Deux cousins ont été interpellés en début de soirée, le mercredi 26 juin, au pied de leur bâtiment, aux Tours de Magenta. Jugés mardi, ils nient avoir caillassé des policiers, nient aussi s’être rebellés et en avoir frappé un.
Il n’est pas impossible, c’est même probable, que vous ayez vu, il y a trois semaines, ces vidéos, montrant des policiers spécialisés dans le maintien de l’ordre (CRS) interpeller des hommes aux Tours de Magenta, dans un contexte tendu : d’un immeuble surplombant la scène tombaient cris, insultes et objets divers. À l’audience correctionnelle mardi matin, la présidente du tribunal, Hélène Gaillet, en a fait un inventaire à la Prévert : chaise en bois, bouteilles en verre, assiettes, enceinte, classeurs, agrafeuse, grosses pierres, pots de fleurs… Un policier « a pris un micro-ondes », complète Me Nathalie Lepape, avocate de quatre policiers. « Un micro-ondes ! » Elle ajoute : « un autre avait un clou dans sa chaussure ! » Pas étonnant, car ce soir-là le sol était piégé, jonché de clous, « pour ralentir » la progression « des forces de l’ordre », explique la présidente. « L’équivalent des chaussetrappes », souligne Richard Dutot, substitut du procureur.
Un micro-ondes lancé depuis un immeuble
À propos de « ce soir-là », Richard Dutot évoque « un tableau dantesque : le 7e sous-sol de l’enfer de Broken ». Aux Tours de Magenta, « une demi-compagnie de CRS intervient » et essuie « des averses de projectiles ». Ce fut, dit Me Lepape, une « nuit extrêmement violente » : 32 CRS, répartis en huit équipages de quatre « pour essayer de rétablir l’ordre », se sont retrouvés sous une intense pression. Ce sont des policiers « de Marseille », aguerris aux missions difficiles en zone urbaine, ils « ont l’habitude de la violence »… mais « disent qu’ils n’ont jamais vu ça en Métropole », rebondit le représentant du parquet. « Ce sont des gens qui sont dévoués », reprend leur conseil, « qui font leur travail » pour « nous permettre » de circuler et de vivre à peu près normalement, raison pour laquelle « je ne peux pas tolérer qu’on remette en cause ce qu’ils disent ». Un micro-ondes, entre autres, lancé depuis les étages, des clous… « Où sommes nous ? Et j’ai envie de dire : ‘’pourquoi tant de haine ?’’ ».
Les billes ? Au fiston…
À la barre, les deux prévenus, qui comparaissaient libres, sont des cousins. L’un a 32 ans, il est carreleur, actuellement au chômage partiel : père de deux enfants (4 et 11 ans), son casier comporte cinq condamnations. L’autre vient d’avoir 22 ans : sans enfant, sans travail, il a été condamné à plusieurs reprises ces quatre dernières années. La dernière fois, c’était en comparution immédiate, le… 24 juin : pour un caillassage sur un représentant de l’autorité, il avait écopé d’un travail d’intérêt général d’une durée de 180 heures. Deux jours plus tard donc, il récidivait.
Les deux cousins nient toute participation à ces violences. Ils racontent que ce 26 juin ils étaient, à partir du milieu de l’après-midi, « comme tous les jours », en train de jouer au ballon « sur un terrain de foot » se trouvant « un peu à l’extérieur » du quartier. À la tombée de la nuit, narre l’un des prévenus, « des policiers sont venus nous dire de rentrer », car à quelques centaines de mètres de là ça chauffait aux Tours. « On leur a répondu que le couvre-feu c’était à 20 h », pas 18h30 ou 19 h. Vers 19 h 30, les deux cousins rentrent enfin chez eux. « On fumait une cigarette en bas du bâtiment » avant de monter, lorsque des policiers sont arrivés. « Ils n’en parlent pas, mais ils nous ont tiré sur nous », assure un mis en cause. Faux, s’étrangle Me Lepape, car vu leur niveau d’entraînement, « s’ils vous avaient tiré dessus ils ne vous auraient pas manqué ».
Au moins un policier dit avoir vu ces deux individus leur jeter des projectiles quelques instants avant leur interpellation. Eux prétendant que non, qu’ils n’ont « rien fait » de ce genre. Dans une poche de la veste du cousin le plus âgé, il a été retrouvé des billes en verre (les policiers en ont reçu ce soir-là, projetées par des lance-pierres). Sa défense ? « Mon fils de 11 ans jouait avec », puis « il me les a données » et « je les ai gardées » pendant le match de football.
Prison surpeuplée
Lors de leur interpellation, ils se sont violemment débattus. Cette tentative de rébellion (les deux hommes s’agrippaient à une clôture, rendant difficile la tâche des policiers, le tout sous les projectiles), qui a causé des blessés chez les CRS (cheville tordue, doigt cassé, etc.), est niée par les prévenus, arguant qu’ils n’avaient simplement « pas envie » de se faire arrêter. « On voulait discuter. » Quant aux violences (deux coups de poing dans la visière d’un casque), ils ne les reconnaissent pas non plus. En défense, Me Claire Bernard estime que « dans ce dossier, rien, absolument rien, n’est évident » : il n’y a « pas de preuves » que son client ait « jeté des projectiles ». Elle milite pour qu’il n’y ait pas d’incarcération pour les deux, car le « Camp-Est » a actuellement un « taux occupation » gigantesque : « 200 % ! »
Après délibération du tribunal, le plus âgé a été condamné à six mois de prison ferme, et son jeune cousin à quatre mois de prison ferme. Leurs peines seront purgées via un bracelet électronique.
Anthony Fillet