Le président de la République a atterri jeudi matin à Tontouta pour un voyage officiel de quelques heures sur un territoire marqué par dix jours d’émeutes d’une violence inouïe. Emmanuel Macron l’a promis, les policiers et gendarmes venus en renfort se maintiendront « aussi longtemps que nécessaire ».
Un préalable avant toute chose, « la paix, le calme et l’ordre ». Le président de la République Emmanuel Macron a foulé le tarmac de l’aéroport de Tontouta jeudi matin pour un voyage officiel au pas de charge de douze heures accompagné du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin et du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Une visite éclair mais à la question de savoir s’il pourrait prolonger son séjour, Emmanuel Macron a prévenu, « nous verrons, je n’ai pas de limite ».
Après avoir survolé en hélicoptère Nouméa et dans le Grand Nouméa pour se rendre compte de l’étendue des dégâts, entre les bâtiments incendiés et les barrages encore tenus par les émeutiers, le chef de l’exécutif a rencontré pendant près de cinq heures les élus, les représentants des institutions (Louis Mapou, Roch Wamytan, Sonia Backes, Jacques Lalié…) et les forces économiques (Mimsy Daly, David Guyenne, Romain Babey…) devant lesquels il a appelé à « commencer à trouver un chemin pour avancer ». Précision importante, « bâtir ce chemin » ne pourra se faire que « dans un cadre que le peuple a choisi », c’est-à-dire le résultat des trois référendums d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa.
L’état d’urgence « ne devrait pas être prolongé »
Si la Nouvelle-Calédonie connaît des heures sombres, le Président a été clair, le calme doit revenir et les barrages doivent être retirés par les émeutiers avant de penser à l’après. Une situation qui « nous préoccupe » et qui a nécessité de décréter l’état d’urgence la semaine dernière. Un régime d’exception qui, a-t-il estimé, ne « devrait pas être prolongé parce que je crois profondément que le dialogue est nécessaire ». S’il devait être levé, c’est à la seule condition que « si chacun, en sa responsabilité, appelle à lever les barrages, ce qui n’est pas toujours le cas avec cette clarté. C’est une phrase simple et elle va mieux en le disant parce qu’elle peut être suivie d’effet ».
Depuis la soirée du lundi 13 mai et la stupéfaction face aux scènes de pillages, d’incendies et d’affrontements avec les forces de l’ordre, poussant le territoire dans un climat quasi-insurrectionnel, les habitants se sont barricadés dans leurs quartiers, se relayant jour et nuit de crainte de voir l’école du quartier, les commerces et les habitations pris pour cible par les émeutiers. « Je sais la très grande fatigue de beaucoup de familles, l’inquiétude », a-t-il déclaré avant d’évoquer « la grande détresse » des Calédoniens qui souffrent des restrictions d’accès aux soins. Dans l’avion pour venir sur le territoire, Emmanuel Macron a pris connaissance d’une lettre des associations représentant les patients dialysés, « aucun combat ne peut justifier » ce qu’ils vivent au quotidien.
« Des opérations massives »
Pour faire face à des émeutes que personne n’aurait imaginé il y a encore quelques jours, l’Etat a employé les grands moyens. Une mobilisation exceptionnelle, jusqu’à 3000 forces de sécurité intérieure (plus qu’au troisième référendum), pour reconquérir certaines zones de non-droit. « Il y a des organisations et des prises de certains quartiers qui en quelque sorte expliquent le temps que cela prend pour recouvrer l’ordre », a justifié le chef d’Etat, saluant au passage « le grand professionnalisme » des policiers et gendarmes confrontés à « des situations de tension extrême ».
Mètres après mètres, les forces de l’ordre tentent d’inverser la situation et, a-t-il annoncé, « des opérations massives » seront organisées ces prochains jours « où c’est nécessaire » pour rétablir « la totalité de l’ordre républicain. Il n’y a pas d’autre choix ». Si certains craignent déjà le départ des renforts, Emmanuel Macron a promis qu’ils resteront « aussi longtemps que nécessaire », même durant les Jeux olympiques de Paris.
Une fois la sécurité revenue, viendra le temps de la « reconstruction » des écoles, des bâtiments publics et des collectivités locales. Une réunion a justement été organisée dans l’après-midi pour mener une première mission d’évaluation d’urgence avec pour objectif de « pouvoir mobiliser les éléments de trésorerie, de liquidité, d’assurance, de remboursement ».
« Un débat franc, direct et ouvert »
Avec un « esprit constructif, de dialogue, d’apaisement », Emmanuel Macron a réclamé un « débat franc, direct et ouvert » sur les questions politiques et institutionnelles. La tâche est immense. « Il faut reprendre l’intégralité des choses et voir aussi comment trouver ce que j’appellerais l’apaisement collectif, c’est-à-dire retrouver le calme, la capacité de trouver du dialogue et une solution ». Dans quel cadre ? Avec quelles modalités ? Le président n’est pas allé plus loin mais il a confirmé que les discussions futures ne pourront pas « nier le chemin qui a déjà été fait » et « respecter l’expression populaire qui s’est déjà jouée ». Autrement dit, le résultat des trois référendums.
En milieu d’après-midi, le président s’est rendu au commissariat central de Nouméa pour saluer les policiers mobilisés sur le terrain pour sauver la population au péril de leurs vies avant de rentrer au haut-commissariat pour rencontrer des jeunes Calédoniens qui ont partagé leurs inquiétudes quant au devenir du territoire.
Ce n’est qu’en début de soirée que la séquence politique a véritablement commencé. Emmanuel Macron a prévu de rencontrer les élus non-indépendantistes pendant une heure (20 minutes pour Calédonie ensemble et 40 minutes pour les Loyalistes) et indépendantistes. Le mystère reste entier sur les annonces que pourrait faire le président de la République.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche