L’homme s’habitue à tout, c’est sa grande qualité et son pire défaut. Il s’habitue à tout même à ce qu’il y a de plus inhabituel. Depuis plus de trois mois maintenant, les milliers d’habitants du Mont-Dore Sud (hommes, femmes, enfants) vivent coupés du reste de la Nouvelle-Calédonie, ayant été plongés dans les affres d’un insupportable quotidien où rien n’est supportable parce que rien n’est normal. Ils s’organisent comme ils le peuvent, tandis que, de l’autre côté de Saint-Louis, les uns et les autres (ainsi les institutions) mettent en place des dispositifs pis-aller pour leur venir en aide comme aux pires moments du blocus de Berlin. Et tout ça s’installe dans le temps non pas dans l’indifférence des Calédoniens, mais avec une terrible sorte de fatalisme en attendant que ça passe puisqu’on nous promet, réclamant la patience, que le calme reviendra, que la route sera libérée ainsi que le Mont-Dore Sud. Quelle abnégation et quelle résignation faut-il donc à tous ceux qui, de l’autre côté du mur de Saint-Louis, attendent la libération comme les Français de 44 ! C’est symbolique aussi de ce qu’est désormais la Nouvelle-Calédonie, attendant quelque chose qui préfigure une sorte de meilleur, le tout dans le flou, le précaire, l’incertain.
Nicolas Vignoles