Tout juste débarquée en Nouvelle-Calédonie, Léa a été frappée de plein fouet par les émeutes insurrectionnelles du mois de mai. Interne en médecine au Médipôle, elle a vu son appartement être pillé, alors qu’elle devait continuer à faire face et aller travailler.
Elle venait tout juste d’arriver sur le caillou. Léa, accompagnée par son petit ami, est interne en médecine, et s’est installée en Nouvelle-Calédonie pour valider son semestre d’internat. Elle a fait la demande de venir travailler six mois en stage ici, loin de sa fac de référence. Seulement une semaine après son arrivée, les émeutes ont commencé. Comme tous les autres internes, elle est logée dans une résidence, juste en face du médipôle : « littéralement à deux minutes à pied, explique-t-elle. Juste en dessous il y a des magasins, notamment une cave à vin. » Cette cave à vin va être le premier magasin à se faire attaquer par les émeutiers : « Le mardi du passage de loi, l’enseigne a été braquée, raconte Léa. Certaines personnes sont venues se servir. Les internes qui étaient dans la résidence, ont dû être évacués, parce qu’il y avait le feu à la boutique. »
La situation empire, les émeutiers s’attaquent aux logements des internes
Et rapidement la situation va continuer d’empirer. Après avoir pu retourner à l’intérieur des appartements avec l’aide de certains voisins kanak, pour récupérer « nos ordis, nos passeports, et quelques affaires », les internes sont retournés se réfugier à l’hôpital. « On pensait juste passer la nuit à l’hôpital, mais en fait, le lendemain, l’entièreté des magasins sous la résidence a été pillée, détruite, saccagée, se remémore la jeune médecin. Puis, on a assisté, impuissants, à la destruction des vitres du premier étage de notre résidence, et au fait que des personnes rentraient dans les appartements pour les saccager. »
Ce jour-là, une nouvelle fois, des voisins les ont protégés pour aller récupérer tout ce qu’il restait dans les appartements, et les voitures qui n’avaient pas été brûlées. Sur place, tout avait été saccagé. Des yaourts explosés contre des murs, des vitres brisées, des canapés éventrés. De nouveaux locataires ont même investi les lieux. Sur un des appartements d’un des internes, une pancarte affiche désormais « spot déjà pris, merci de ne pas défoncer la porte ».
Des mesures rapides pour prendre en charge les soignants
Bien évidemment, le Médipôle a rapidement pris des mesures pour reloger ses internes. « On a récupéré nos matelas et nos coussins et on a emménagé dans une salle, qu’on a appelé le caisson. Dans une salle, on est à peu près trente, et on a dormi là, ensemble pendant cinq jours, avec deux sanitaires. » Cinq longs jours, durant lesquels Léa devait également continuer à travailler. « C’étaient les gens qui étaient bloqués sur place, donc nous, qui travaillons la première semaine. Heureusement, rapidement on a pu assurer des relais. »
Pour accompagner ses équipes, la direction du CHT a tout de même réagi rapidement et a apporté d’autres solutions. Tout d’abord, la création d’une cellule psychologique, pour permettre à ses soignants de venir parler librement sur ce qu’ils vivent au quotidien. Une démarche « importante et nécessaire » pour Léa. « Au niveau du moral, ça a évidemment été très compliqué, mais là où l’hôpital a été fort et prévoyant, c’est en créant ces espaces de parole. » Puis très vite, la direction a trouvé des solutions pour laisser la possibilité au personnel médical de souffler: « L’hôpital s’est ensuite débrouillé pour nous rapatrier dans Nouméa, et nous a trouvé des logements dans des hôtels pour qu’on puisse se reposer. »
Aujourd’hui, Léa continue d’aller travailler au Médipôle, mais bénéficie d’une chambre à Nouméa pour couper un peu durant ses jours de repos.
Loris Castaing