Rencontre avec… Sonia Backes

Au sortir de la séquence de discussions, et avant le retour de Manuel Valls, nous avons voulu faire le point avec la cheffe de file des Loyalistes et présidente de la province Sud, Sonia Backes. Un discours franc, sans faux-fuyants, en prise avec la réalité du moment.

La voix du Caillou : Au terme de cette semaine de discussions, les réactions, souvent négatives, ont été nombreuses tant du côté indépendantiste que non-indépendantiste, comme si les gens n’avaient pas bien compris ce qui se passait. Est-ce aussi votre avis?

Sonia Backes : Je ne sais pas si les gens n’ont pas compris, mais je pense que c’était peut-être maladroit de terminer cette séquence avec un document. En fait, je pense que l’on pouvait considérer que cette première étape était déjà une avancée, puisque que tout le monde était autour de la table. Mais au final, sortir un document qui finalement ne convient à personne, parce que ce document, qui est le document de l’État, ne fait que mettre en lumière la distance entre les différentes hypothèses… Manuel Valls est arrivé en disant qu’il voulait rassurer, et c’était effectivement rassurant d’avoir tout le monde autour de la table, mais finalement ça a été plus inquiétant à la lecture du rapport. Je pense que c’était peut-être trop tôt pour faire ça, parce qu’au final, et parce que chacun a pris connaissance du document, les bases extrémistes, en tout cas les plus dures, se sont braquées. Et du coup, ça oblige à faire marche arrière, ce qui, je pense, est une maladresse. Il faut dire que lors des discussions, et au nom du FLNKS, Emmanuel Tjibaou, dans sa prise de parole initiale, a dit qu’il aimerait bien qu’il y ait un document type procès-verbal, parce que dans le cas où Manuel Valls ne serait plus en charge du dossier, il reste néanmoins quelque chose, une trace, de ce qu’on a fait. Je comprends la démarche, parce qu’effectivement sinon on aurait dû tout recommencer, mais au final, je ne suis pas sûre que ça a été très malin.

LVDC : Vous souhaitiez que l’État sorte des ambiguïtés, mais on a l’impression que Manuel Valls n’est pas sorti lui-même de ses ambiguïtés.

S.B. : En fait, il n’y a plus d’espace pour les ambiguïtés. L’accord de Nouméa n’était basé que là-dessus, et on sait très bien qu’on ne peut plus faire la même chose, parce que ça n’est plus possible, parce que ça nous a explosé à la figure, toutes les incompréhensions, les interprétations des uns et des autres, différentes, et le fossé qui s’est creusé entre les interprétations des uns et des autres. On ne peut plus faire comme ça. Ça n’est donc plus possible, en fait, mais malheureusement, Manuel Valls en laisse encore. Parler de lien avec la France alors que l’on a décidé de rester Français, c’est laisser les indépendantistes imaginer qu’il pourrait y avoir une solution en dehors de la République. C’est ce qu’il faut. Il n’y aura jamais les 3/5e à l’Assemblée nationale pour un statut qui soit en dehors de la République. Il n’y aura jamais une convocation du Congrès par le président de la République pour voter un statut qui soit en dehors de la République, tout simplement parce qu’on a voté trois fois non, et ça, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas. Ensuite, qu’il puisse y avoir une réflexion sur le long terme, une réflexion sur la trajectoire, c’est autre chose, mais il ne peut pas y avoir de statut hors de la République. Et en fait, le fait de dire « lien avec la France », le fait de dire « souveraineté avec la France », le fait de laisser cette ambiguïté, ça fixe des personnes radicales dans leur certitude qu’ils vont avoir ce qu’ils ne pourront pas avoir. Vous savez, à l’issue des discussions, il y a des gens qui attendaient Emmanuel Tjibaou en bas du Haussariat, et quand il leur a été demandé ce qu’ils faisaient là, ils ont répondu qu’ils attendaient Emmanuel Tjibaou pour savoir quelle était la date de l’indépendance ! Emmanuel Tjibaou, aussi volontaire soit-il, si le ministre ne lui donne pas les outils, c’est lui qui est obligé d’assumer derrière. Je ne sais pas s’il a envie de l’assumer ou pas, mais en tout cas, la réalité, c’est que les ambiguïtés, voire les mensonges de l’État, le fait de ne pas assumer un certain nombre de choses, font que c’est les autres qui doivent l’assumer, et ça, c’est nul. D’autant que Manuel Valls ne le fait que d’un côté, parce que de notre côté, il écrit que le droit à l’autodétermination est inaliénable, ce qui d’ailleurs est contestable, mais il fait digérer des choses à nos gens et il ne fait pas le même exercice avec les indépendantistes, seulement pour les faire venir autour de la table. Je trouve ça dommage. Le communiqué publié par le FLNKS mercredi soir montre l’erreur d’agir comme le fait Manuel Valls. Que disent les indépendantistes dans leur communiqué? Ils disent à Manuel Valls « merci de nous avoir donné ça, c’est super, on prend, mais maintenant il reste ça, ça et ça’ », et le piège se referme sur Manuel Valls comme il s’était refermé sur Sébastien Lecornu.

Sonia Backes est l’un des personnages centraux des discussions du moment sur l’avenir institutionnel.

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Propos recueillis par Nicolas Vignoles

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