Accusé de violences et d’outrages à l’encontre de gendarmes, un jeune de 26 ans, pourtant inconnu des forces de l’ordre, a été condamné à quatre mois de prison, lundi par le tribunal correctionnel. Une peine aménageable sous bracelet électronique.
Un profil différent pour une affaire tristement redondante. Depuis le 13 mai dernier et le début de la crise insurrectionnelle, le tribunal correctionnel de Nouméa enchaîne les dossiers. Parmi eux, de nombreuses violences contre les forces de l’ordre. Lundi matin, dans la salle des assises, les faits relatés résonnaient avec une étrange sensation de déjà-vu. Samedi, dans le quartier de La Conception, des gendarmes mobiles font face à une dizaine ou une quinzaine d’émeutiers près de la station Mobil. Il est aux alentours de 23 heures. Des gendarmes « locaux », du Mont-Dore, arrivent à leur tour. « Ils vous ont vu, ils vous décrivent et parlent d’un individu particulièrement virulent, actif et torse nu. Vous étiez un des rares sans cagoule et un lampadaire éclairait votre visage », relate la présidente. Si certains prévenus sont relaxés faute de preuves, là, la description est précise. « Vous jetiez des pierres sur les gendarmes avec une fronde et lorsque les gendarmes ont avancé, en arrivant notamment par l’arrière de la station, vous les avez insultés. Des outrages racistes majoritairement », poursuit la présidente. « Sale blanc, bâtard de blanc, bourre ta mère », liste-t-elle.
Le prévenu, âgé de 26 ans, hoche la tête. « Je pense que j’ai dû diredes gros mots oui », avoue-t-il, réfutant tout de même avoir eu une « bibiche » entre les mains et avoir tenté de voler des bouteilles de gaz. Pourquoi a-t-il fait ça ? « C’était sous l’effet de l’alcool et de l’entourage qu’il y avait à côté de moi. Je me suis laissé entraîner », souffle-t-il. Le caractère raciste ? Il ne peut « pas vraiment répondre à cette question » car il n’a « pas vraiment pensé à cela en les disant ». En résumé, il n’a « pas réfléchi ».
Tapage nocturne
La prise de sang effectuée après son interpellation révélera un taux de 1,7 gramme d’alcool dans le sang. Avant de se retrouver enfermé dans les locaux de la gendarmerie, il avait été « à l’Anse-Vata avec un copain » où il avait « bu beaucoup ». Sans moyen de locomotion, il est raccompagné par son ami. Mais, en raison du couvre-feu, celui-ci le dépose à La Conception alors même qu’il habite à Auteuil. « Là, vous avez croisé des jeunes et vous avez continué à boire », poursuit la présidente. Le retour en arrière, dès lors, est impossible. Et c’est bien cela qui interroge le tribunal alors que le prévenu est inconnu des services. Sa seule inscription à son casier judiciaire : une amende de 30 000 francs pour tapage nocturne « avec une enceinte JBL ». Autrement, il travaille en CDI comme vendeur dans un magasin de construction et vit, chez sa mère, à Dumbéa. « Il n’a jamais posé de problème à qui que ce soit, il a un parcours de vie parfait », résume son avocat, Me Martin Calmet, en défendant son client de 26 ans, né à Nouméa mais aux origines wallisiennes.
« Le dossier se tient dans la droite ligne de l’ensemble des dossiers depuis le 13 mai. C’est à cause d’individus comme celui-ci qu’aujourd’hui au Mont-Dore, la situation est encore compliquée, que la population ne peut toujours pas se déplacer. Plus de deux mois après le début des faits, on en est toujours au même point, dénonce la procureure. Ce jour-là, Monsieur s’est comporté comme un parfait émeutier. » « Je veux bien entendre que le contexte est violent, je veux bien entendre que la situation est difficile pour les forces de l’ordre, je veux bien entendre que la situation est terrible au Mont-Dore… Mais, tout ce qu’il se passe au Mont-Dore, ce n’est pas de sa faute », tempère l’avocat de la défense. Les émeutes, les barrages, les exactions, les revendications indépendantistes ? « Il l’avoue lui-même, ce n’est pas son combat. Ce n’est pas son fonctionnement et ce n’est pas son éducation, ajoute Me Martin Calmet. Il a un parcours de vie parfait, je ne veux pas qu’on résume sa vie à ces faits-là. »
Des regrets
L’accusé, lui, « regrette vraiment » ce qu’il a fait. « C’est la première fois que j’emmène mes parents au tribunal, je ne veux plus que cela se reproduise », lance-t-il timidement, comme honteux de cette situation. « On n’a pas forcément besoin d’en rajouter, je peux vous dire qu’après le face-à-face avec ses parents, ça suffit. Je pense que vous ne le retrouverez pas devant un tribunal », abonde la défense, qui demande ainsi « d’adapter les sanctions à l’homme ».
Mais, les parents, aussi durs soient-ils, ne sont pas des juges. Alors que la procureure avait requis six mois d’emprisonnement sans mandat de dépôt, le prévenu a finalement été condamné à une peine de prison de quatre mois, aménageable sous surveillance électronique. Une peine à laquelle s’ajoute également des dommages et intérêts pour les trois gendarmes visés dans cette affaire, qui se sont constitués partie-civile. Il devra ainsi les dédommager de « 60 000 francs chacun ».
Claire Gaveau