Depuis le début des émeutes, la Calédonie vit au rythme des incendies et jets de bombes lacrymogènes. Si les fumées dégagées polluent l’air, celles-ci peuvent également avoir un impact sur la santé de la population, notamment celle de la tranche la plus fragile.
Dans certains quartiers de Nouméa et ses environs, les fumées d’incendies et de bombes lacrymogènes font désormais partie intégrante du quotidien de ses habitants. Des fumées qui, à en croire les bilans réalisés par Scalair (l’association de surveillance calédonienne de la qualité de l’air), influent sur la pollution atmosphérique. « Depuis le 13 mai, nous avons eu trois dépassements de seuils d’alerte rouge en PM10 (poussières en suspension), un seuil d’alerte rouge dépassé en PM2,5 (particules plus petites), sept dépassements de seuils orange en PM10 ainsi que huit en PM2,5 », illustre Manina Tehei, directrice de Scalair. À contrario, l’année 2023 a été « extrêmement bonne » en termes de qualité de l’air, avec un unique dépassement du seuil rouge et trois dépassements du seuil orange. « Il y a clairement une différence », assure la directrice de la structure. Toujours selon ces bilans, les quartiers les plus touchés par cette pollution (uniquement à Nouméa, Scalair n’ayant pas de station de qualité de l’air dans le Grand Nouméa) sont Montravel, Logicoop, la Vallée-du-Tir, Nouville et la presqu’île de Ducos. Zones qui se trouvent régulièrement, depuis le début de la crise, sous les vents des foyers d’incendies. « Tous ces pics de pollution et de concentration qu’on a observés avec les dépassements de seuils en PM (particules fines) sont clairement dûs à ces foyers d’incendie. On ne peut pas dire que c’était dû à la SLN, qui n’était pas en fonction en plus », confirme Manina Tehei. Des particules qui, « plus elles sont fines, plus elles sont absorbées par nos bronchioles », explique-t-elle.
Quel impact sur notre corps ?
Peut-on pour autant affirmer qu’elles constituent un risque pour notre santé ? Le lien n’est pas officiellement avéré, mais quelques professionnels de santé remarquent certains changements notoires en cette période. Au cabinet de pneumologie du Quartier-Latin, si les consultations n’ont « pas forcément augmenté » depuis le 13 mai, la pneumologue Frédérique Nandin a tout de même constaté que les patients ayant une fragilité respiratoire (asthme ou maladies liées au tabac comme la BPCO) « étaient plus gênés, avec des tests de souffle souvent moins bons que ce qu’ils ont d’habitude ». En parallèle, il a également été remarqué « plus de consultations en semi-urgence pour des symptômes respiratoires » . Ce qui n’est guère étonnant puisque, de base, « tous les types de fumées sont très irritants pour les bronches. Mais pour les gens qui ont des maladies respiratoires, ça peut faire des dégâts importants, surtout si l’exposition est répétée et prolongée », informe-t-elle.
L’occasion de rappeler qu’une toux persistante, une gêne respiratoire, des douleurs à la poitrine ou des sifflements respiratoires sont des symptômes qui doivent alerter les personnes impactées, et conduire à une consultation chez un pneumologue.
Des échantillons de particules envoyées en Métropole
Afin de connaître la composition de certaines particules de poussière ayant provoqué une pollution plus haute qu’à l’accoutumée durant cette période, Scalair a envoyé, en collaboration avec la DASS, quelques échantillons en Métropole, afin qu’ils soient analysés. Charge ensuite, aux institutions, de pouvoir relier les compositions de ces polluants aux entreprises ayant été incendiées. « Mais il y en a tellement que ça va être un travail de titan. On est vraiment dans la partie préliminaire de cette étude-là », indique Manina Tehei.
Scalair est inquiète pour l’avenir
Comme d’autres associations calédoniennes, Scalair détient peu de visibilité sur les prochains mois. Déjà impactée par la fermeture de KNS en début d’année (avec qui elle travaillait) – évènement qui lui a fait perdre 25% de son budget -, la structure n’a pas vu sa subvention inscrite en commission plénière du gouvernement, la semaine dernière. Par conséquent, « on espère que nos trois bailleurs habituels – la province Sud, la SLN et Prony Resources– continueront de nous soutenir. On a une trésorerie qui nous permet de survivre jusqu’à la fin de l’année, mais par contre, si la situation actuelle ne se règle pas, ça va être très compliqué de se projeter. Ce n’est pas simple, mais on a espoir que ça se calme », présente sa directrice.
Nikita Hoffmann