La journaliste calédonienne, célèbre entre autres pour la présentation du journal télévisé sur TF1 et la 5, a écrit, en collaboration avec Yannick Jan, une autobiographie retraçant son histoire.
La voix du Caillou : Comment est née l’idée de cette biographie ?
Marie-France Cubadda : Eh bien, il paraît que je fais partie du patrimoine calédonien, et c’est Ismet Kurtovitch et son neveu Yannick Jan, qui a monté une petite maison d’édition calédonienne, qui se sont dit “qui va-t-on interviewer maintenant ?” Parce que c’est sous forme d’entretien, cette autobiographie que j’ai réécrite. Donc, nous avons parlé, j’étais très réticente au début, parce que je ne voyais pas trop l’intérêt d’aller raconter mes histoires entre guillemets aux Calédoniens, mais apparemment, ils en sont friands. Tout ce parcours, ça leur a ravivé des souvenirs. Moi, j’ai commencé à la télévision en 1969. J’ai été le premier visage que les Calédoniens ont vu, le visage qui bouge quoi, il y avait les actualités, il y avait le cinéma, mais il n’y avait pas de télé.
LVDC : Qu’est-ce que cela vous fait de voir votre vie et votre carrière couchées sur papier ?
M.-F.C. : Oh, c’est comme quand on avance en âge, ça ne fait pas plaisir de vieillir. Mais, c’est la règle commune, générale, et finalement, je me dis que j’ai vécu des choses sympas, intéressantes, qui peuvent intéresser les gens. Moi, je ne voyais pas bien l’intérêt et puis finalement, je me suis laissé convaincre et je ne suis pas mécontente du résultat.
LVDC : Y a-t-il eu des moments difficiles ou émouvants pendant la rédaction de votre parcours ?
M.-F.C. : Non, je me suis sentie plutôt amusée. Je me suis souvenue d’interviews particulières ou de moments partagés avec ma fille, en dehors, quand on faisait l’école buissonnière. C’est vrai que j’ai tout réécrit, mais le cadre, ce sont quand même les questions de Yannick. Il savait ce qu’il voulait savoir, ce qu’il voulait apprendre, il voulait que je le dise, et je l’ai dit. Puis, je l’ai réécrit. Mais, parfois, après l’entretien qui durait deux ou trois heures, d’un coup quelque chose me revenait. En fait, c’est une autobiographie qui est tout à fait inachevée, par le fait même que je suis encore vivante, et j’espère pour longtemps.
LVDC : Quels aspects de votre vie ou de votre carrière souhaitiez-vous faire découvrir au public ?
M.-F.C. : J’ai découvert que les gens étaient très friands de ce monde-là, de la télé, comme on dit, le monde audiovisuel. J’ai tenu, moi, à être sincère et authentique. Il n’y a pas de mensonges. Il y a peut-être des choses un peu éludées, mais sur lesquelles il n’est pas utile de revenir. La télé, c’est un mythe. Comment construit-on un journal ? Qui est-ce qui a le pouvoir de décision ? En réalité, les gens sont friands de ça. Au bout du compte, quand on analyse, ils veulent un responsable. Ils veulent pouvoir mettre un nom sur celui qui aura fait présenter un journal télévisé par procuration à quelqu’un d’autre, le présentateur ou la présentatrice, et donc celui qui est responsable de cette déviance éventuelle ou de cette information qu’ils jugent inique ou fausse ou déformée ou tronquée. Et en fait, c’est ça qu’ils veulent savoir. Je leur explique que c’est un mythe, un petit peu, parce que le pouvoir de décision est largement collégial par le fait même de l’actualité. Au département juridique, ça va être « A ». Le sport, ça va être « B ». Moi, ça va être police, justice ou politique. Et après, c’est la technique d’un entonnoir. Tout ça est mis dans un grand pot, on malaxe tout ça et il ressort l’actualité. L’actualité, c’est l’actualité, elle s’impose. Mais les gens sont curieux, c’est très français.
LVDC : Est-ce que certains événements ou périodes de votre vie ont été particulièrement difficiles à aborder dans ce livre ?
