Rencontre avec… Yann Latil

Le général de brigade Yann Latil commande les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) depuis un peu plus d’un an. Six mois après le début des émeutes et à l’heure où l’on parle de reconstruction, il nous a reçus à l’État-major interarmées.

La voix du caillou : Mon général, j’aimerais qu’on revienne d’abord sur la période des émeutes que nous venons de traverser. Comment vit-on ces périodes quand on est commandant supérieur des Forces armées en Nouvelle-Calédonie ?

Yann Latil : Cela a été une période très complexe. Avant même le début des émeutes, nous avons vu monter les tensions sociales, les tensions politiques. Et parce que c’est mon métier et ma formation, on imagine le pire et on essaie de s’y préparer au mieux avec les moyens dont on dispose. La première chose, en tant que chef, a été de renforcer la résilience des forces armées pour qu’elles puissent être au rendez-vous des « échéances » possibles, dont nous n’avions aucune idée du moment où elles pourraient arriver. Il nous fallait être prêts sur nos différentes emprises. Par ailleurs, il ne fallait pas que nous soyons « un poids » pour les autres (les forces de sécurité notamment, NDLR). Ça a donc été d’abord une séquence d’introspection et de renforcement de notre résilience.

LVDC : Et la crise finit par arriver le 13 mai…

Y.L. : Oui, une crise d’une violence que peu avaient imaginé, en tout cas pas nous, même si nous sentions ces tensions. Et là, il faut réagir avec des effectifs contraints, en apportant un appui maximal aux forces de sécurité, en pensant aussi à nos familles, et en faisant face à une attente extrêmement importante de la population et en particulier de la population de Nouméa, qui voulait immédiatement retrouver un niveau de sécurité absolue, quitte à s’affranchir des règles et des lois que je me devais de respecter. La population a pu être déçue, de voir que l’action des forces armées se « limitait » à des missions de logistique au profit des forces de sécurité et au profit des populations. Beaucoup ont interprété l’état d’urgence comme signifiant un engagement direct des forces armées. Mais l’état d’urgence apporte des outils juridiques, mais ne change rien dans l’engagement des forces armées. Donc ça été un moment assez délicat et complexe à gérer. Par ailleurs, il nous fallait, avec mon état-major, en permanence penser au lendemain, penser à l’ultima ratio, la pire des situations, afin d’avoir la capacité de réagir.

LVDC : Quelle a été l’implication des FANC lors de cette crise insurrectionnelle ?

Y.L. : L’implication des forces armées a été très large. Et sur plusieurs aspects. Premier aspect : un appui essentiellement logistique aux forces de sécurité intérieure. Un appui de la Métropole vers la Nouvelle-Calédonie, afin d’acheminer des renforts très significatifs. Nous avons mis en place un pont aérien comme nous n’en avions plus connu depuis très longtemps dans notre histoire, un pont aérien qui a été mis en place par l’Armée de l’air et de l’espace. Toujours en ce qui concerne les missions d’appui, mais cette fois-ci sur le territoire, avec des hélicoptères, des avions qui ont acheminé les forces de sécurité sur les différents sites calédoniens. Le deuxième volet a concerné l’appui, le soutien aux populations. À partir du moment où les axes routiers ont été coupés, nous avons eu de nombreuses sollicitations. Le D’Entrecasteaux, par exemple, a fait deux rotations avec plusieurs dizaines de tonnes de matériel, de nourriture, de médicaments pour réapprovisionner le Nord et les Îles. Nous avons également mis à disposition des rations de combat afin de nourrir les forces de sécurité qui arrivaient, mais aussi pour des maisons de retraite qui n’étaient plus approvisionnées. Nous avons également réalisé plusieurs dizaines d’« evasan ». Dernier volet sur lequel nous avons été présents sur réquisition du Haut-commissaire : la sécurisation de sites stratégiques. Les aéroports afin de conserver du lien avec la Métropole, mais aussi à l’intérieur du territoire, le port autonome, où se trouvait de nombreux containers qu’il a fallu protéger. Nous avons également sécurisé le site du Mont Té pour l’approvisionnement en eau de tout Nouméa, ou encore le site de Numbo.

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Propos recueillis par Lionel Sabot

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