Ce que Christian Tein dit en petit comité

Dans un enregistrement audio, d’un peu plus de dix minutes, dont nous avons eu connaissance, le responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), l’indépendantiste Christian Tein, s’adresse à des militants. En voici les passages marquants. Certaines phrases, prononcées samedi, dimanche ou lundi, ont de quoi inquiéter.

« Depuis qu’on a mis en place cette structure à Thio » fin 2023, « on s’est permis de promettre des choses. Je ne sais pas si le FLNKS il a fait des choses comme ça, mais en tout cas nous on l’a fait », explique Christian Tein, précisant fièrement que la CCAT offre « du rêve aux gens ».

« On essaiera de faire le travail, pas à pas : ce qu’on peut amener, on l’amènera pour le pays, on l’amènera pour chacune de nos populations », ajoute-t-il.

« C’est ton mec à toi qui a le sang sur la main »

Christian Tein s’en prend ensuite au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, qu’il juge responsable de « la situation dans laquelle on en est rendus aujourd’hui » : « nous, on ne veut pas » de cette violence, « c’est lui qui nous a poussé » vers « la phase 3 » du plan de la CCAT.

« Tout le bordel, tout le bazar qu’il y a, j’ai dit à Macron, face à face comme ça, j’ai dit : ”c’est ton mec à toi qui a le sang sur la main, des deux gendarmes et des quatre morts », et depuis vendredi un de plus. « Peut-être que ça ne plaît pas aux gens du FLNKS comment je l’ai dit, moi je m’en tape, je ne suis pas venu pour faire plaisir au FLNKS, je suis venu pour dire à Darmanin et à Macron ce que je pense de la façon » dont ils gèrent « les choses ».

Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et Gérald Darmanin ? « Moi, j’ai dit : ”ces gens-là, je ne veux pas les voir à la table là avec lui” (…) On a pu faire en sorte qu’ils ne soient pas à la table » des discussions jeudi au Haut-commissariat, se félicite-t-il.

« Je ne me contenterai pas de ça »

« Macron, il est arrivé aussi comme il est toujours, de sa hauteur (…) en disant que ”voilà, je vous ai entendu, OK, voilà, mais maintenant je vous donne quarante-huit heures, vous levez tout ça” », ces barrages, « ”moi je ne réunis pas le congrès de Versailles”. Ça veut dire que » malgré « tout ce qu’on a fait, là, il vient amener que ça ! Moi, j’ai dit aux gens du Front : ”moi, je ne me contenterai pas de ça”. Ça, ce n’est pas possible, ça ! On a dégommé nos gens à nous dans les quartiers, on a mis quatre-vingt ans d’économie coloniale un genou à terre, et puis il va venir nous dire que ”bah, je vous donne quarante-huit heures”. Nan, nan, nan. On ne joue plus dans le pays. Soit, à un moment donné, il prend de la hauteur et puis il met la barre là où » il faut selon l’estimation faite par Christian Tein, soit il ne le fait pas et dans ce cas on peut s’inquiéter pour les semaines à venir.

« Pas là pour adorer le président »

« Macron, il est venu comme un Jupiter là, pour venir dire voilà comment lui il voit les choses », poursuit le responsable de la CCAT, qui s’intéresse ensuite à la suite. « Alors, soit on retourne dans les vieux schémas d’avant, on se fait des petits plaisirs parce que c’est le président de la République », mais « moi je m’en tape, moi je ne suis pas là pour adorer le président de la République, moi je lui dis ce que j’ai à lui dire et après il prend » tout cela « comme il veut, c’est comme ça ».

« Je ne veux pas perdre »

Le président de la République, « il est venu amener un cadre, il a dit ”voilà, moi je propose ça”. Il demande de desserrer un peu l’étau sur les artères pour faire en sorte que le carburant puisse aller aux Îles, au Nord, et la partie sanitaire, les denrées, tout ça : il n’y a pas de souci là-dessus. Ma seule crainte (…), c’est qu’aujourd’hui, si on descend le niveau très, très bas, ça va être compliquée la mobilisation derrière. Les gens de chez nous vont lâcher prise. Et moi, je ne veux pas perdre. Avec les autres là, on a mis en place une structure pour porter le travail politique là, et au niveau où on est aujourd’hui, on ne peut plus descendre en dessous », assure Christian Tein. « C’est ce que j’ai dit aux gens de Saint-Louis tout à l’heure (…) c’est qu’on va maintenir un niveau de pression pendant le mois » à venir, période durant laquelle « la mission du dialogue », mise en place par Emmanuel Macron, tentera de faire un travail de « médiation ».

« Pas question de desserrer fortement l’étau »

Selon le responsable de la CCAT, « il n’est pas question de desserrer fortement l’étau (…) J’entends bien les politiques » qui demandent d’enlever les barrages, « mais si tu veux aller chercher quelque chose, là il ne faut rien lâcher », pour ne pas avoir « fait tout ça pour rien. Vous tous, là, je ne sais pas si vous aurez votre salaire demain, mais on ne joue pas là-dessus. Il faut aller chercher notre pays. Je ne sais pas comment on va faire, mais il faut aller chercher Kanaky (…) Il faut que Macron il arrête de jouer à du chantage, que Darmanin tout ça ils arrêtent de faire du chantage avec notre peuple, parce que sinon on ne s’en sortira pas (…) Après ce qu’on a fait là, il faut sortir notre pays » du giron de la France, définitivement, rêve le dirigeant indépendantiste.

