Enercal a dressé hier le bilan de l’année 2024 et évoqué les perspectives pour l’électricité calédonienne. Son directeur a répondu aux questions des médias.
LVDC : En 2024, la consommation d’électricité a baissé. Elle a été quasiment divisée par deux du côté des métallurgistes, et réduite de 7,5 % du côté de la distribution publique (particuliers, professionnels et collectivités locales). A quoi cette baisse est-elle due ?
Jean-Gabriel Faget : Cela constitue une rupture, à la fois parce que la métallurgie a moins bien fonctionné, notamment avec l’arrêt de KNS, la baisse de consommation de la SLN et l’arrêt pendant plusieurs mois de PRNC (Prony Resources). C’est principalement dû aux difficultés à accéder à certains sites industriels ou à opérer normalement dans les mines et certaines usines. Et d’une façon générale, au ralentissement économique en lien avec la crise. Du côté de la distribution publique, les clients en dehors de la métallurgie ont vécu une année 2024 très compliquée avec une baisse des consommations.
LVDC : Vous avez d’ailleurs fait état d’un nombre de contrats à la baisse…
J-G.F : Effectivement. A la fois sur les concessions du distributeur EEC et du distributeur Enercal, nous avons noté une perte de 2 000 contrats (au 31 décembre 2024), en comparaison avec les 115 000 que nous avions avant la crise insurrectionnelle. Les contrats ont été résiliés pour différents motifs, soit parce que les gens ont quitté le territoire ou plus certainement parce qu’ils ont quitté l’agglomération.
LVDC : Compte tenu du contexte aussi bien économique que politique, vers quoi s’oriente-t-on ?
J-G.F :L’orientation dépendra de la pérennité des activités industrielles de la métallurgie du nickel. Selon qu’il y aura une, deux ou trois usines de transformation de nickel en Nouvelle-Calédonie, la consommation (électrique) sera plus ou moins importante et cela façonnera différemment le système électrique, sachant qu’on ne perd pas de vue qu’un des moyens de faire gagner en productivité la métallurgie, c’est de lui apporter de l’énergie décarbonée à prix mieux maîtrisé. Cela sera le gros enjeu de l’accompagnement des mois qui viennent dans une perspective de reprise ou de continuité d’activité des trois usines.
LVDC : Quelles sont les solutions techniques envisagées en termes de production électrique ?
J-G.F :Nous avons des visions assez claires et elles sont partagées par beaucoup sur les solutions à mettre en œuvre. Production thermique avec du gaz, beaucoup de photovoltaïque, mais certainement aussi beaucoup de stockage et notamment une STEP (système de transfert d’énergie par pompage) qui fait du stockage hydroélectrique. Tout cela dépendra de la capacité à avoir des consommations et de la métallurgie durable, car ce sont des investissements très significatifs qui ne trouvent leur rentabilité que sur des durées longues.
LVDC : Plombée par le déficit du système électrique, Enercal a vécu des années difficiles. La société est-elle tirée d’affaire ?
J-G.F :Le modèle de régulation qui finance tous les acteurs de la distribution publique a été corrigé. Il a été remis à plat en août de l’année dernière par le gouvernement et le Congrès (cf. encadré). Nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition. Le système continue d’être déficitaire (à hauteur de 400 millions de francs par mois, NDLR) et cela pèse lourdement sur la trésorerie d’Enercal. Néanmoins, nous avons des perspectives qu’à l’horizon de deux ans, le système électrique retrouve l’équilibre et que tous les acteurs, dont Enercal, puissent fonctionner normalement.
LVDC : Vous chiffrez à 20 milliards la dette cumulée que le gouvernement s’est engagé à compenser. Ce remboursement aura-t-il a un impact sur les consommateurs ?
J-G.F :Nous n’avons pas de dette, je rappelle que c’est le gouvernement qui n’a pas réglé successivement pendant plusieurs années la compensation qui était prévue par le système. C’est le gouvernement qui doit donc à Enercal une vingtaine de milliards de francs. Il est prévu par les textes votés en 2024 que cette somme soit payée à Enercal à partir de l’année 2026 et donc cela aura un impact budgétaire pour la Nouvelle-Calédonie, mais pas sur le tarif.
LVDC : En 2024, vous avez préconisé à la Nouvelle-Calédonie de ne pas construire de nouvelles centrales photovoltaïques. Le renouvelable a-t-il encore un avenir ?
J-G.F :Si la métallurgie existe encore dans les années qui viennent en Nouvelle-Calédonie, oui absolument, le renouvelable aura encore un avenir, et notamment le photovoltaïque associé à du stockage, parce que c’est aujourd’hui la seule voie pour faire baisser le prix de l’électricité.
Le redressement est enclenché
En août 2024, le Congrès a adopté plusieurs mesures visant à compenser le déficit structurel du système électrique. Il a notamment pris la décision d’apurer la dette historique d’Enercal liée au défaut de versement de la composante de stabilisation par le gouvernement. Cet apurement sera réalisé entre 2026 et 2029. Le Congrès a aussi acté trois augmentations du prix de l’électricité de 10% (les 1er octobre 2024, 2025 et 2026). Durant cette période, la Nouvelle-Calédonie sera également tenue de compenser les déficits prévisionnels supportés par Enercal. Au total, plus de huit milliards de francs lui seront versés. Puis, à compter de 2027, le tarif de l’électricité sera automatiquement ajusté aux coûts réels de production de l’électricité, à la hausse ou à la baisse.
Béryl Ziegler