Maire de Nouméa depuis plus de dix ans, Sonia Lagarde n’aurait jamais imaginé devoir affronter, aux « commandes » de la commune la plus peuplée de Nouvelle-Calédonie, la situation de chaos que nous vivons depuis près de trois mois.
La voix du Caillou : Madame le maire, comment vivez-vous ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai dernier ?
Sonia Lagarde : Je le vis très très mal, sans doute comme tout le monde, mais peut-être que je le vis encore plus mal, parce que je ne peux pas m’empêcher de penser à tous les efforts que j’ai pu faire depuis onze ans comme maire de la commune de Nouméa. Vous savez, il s’agissait d’un vrai défi à relever pour faire en sorte que je sois à la hauteur de la tâche. En 2014, quand je suis arrivée, je me suis dit qu’il y avait beaucoup de choses à faire pour améliorer cette ville, pour la rendre plus agréable, pour améliorer la qualité de vie des gens et c’était un défi que je m’étais lancé à moi-même en disant, est-ce que tu es capable de montrer que tu peux améliorer cette ville ? Je me suis tuée à la tâche, j’arrive au bureau à 7 heures 30 le matin, je pars à 20 heures le soir. Et donc quand je vois ce qui se passe et que je vois que cette ville est coupée en deux, avec des quartiers sud qui continuent à vivre et des quartiers nord qui sont extrêmement touchés par les émeutes, par les émeutiers, avec des entreprises sur Ducos qui ont brûlé, quand je vois des administrés qui ont perdu tous leurs biens… je suis d’une tristesse infinie. Le 13 mai et les jours suivants, j’ai vu les entreprises brûler, j’ai vu un monde économique qui était en train de s’écrouler. J’ai vu nos bâtiments municipaux qui commençaient à prendre feu : nos écoles, nos médiathèques, notre maison de la famille à laquelle je tenais plus que tout. Tous ces lieux qui étaient faits pour les populations, en particulier celles du Nord, où l’on essayait d’insérer encore plus en amenant beaucoup de choses. Quand j’ai vu tout ça partir en fumée, j’étais totalement anéantie. J’étais là, spectatrice avec les larmes aux yeux, en me disant que ce n’était pas possible.
LVDC : N’y a-t-il pas également de la colère ?
SL : Oui, il y a de la colère. Une colère extrêmement rentrée. Parce que ce n’est pas comme ça qu’on peut construire. On peut avoir des idées différentes, bien sûr, mais quand je regarde où nous en sommes aujourd’hui, je me dis qu’il y a un véritable gâchis qui a été organisé.
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Propos recueillis par Lionel Sabot