Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pourrait se voir infliger une lourde sanction d’un montant de 7,9 millions de francs pour ne pas avoir retiré l’étendard du FLNKS du permis de conduire malgré deux décisions de justice.
À ne pas respecter les décisions judiciaires, on finit par aggraver sa peine. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pourrait en faire l’expérience et se voir infliger une lourde condamnation pécuniaire de 7,9 millions de francs par le tribunal administratif. C’est en tout cas le sens des conclusions de la rapporteure publique Nathalie Peuvrel qui était appelée à se prononcer sur « la liquidation définitive de l’astreinte » dans le dossier relatif à l’inscription du drapeau du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS), en plus du drapeau tricolore, sur le permis de conduire calédonien. Derrière cette notion juridique en apparence complexe, se cache, en réalité, une logique simple : l’exécutif avait pris un arrêté modifiant le modèle du permis en juillet 2023, déclenchant alors une vive polémique dans la société et une querelle politique. À la manœuvre, Gilbert Tyuienon, alors membre du gouvernement en charge des transports. Le dossier prend alors une tournure judiciaire.
Le parti Générations NC, qui avait enjoint le président Louis Mapou de revenir sur cette décision, obtient gain de cause devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie. La raison ? Les magistrats ont considéré que l’étendard du FLNKS ne figurait pas parmi les signes identitaires adoptés par le Congrès, à la différence de l’hymne, de la devise et du graphisme des billets de banque. Un appel est aussitôt interjeté par le gouvernement mais c’est un nouvel échec. Les effets du jugement du tribunal administratif doivent donc être respectés: la Nouvelle-Calédonie est dans l’obligation de mettre en circulation un nouveau modèle de permis dépourvu du drapeau du FLNKS à compter du 1er janvier 2025, sous peine de se voir infliger « une astreinte » de 100 000 francs par jour de retard. Une façon pour le juge de contraindre l’administration à appliquer la décision sous peine d’impacter les finances publiques.
Tyuienon « bafoue la justice »
Deux mois plus tard, rien n’a été fait. L’exécutif persiste dans son inaction. Générations NC, par la voix de Nina Julié, a donc sollicité « la liquidation de l’astreinte » auprès du tribunal administratif. Autrement dit, de réclamer le paiement des sommes mises à la charge de l’administration. « À ce jour, en dépit d’un courrier adressé le 19 février 2025 à la Nouvelle-Calédonie, cette dernière n’a pas communiqué au greffe du tribunal copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter ce jugement. La Nouvelle-Calédonie doit être, par suite, regardée comme n’ayant pas exécuté cette décision », a déclaré la rapporteure publique à l’audience. La magistrate a donc demandé de sanctionner le gouvernement à régler une somme de 7,9 millions de francs, ce qui correspond à « la période courant du 1er janvier 2025 au 20 mars 2025 ». « Nous déplorons l’inexécution de la décision et l’absence d’un représentant du gouvernement à l’audience, c’est vous dire le manque de considération pour ce dossier », a blâmé Me Loïc Pieux, l’avocat de Générations NC.
Le parti a justement dénoncé « le refus de Gilbert Tyuienon d’appliquer la loi », ce qui incarnerait « la menace que représentent les extrémistes indépendantistes pour l’avenir des Calédoniens ». « Non seulement ce membre du gouvernement bafoue la justice, mais il ose en faire payer le prix aux Calédoniens. L’astreinte qui a été prononcée ne sortira pas de sa poche, mais de celles des Calédoniens », ont affirmé les élus de Générations NC qui en appellent au président du gouvernement « de mettre un terme aux agissements illégaux de Gilbert Tyuienon ». Malgré plusieurs sollicitations, le gouvernement n’a pas souhaité répondre à nos questions. Alcide Ponga avait promis, au cours d’un meeting dans la salle omnisports de l’Anse-Vata, à la fin février, avoir demandé à ses services de retirer le drapeau du FLNKS du document officiel.
La juridiction rendra sa décision dans trois semaines.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche