Pendant des décennies, la dengue a frappé la Nouvelle-Calédonie par vagues épidémiques et mis sous pression le système de santé. Aujourd’hui, cette maladie potentiellement mortelle a quasiment disparu des radars, grâce au World Mosquito Program (WMP) qui a radicalement transformé la situation sanitaire du territoire.
Il est loin le temps où l’on redoutait chaque piqûre de moustique. En 2017, la Calédonie comptait 4 000 cas de dengue et onze morts du virus. Deux ans plus tard, le World Mosquito Program était introduit. Depuis, les résultats sont probants et on peut officiellement dire que la dengue n’est plus un problème de santé publique.
Un tournant décisif : cinq ans sans épidémie
Depuis 2019, aucune épidémie de dengue n’a été enregistrée en Nouvelle-Calédonie. En 2024, seuls trois cas locaux ont été recensés. Une réalité rendue possible grâce aux nombreux lâchers de moustiques porteurs de la bactérie Wolbachia dans le Grand Nouméa. Après six années d’efforts et d’investissements, la méthode a porté ses fruits. « Les moustiques porteurs de Wolbachia sont désormais établis dans les quatre communes du Grand Nouméa, notamment dans les zones où les foyers de dengue étaient régulièrement identifiés auparavant », confirme Nadège Rossi, chef de projet du World Mosquito Program en Nouvelle-Calédonie. Pour un territoire où chaque saison des pluies pouvait annoncer une flambée épidémique, cette nouvelle donne est une véritable avancée. La Direction des Affaires Sanitaires et Sociales (DASS) s’en félicite : « Grâce à cette méthode respectueuse de l’environnement, la Nouvelle-Calédonie enregistre sa 5e année consécutive sans épidémie de dengue, une avancée majeure dans la lutte contre les arboviroses. »
Une surveillance minimale
Le WMP touche aujourd’hui à sa fin. Faute de nouvelle subvention accordée, en raison de la situation financière actuelle du territoire, « le programme ne peut plus être étendu à de nouvelles communes », annonce Nadège Rossi. Toutefois, si les lâchers de moustiques sont terminés, la vigilance du WMP reste de mise. Une surveillance annuelle sera maintenue « afin de s’assurer que les moustiques porteurs de Wolbachia restent majoritaires, garantissant ainsi un risque épidémique minimum ».
Un danger écarté, mais pas complètement disparu
Si le risque est aujourd’hui quasi nul de contracter la maladie sur les communes du Grand Nouméa, la prudence s’impose dans certaines zones non couvertes par le programme. « Une circulation active de la dengue est encore possible dans les communes n’ayant pas bénéficié du programme, notamment si une ou plusieurs personnes reviennent de voyage en ayant contracté le virus durant leur séjour à l’étranger », prévient Nadège Rossi. Par ailleurs, l’introduction d’une nouvelle espèce de moustique constituerait également « un risque non négligeable ». « Chacun doit donc rester vigilant et garder les bons gestes afin de limiter le nombre de gîtes larvaires pour que l’absence d’épidémie perdure en Nouvelle-Calédonie », conseille le WMP.
Wolbachia, l’éradicateur
La technique utilisée repose sur un principe simple mais efficace : en introduisant la bactérie Wolbachia chez les moustiques Aedes aegypti, ces derniers ne peuvent plus transmettre les virus de la dengue, du Zika et du chikungunya. Une fois libérés dans la nature, ces moustiques modifiés se reproduisent avec la population locale, transmettant ainsi la bactérie à leurs descendants. Cette méthode, naturelle et sans impact environnemental, a été mise en œuvre avec succès dans 14 pays, dont la Nouvelle-Calédonie.