Un des dialogues savoureux de Michel Audiard, faisait dire à Francis Blanche dans Les Tontons flingueurs : « C’est curieux chez les marins, ce besoin de faire des phrases ». On pourrait le détourner au sujet de nos jeunes et du «sens de la fête» qu’ils ont encore manifesté ce week-end à Nouville au 1881 : « C’est curieux chez les jeunes, ce besoin de se filmer ». Ce dimanche, les réseaux sociaux grouillaient de vidéos de bagarres, de destructions, de vols et d’insultes. A tel point que c’est ce qui a alerté l’opinion, n’y eut-il pas ces vidéos que peut-être n’aurions-nous pas été informés de cette rixe géante et du pillage qui s’en est suivi. Ils filment donc tout de leurs belles actions, y trouvant sans doute matière à satisfaction et gloriole, un peu comme les croisés de 1095 narraient leurs exploits dans des chroniques enluminées. C’est d’ailleurs la multiplication de ces vidéos qui a rendu le traumatisme du 13 mai plus profond et plus durable encore, parce que nous le vivions sur les écrans de nos smartphones, quand nous n’étions pas pris directement dans la tourmente elle-même. Mais, comme tous ces braves « jeunes en colère » ne sont pas très malins (euphémisme), ils sont tout surpris d’un coup de comprendre que c’est souvent grâce à leurs vidéos qu’on les a identifiés. Mais du coup, ils ne se filment pas quand ils se retrouvent dans le prétoire.
Nicolas Vignoles