La commune de Païta compte 28 000 habitants… qui ne peuvent plus trouver d’essence ou de diesel depuis plusieurs jours. Impossible, dans ces conditions, que la vie reprenne normalement.
« Aujourd’hui, il y a quand même quelques sociétés qui existent encore, fort heureusement, qui appellent leurs salariés à revenir au travail, parce qu’il y a des métiers où le télétravail n’existe pas : ça demande des allées et venues, ça demande de se rendre sur son lieu de travail. » Or, « aujourd’hui sur Païta il n’y a pas de carburant », rappelle le directeur de cabinet de la mairie, Antoine Romain.
Concrètement, « sur la commune, il y a deux stations au village, trois à Tontouta : elles sont toutes a priori vides ou avec des stocks minimum ou dans l’incapacité de délivrer de l’essence » en raison « des destructions. C’est notamment le cas de la station Shell dans le village » car « les pompes ont été détruites dès les premiers jours de ces événements », donc elle « est dans l’incapacité de délivrer du carburant », quand bien même il en reste dans les cuves.
« Une vraie difficulté »
Conséquence : « il y a une vraie difficulté pour les administrés à pouvoir se déplacer. Certains », samedi, « sont allés jusqu’à Nouméa dans des stations-service qui, elles, ont été réapprovisionnés, mais à leurs risques et périls parce qu’on n’est jamais sûr, quand on part, de pouvoir revenir », car « la Savexpress est de temps en temps dégagée, de temps en temps moins ». Après, « on peut passer par l’ancienne RT1, le col de Katiramona, Yahoué, mais là il faut faire tout un » grand « tour, il faut une heure et demie pour aller » jusqu’à Nouméa. Pareil au retour. Compliqué de travailler dans ces conditions.
La semaine dernière, « il y a eu un peu d’essence à la station Mobil du village, à qui il restait un peu d’essence dans les cuves, mais dès lors » qu’elle ouvrait il y avait « 60, 70, 100 voitures une heure avant l’ouverture », pour une « quantité limitée ». Et comme aujourd’hui il n’y a plus de carburant, elle « n’ouvre pas ».
« Il ne faut pas que ça dure »
Le manque d’essence « pose des problèmes à tout le monde », par exemple à la mairie. « On essaie petit à petit de remettre du service public, mais il faut aussi que nos agents puissent se rendre en mairie la semaine prochaine. Certains nous ferons valoir, je n’en doute pas, qu’ils sont dans l’impossibilité de venir, faute de carburant. » Tout cela, « il ne faut pas que ça dure ». Pourtant, cela pourrait continuer encore un peu. « J’imagine bien que vu l’état du village et la difficulté de réapprovisionnement, on n’aura pas dans la journée ou demain des camions qui vont sortir des dépôts pour pourvoir livrer du carburant sur la commune. Là aussi, ils sont soumis à la libre circulation de l’axe majeur. »
« Des traces profondes et longues à cicatriser »
A partir de là, en ce qui concerne « les équipes municipales, elles n’ont pas repris leur poste de travail depuis maintenant depuis trois semaines, donc comment est l’état d’esprit, comment se lancera la reprise dès lors qu’il y aura reprise, bien malin qui peut le dire. De toute façon, il y aura des traces profondes et longues à cicatriser si jamais on en sort. Bien sûr on en sortira, mais je ne sais pas comment. Il y a de la fatigue chez tout le monde, il y a du ras-le-bol, de l’épuisement, de l’énervement, de la colère. »
Un statu quo parti pour durer
Et maintenant ? Au nord de la commune notamment, il y a un certain nombre de barrages indépendantistes. « Sur la partie sud », le paysage est différent. « Vous avez tous les quartiers qui sont sous protection de leurs habitants, qui ont évidemment érigé des barrages : on les appelle les barrages amis, pour faire la différence » avec ceux du camp d’en face. Ce sont des quartiers conçus avec une ou deux entrées : « les 3 Vallées, Savannah, Savannah-sur-Mer, Nouré, Beauvallon, Val-Boisé… » Les individus, sur ces barrages, « ils ne posent pas de problème en termes de sécurité publique à ce jour, mais enfin bon », ça ne pourra pas durer éternellement comme ça. Malheureusement, « ça risque d’être assez long » avant de voir un retour à la normale. « Parce que ces gens qui sont en protection, d’abord de leurs familles, et ensuite de leurs biens, ils seront susceptibles de lâcher prise dès lors que la situation sera assainie », pas avant. Et puis, il y a le discours de la CCAT, peu rassurant dans l’espoir d’une paix durable, la Cellule de coordination des actions de terrain ayant « quand même un message qui est très clair sur le dégagisme de tous les élus, y compris du camp indépendantiste ».
Anthony Fillet