Loyalistes et Rassemblement présentent leurs propositions d’avenir

Les deux partis ont présenté avant-hier leurs contre-propositions au document-martyr de l’État. Ils les défendront lors de la venue des ministres Gérald Darmanin et Bruno Le Maire les 25 et 26 novembre à Nouméa.

Sonia Backès (Les Républicains calédoniens), Gil Brial (MPC), Virginie Ruffenach (Rassemblement), Nicolas Metzdorf (Generations nc)… Tous autour de la table, les élus non-indépendantistes sont parvenus à s’entendre sur une copie commune, « au prix de nombreux efforts et de beaucoup d’énergie », concède Sonia Backès. « C’est un exercice de transparence envers les Calédoniens, a fait valoir le député Nicolas Metzdorf. On a trop connu dans notre histoire des accords politiques qui étaient signés entre les chefs et que les Calédoniens découvraient a posteriori. Notre idée, c’est que même pendant la période de négociation, on informe les Calédoniens de nos contre-propositions pour qu’ils puissent suivre tout le cheminement d’un accord politique, de manière à ce que rien ne puisse nous être reproché ensuite ». Et le président de Generations nc de promettre : « On fera un compte rendu bien évidemment à la suite des réunions avec Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et les indépendantistes »

Un calendrier contraint

En parlant de cheminement, le calendrier de la réforme constitutionnelle a été confirmé par le Président de la République lors de la réunion des Outre-mer à Paris, a rappelé Sonia Backès, la présidente de la province Sud. La réforme constitutionnelle concernera uniquement la Nouvelle-Calédonie et sera « mise dans les circuits » en décembre 2023 pour une adoption en mars 2024. Si aucun accord n’est signé entre les partenaires calédoniens et l’État, il n’y aura qu’un dégel du corps électoral et pas de consultation des Calédoniens. En revanche, si un accord est trouvé, il devra être ratifié par la population dans les mois qui suivront la réforme constitutionnelle. Selon l’un ou l’autre des scénarios, les élections provinciales se tiendront entre septembre et décembre 2024. Voilà en substance ce qu’il faut retenir des prochaines échéances.

Sortir la Nouvelle-Calédonie de la liste des territoires à décoloniser

Les élus non-indépendantistes ont ensuite présenté leurs propositions de modification du document-martyr de l’Etat, dont une V3 est en cours d’élaboration. « L’idée c’est de trouver la lumière au bout du tunnel, car le piétinement coûte à l’économie calédonienne », a insisté Sonia Backès. En premier lieu, en plus d’intégrer la Nouvelle-Calédonie dans le droit français de manière définitive, ce qui se traduirait par un titre dédié à la Nouvelle-Calédonie et la fin des statuts transitoires, comme le propose l’État, le Rassemblement et les Loyalistes demandent la fin du processus de décolonisation, soit la désinscription de la Nouvelle-Calédonie de la liste des territoires non-autonomes de l’ONU.

5 ans de résidence pour obtenir le droit de vote

Sur la question de la citoyenneté calédonienne, que les deux groupes non-indépendantistes souhaitent « ouverte », des propositions spécifiques ont été apportées. « Nous demandons que les conjoints de Calédoniens soient traités de la même façon que les citoyens calédoniens et donc qu’il n’y ait pas de durée de résidence dès lors qu’ils sont mariés ou en Pacs avec un Calédonien. L’État leur fixe actuellement une durée de résidence de 7 ans pour pouvoir voter, ce qui pour nous n’est pas satisfaisant », a détaillé Virginie Ruffenach, cheffe du groupe Rassemblement. « Ensuite, nous ne voulons plus d’usine à gaz en matière électorale, a-t-elle poursuivi, donc nous ne voulons plus de nombreux corps électoraux différents, et nous demandons, en cas de nouveau référendum, que le corps électoral référendaire soit le même que pour les élections provinciales ». En ce qui concerne les élections provinciales, « nous demandons à ce qu’au bout de 5 ans de présence, n’importe quel citoyen français puisse voter et donc devenir citoyen de la Nouvelle-Calédonie ».

