune sur laquelle roulent encore tant de larmes, participe donc à l’érection d’une mémoire commune. C’est le miracle de cette disparition. Mais il nous a fallu attendre 70 ans ! Interrogeons-nous encore un peu sur ce qui a été notre incapacité à produire cette histoire commune, et puis regardons devant nous. La Monique, aujourd’hui partagée par tous, doit engendre une vaste réflexion et faire naitre une volonté, afin de nous approprier, sans rechigner ni tergiverser, ces moments du passé que jusqu’à présent nous ne souhaitions pas partager. C’est une chance unique que nous offrent la Monique et son cortège de 126 disparus, que d’être le départ vers un consensus mémoriel, prélude peut-être au consensus général.