« Il faut aller chercher Kanaky »

« Sinon, on va reporter jusqu’à Mathusalem encore ce calendrier. Fermez-le ce calendrier, il faut qu’on aille chercher Kanaky (…) Je suis passé partout, c’est le même message » qui est porté. « OK, il y a la mission qu’ils veulent mettre en place avec les trois hauts fonctionnaires là, pour discuter de la sortie ou de ce qu’il veut, mais mois je dis niet, c’est fini, à un moment donné il faut que tous les gens du FLN aussi là ils rentrent dans le coup (…) pour aller chercher quelque chose, parce que sinon on va se compliquer, on va s’emmerder. A la fin, l’État il a de gros moyens, il ne faut pas vous leurrer. L’État va nous diviser, va nous instrumentaliser entre les uns et les autres. »

« On n’a plus le temps »

« Il faut que l’alcool ne circule plus sur le terrain, parce qu’on a besoin des gens debout. Aujourd’hui, on est en train de pleurer nos enfants (…), il y en a qui est parti hier encore, tué par les milices », avance Christian Tein, qui revient vite sur le terrain politique. « Nous, on est prêt à donner un coup de main avec le Front, pour dire OK, on comprend le message, on avance un peu ensemble, pas à pas. Mais à un moment donné, il faut aller chercher Kanaky. Et ça, là, il faut qu’on arrête de se faire des petits plaisirs entre nous. Et Daniel Goa, je lui ai déjà dit (…) il faut qu’on arrête de manœuvrer, parce qu’on n’a plus le temps, parce que nous, on est une génération » qui a une mission : faire « qu’on sorte notre pays » de la République française. « On n’a plus de temps. Et le temps, aujourd’hui, il faut le donner, le consacrer à Kanaky (…) Il faut leur redonner de la perspective derrière à nos jeunes. »

« Il s’est énervé contre moi »

« ”Tu peux coucher 10 000 Kanak là demain”, j’ai dit à Macron. J’ai dit : ”je sais que tu as la plus grosse armée du monde, si tu veux faire comme Israël il n’y a pas de souci, peut-être que tu vas rentrer dans l’Histoire d’être le premier président à avoir dégommé autant de Kanak. Il s’est énervé contre moi. J’ai dit : ”mais moi, je préfère te le dire cash comme ça, comme ça au moins on saura où on en est, comme ça je te préviens d’avance, ne joues pas à ce jeu-là. Lâches notre pays, c’est tout ce qu’il y a à faire. »

Le dirigeant de la CCAT avait encore des choses à dire. « Macron, il n’est pas arrivé comme ça, il est arrivé parce que c’est vous, sur les différents terrains », par des actions offensives, parfois violentes, qui ont précipité sa visite. Sa venue durant un peu moins de vingt heures jeudi, « ce n’est pas parce qu’il avait envie de se balader en avion, non, il avait d’autres chats à fouetter ». Ce passage – forcé – du chef de l’État malgré une actualité nationale et internationale chargée, « à partir de là on dit ”s’il vient là maintenant il faut qu’on marque d’une pierre blanche (…) et commencer à mettre le calendrier de Kanaky” » sur la table.

« Il ne faut pas laisser les gens du FLN » choisir pour la CCAT

Et maintenant ? « On connaît comment l’État français fonctionne. A un moment donné, il faut que tout le monde », chez les indépendantistes, « sert dans le travail, parce que sinon on va courir, courir, courir. Le travail, si c’est compliqué, nous » à la CCAT « on va le prendre, on va assumer, mais il ne faut pas qu’on fasse les choses autrement ».

Désormais, continue Christian Tein, « je demande à ce que les collectifs, de tous les ronds-points là où on est nous, bah vous faites des propositions, que vous amenez aussi par écrit comment vous, vous voyez » les choses « avec les trois hauts fonctionnaires, comment on peut travailler. Il ne faut pas laisser les gens du FLN » agir seuls, « surtout ne pas » reproduire « les erreurs qu’on a commises par le passe : faites des propositions à votre niveau, faites remonter ».

« J’ai demandé à ce que des représentants de la CCAT soient autour de la table des discussions, mais j’ai besoin que vous ameniez des arguments concrets pour la discussion : il n’y a pas des professionnels de la politique ici » à la CCAT, rappelle son responsable.

« L’accord de Kanaky »

« Il n’est pas question de chantage (…) Si on doit sortir à un moment de la discussion, on sort (…) et si les gens du FLNKS et de la CCAT » ils sortent, les autres partis politiques calédoniens et l’État « ils se démerdent, ils assumeront, je tiens à vous le dire tout de suite ».

Christian Tein recentre le débat. « Nous, il y a l’accord de Nouméa qui est là, qui a été posé. C’est lui », Emmanuel Macron, « qui a décidé de dérailler le train du processus, là. L’accord de Nouméa, c’est les transferts aujourd’hui qu’on doit regarder, les transferts des dernières compétences régaliennes. Comment on fait pour transférer ça ? (…) Il faut travailler sur cette partie. Les compétences régaliennes, on dit on fait quoi, c’est quoi la date des transferts, le calendrier, et pour arriver là au bout, l’accord de Kanaky ? »

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