50 ans minimum sans un nouveau référendum, au déclenchement plus exigeant

Pour ce qui est du référendum d’autodétermination, dont les deux groupes ont rappelé qu’ils n’en étaient « pas demandeurs », l’État prévoit qu’une majorité des 2/3 au Congrès lors de la prochaine mandature puisse enclencher des travaux sur la rédaction d’un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie, qui serait soumis au vote de cette même majorité. Une proposition « irrecevable » pour les deux groupes non-indépendantistes qui préconisent « une période de stabilité de 50 ans sans nouveau référendum », au terme de laquelle un nouveau scrutin pourrait uniquement être déclenché « si 70 % des Calédoniens demandaient une évolution statutaire ». Seule une majorité des 4/5e au Congrès pourrait alors voter pour un projet de statut. Une consultation des citoyens serait alors enclenchée. Le nouveau statut serait approuvé si au moins 70 % des Calédoniens et 70 % des électeurs de chaque province le votaient favorablement. L’idée étant « d’inverser la charge pour que ce soit les Calédoniens qui décident et pas les élus », explicite Gil Brial, 2e vice-président de la province Sud.

Des institutions modernisées

« L’idée est d’être pragmatique », a soutenu Alcide Ponga, président par intérim du Rassemblement. Les deux groupes loyalistes tiennent ainsi à moderniser les institutions locales en stabilisant les provinces « grâce à l’introduction d’une prime majoritaire » et en réduisant le nombre d’élus du Congrès. Chaque province y serait représentée en proportion de sa population : soit 26 élus pour la province Sud, 6 pour la province Nord et 3 pour la province des îles. Une répartition à réajuster à chaque recensement. Les deux groupes souhaitent également voir révisé le mode de désignation du gouvernement et les missions du Sénat coutumier transférées aux aires coutumières.

Un dispatch des compétences révisé

Les deux groupes proposent une révision de la répartition des compétences. Pour eux, les compétences « mal employées par la Nouvelle-Calédonie » sont à renvoyer à l’État comme le droit civil, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité civile, ou encore l’énergie électrique…. L’enseignement, la santé et la protection, d’ordre territorial, doivent pour leur part revenir à la Nouvelle-Calédonie. En tant que compétences d’intérêt économique, certains impôts et taxes dont l’impôt sur le revenu doivent revenir aux provinces, tout comme l’impôt sur les sociétés, les droits de succession, la protection de l’emploi local et les règles relatives aux protections de marché.

Foncier et identité

Sur la question du foncier, plutôt que de maintenir l’article 23 de la loi organique qui prévoit que l’ADRAF puisse être transférée à la Nouvelle-Calédonie, comme le propose l’État, les Loyalistes et le Rassemblement, estimant « que les revendications foncières sont finies », proposent que l’ADRAF soit transformé « en établissement chargé de l’aménagement optimal du foncier en vue de garantir la sécurité alimentaire du territoire ». Ils souhaitent également que l’ADCK soit transformée en Agence de développement de la culture calédonienne.

Validation de l’accord

Willy Gatuhau, le maire de Païta, ne doute pas un instant « qu’on arrivera à un accord ». Cet accord sera soumis à la consultation des Calédoniens sur la base d’un corps électoral intégrant les exclus résidant depuis plus de 5 ans en Nouvelle-Calédonie. Les deux groupes préviennent : « si les élections provinciales devaient être repoussées de plus de 6 mois, l’État prendrait la main sur l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie jusqu’aux nouvelles élections ».

Relance économique

Rien n’était proposé à ce sujet dans le document-martyr, mais les deux groupes ont jugé utile de lui dédier un chapitre. Sonia Backès insiste : « La solution politique doit s’accompagner d’un plan de relance économique car on est dans une situation catastrophique. La Nouvelle-Calédonie est en train de crever en l’absence de perspectives ». Les deux groupes préconisent de faire de l’euro la monnaie officielle de la Nouvelle-Calédonie « afin de conforter la stabilité économique et financière du territoire ». Ils souhaiteraient que l’État lance une politique de grands travaux d’un montant de 100 milliards de francs et que les emprunts contractés durant le Covid soient transformés en subventions dans le cadre de la solidarité nationale.

Autant de propositions sur l’avenir institutionnel de la part de la droite locale qui n’a pas communiqué pour l’heure sur ce qui pourrait faire l’objet de négociations ou de renoncements. Virginie Ruffenach a toutefois tenu à préciser : « Nous ne sommes pas prêts à signer au prix de la traîtrise des Calédoniens qui ont dit par trois fois Non à l’indépendance et qui ont choisi de rester dans une Calédonie française ». Et Willy Gatuhau de conclure : « Il n’y a pas d’indépendance acceptable ».

Béryl Ziegler

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