M.-F.C. : Oui, les événements calédoniens, 84-88, que j’ai vécus, que j’explique un petit peu, ou que j’évoque plutôt. […] Les journalistes, normalement, ont une opinion, comme tout le monde. On vote, on sait pour qui on vote. Mais le tout, c’est de faire preuve d’éthique et de ne pas imposer aux téléspectateurs ou aux lecteurs son idéal, ses idéaux, son idéologie. Mais quand il y a des événements comme ça, on est tous dans le bain, au-delà d’être journaliste. On est tous immergés. Ma vie privée a été impactée, celle de ma fille, de tous les Calédoniens. Je l’évoque dans le livre en disant que ce n’est pas bien, que les informations locales n’ont pas été à la hauteur et que tout ça, c’est le résultat d’un terreau de trente ans ou de quarante ans, limite de désinformation, de mésinformations, on va dire. On a l’air de se gargariser en disant que la Calédonie, c’est le pays du non-dit. Mais c’est une tare, le pays du non-dit.
LVDC : Y a-t-il des anecdotes ou révélations dans cette biographie qui pourraient surprendre vos lecteurs ?
M.-F.C. : Il y a des anecdotes particulières. Je suis restée plein d’années à Paris, j’ai fait plein de choses sur TF1 et sur la 5. J’ai fait une vraie carrière, pour moi, c’était naturel parce que je le vivais. Mais Yannick Jan m’a fait comprendre que rien ne passait en Calédonie. À l’époque, il n’y avait pas les satellites. Enfin, il y avait les satellites, mais c’était à la marge encore. Donc, j’étais célèbre en France métropolitaine, et même au-delà, dans tous les pays frontaliers et jusqu’en Israël, mais les gens ne savaient pas en Calédonie. Et puis, un petit peu l’adage aussi, nul n’est prophète dans son pays. Donc, oui, ce que je raconte, les gens d’ici ne le connaissaient pas.
LVDC : À qui s’adresse cette biographie ?
M.-F.C. : Tous ceux qui voudront lire, et il y en a qui en prennent pour leur grade. Et pour les amis, certains revivent cette période. Cela leur ravive des souvenirs personnels. Et puis, j’ai écrit ça de façon ludique et pas ennuyeuse. Il ne faut pas que les gens s’ennuient, ça c’est un principe de télé, si on s’ennuie, ce n’est pas la peine. J’ai également écrit pour mes petits-enfants aussi, parce que mes petits-enfants, ils étaient tout petits quand j’étais à la télé. Et donc, ils m’ont peut-être aperçue du coin de l’œil. Et puis, je me suis arrêtée, et à partir de ce moment-là, eux ont grandi. Et à 7, 8, 10 ans, là, ils se sont rendu compte. […] Voilà, j’écris pour mes petits-enfants, pour mes amis, pour la Calédonie. Car, c’est Ismet Kurtovitch qui le disait, je fais partie du patrimoine.
LVDC : Souhaitez-vous que les lecteurs retiennent quelque chose en particulier de ce livre ?
M.-F.C. : Pas vraiment, mais je rappelle que c’est un produit 100 % calédonien. J’ai toujours été très fière d’être calédonienne, même à Paris, surtout à Paris. J’explique dans le livre que j’avais deux montres et que j’avais toujours l’heure de Nouméa. Parce qu’avec le décalage horaire, on finit par… On ne sait plus où on est, où on habite, c’est le cas de le dire. Et donc, c’est un produit 100 % calédonien, avec des Calédoniens. Même la préface, elle est d’une Calédonienne que j’ai découverte à l’occasion. C’est Nelly Daynac, qui travaille sur CNews et qui est née à Bourail. Elle me l’a écrite. Et donc, ça lui rappelle des tas de souvenirs.
LVDC : Avez-vous déjà eu des premiers retours sur la biographie ?
M.-F.C. : J’ai eu des premiers retours avec les gens, j’ai reçu de beaux messages. Et c’est la tonalité de ce que j’ai eu à Calédolivre. J’ai été surprise parce que je pensais que je n’intéressais pas vraiment les gens. Mais, dans les retours, les personnes me disent que « c’est un livre que tu as écrit avec ton cœur, un récit authentique et honnête ». C’est fou. Je découvre ça avec beaucoup de plaisir, amitié et empathie. Vraiment.
LVDC : Vous verriez-vous écrire d’autres livres ?
M.-F.C. : Ça m’étonnerait quand même que je refasse l’expérience de l’écriture, parce que ça demande du temps. Je suis, en fait, à la calédonienne, un peu fainéante. Je traîne les pieds comme tout le monde, se mettre devant une table, écrire, l’ordinateur. Ça prend du temps, c’est chronophage, terriblement chronophage. Et ça vient se rajouter à tout le reste, parce que, je crois que les gens le constatent, j’ai une retraite dynamique et active. Il n’y a pas plus occupé qu’un retraité de nos jours. On a des tas d’opportunités, de faire des choses qu’on ne faisait pas autrefois, ou même rien, flemmarder.
Propos recueillis par Claire Rio-Pennuen