Fermée pendant près de 150 jours, rouverte quelques heures samedi matin, puis à nouveau fermée samedi soir, la RP1, traversant la tribu de Saint-Louis, officiellement devenue la route la plus dangereuse de France, a rouvert dimanche après-midi puis encore hier matin, cette fois avec un dispositif de sécurité XXL. Ce trajet de quelques kilomètres, que l’on commence au volant de sa voiture et que l’on termine parfois à pied car on s’est fait voler, est désormais accessible au grand public, à condition d’aimer l’aventure. Mais puisque le monde d’avant le 13 mai, début de la crise insurrectionnelle en Calédonie, ne ressemble plus vraiment à celui d’aujourd’hui (cinq mois ont passé, on a l’impression que ça fait cinq ans), est-il raisonnable d’emprunter cette route comme avant, vitres ouvertes, cheveux (enfin, ce qu’il en reste) au vent, musique à fond et en sifflotant ? Après notre mésaventure de samedi après-midi (un habitant de la tribu est tombé fou amoureux de notre Dacia Sandero, tellement qu’il a voulu nous la prendre sans attendre notre feu vert), on se permet un conseil : dans ce secteur, mieux vaut être concentré et enfermé. Suffisant ? Peut-être pas, si l’on en croit l’impact du caillou (lancé par notre nouvel ami) sur notre vitre conducteur. Avant le 13 mai, si vous croisiez un automobiliste casqué sur la RP1, il s’agissait soit d’un des deux membres des Daft Punk (peu probable), soit d’un pilote de rallye du type Jean-Louis Leyraud. Désormais, ce sera peut-être simplement un habitant du sud du Mont-Dore ou de Yaté, se rendant à Nouméa. À terme, porter un casque pourrait devenir un impératif pour assurer un véhicule, qu’on sera potentiellement aussi, d’ailleurs, obligé d’équiper de pneus anti-crevaison, de canons à eau et de fusées de détresse.
Anthony Fillet