Evelyne Barthou, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université de Pau, a rendu public, au milieu des exactions, son travail sur la consommation juvénile de produits psychotropes en Nouvelle-Calédonie. Son analyse de terrain et les données qu’elle a pu recueillir présageaient une montée des tensions.
La Voix du Caillou : Dans quel cadre s’est déroulée cette enquête ?
Evelyne Barthou : J’ai répondu à un appel à projet de fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Ce fonds proposait de financer des actions en faveur de la sensibilisation et de la réduction des consommations de jeunes dans les territoires ultramarins. L’idée c’était à la fois, d’évaluer des actions qui ont été mises en place par la Croix-Rouge de Nouvelle-Calédonie et la mairie de Dumbéa autour de la formation à la sensibilisation aux addictions. Sur les territoires ultramarins et sur la Nouvelle-Calédonie, on manquait de données objectives quantitatives, qualitatives et sociologiques. Cela me paraissait important d’avoir des éléments aussi de terrain scientifique pour pouvoir accompagner les porteurs de projets.
LVDC : Les résultats de votre étude sociologique démontrent que des jeunes de toute communauté confondue sont concernés par la consommation de psychotropes. Comment pourriez-vous expliquer cela ?
EB : Quand on s’intéresse aux questions de jeunesse, il y a beaucoup de réductions ou de stéréotypes qui peuvent être véhiculés. Car d’une part, cela ne touche pas tout le monde. Il y a quand même la majorité des jeunes qui ne consomment pas mais surtout, il y a beaucoup de diversité aussi au sein de la jeunesse, notamment la jeunesse qui consomme. J’ai été assez frappée, en commençant mon enquête en Nouvelle-Calédonie, de voir à quel point de nombreux professionnels ou acteurs politiques et institutionnels étaient persuadés de savoir qui consommait, sans avoir d’éléments objectifs. Ce que l’on a pu montrer dans l’enquête assez rapidement, c’est qu’il y a un décalage entre la vision que la plupart des personnes ont des jeunes et de leur consommation et la réalité. Quand je suis arrivée sur le terrain, j’étais choquée de voir à quel point les consommations étaient banalisées et généralisées. Il y a une forte stigmatisation en particulier de la jeunesse kanak alors que dans la consommation de cannabis, il n’y a pas de différence avec les autres jeunes. Dans mon enquête, la communauté ne joue pas en faveur des consommations, les jeunes sont tous touchés de la même façon. La cocaïne, en revanche, est surtout consommée par des jeunes métropolitains.
Ce contenu est réservé aux abonnés.
Connectez vous pour y accéder !
Inès Figuigui