Après dix-sept jours d’évènements, plusieurs restaurateurs ont décidé de rouvrir leurs portes, animés par un désir profond de redonner un semblant de normalité aux habitants alors qu’ils tiennent leur établissement à bout de bras, entre « respect » et « humilité ».
Dans les quartiers sud de Nouméa, en bord de mer, le chaos est resté lointain. Le Lemon Bay, à la Baie des Citrons, n’a jamais fermé ses portes malgré les émeutes. « Nous sommes restés ouverts pour les touristes, les gendarmes et les familles vivant à proximité. Il fallait continuer de faire vivre les employés, et les communauté d’habitants du quartiers », raconte Kévin, le manager de l’établissement. Malgré les difficultés d’approvisionnement, il s’efforce chaque jour de mettre à jour la carte du restaurant en fonction des arrivages. « Beaucoup demandent des burgers, même si les pains sont difficiles à trouver », explique-t-il. Les clients d’habitude ne sont pas forcément présents, aujourd’hui Kevin voit énormément de soignants du Médipôle arriver pour récupérer des commandes importantes pour nourrir leurs collègues durant leurs gardes prolongées.
Le Lemon Bay a également dû s’adapter aux nouvelles réalités : « Nous faisons beaucoup plus de vente à emporter, car beaucoup n’osent pas s’asseoir en terrasse. » Kevin comprend les critiques, mais insiste sur la nécessité de faire vivre l’économie et de payer ses employés. « Les enfants ressentent une grande joie à retrouver un semblant de normalité. Ils doivent continuer à vivre le plus normalement possible. D’ailleurs chez nous, les gens ne viennent pas pour boire des verres, mais pour passer un moment convivial », dit-il.
« On ouvre que le midi, pour respecter la logique du couvre-feu »
Les Sales Gosses, non loin de l’Orphelinat, a rouvert depuis mardi. « Nous attendions la fin de l’état d’urgence pour respecter les règles, c’était important pour nous de soutenir tout le monde, et l’état d’urgence n’était pas compatible avec nos valeurs, avance Antoine, le propriétaire. Même si nos plus gros services se font le soir, on n’ouvre que le midi, pour rester dans la logique du couvre-feu. ». Et, à l’heure actuelle, personne ne s’installe à table. Antoine a choisi de proposer uniquement de la vente à emporter, adaptant ses plats en fonction des provisions disponibles. « Beaucoup de nos fournisseurs ne travaillent plus, par manque de personnel ou parce que leurs entreprises ont brûlé », poursuit-il.
Cela s’ajoute, sans surprise, aux nombreux défis financiers auxquels il fait face dorénavant : « Les assurances ne nous couvrent pas pour des actes de terrorisme, et comme nous n’avons pas été vandalisés, il a bien fallu reprendre le chemin du travail. » Pour lui, il est vital de rouvrir non seulement pour des raisons économiques, mais aussi psychologiques. « Nous espérons que les gens retrouveront du plaisir à venir nous prendre des plats », dit-il.
« Nous voulons offrir une bulle de normalité »
« Nous avons dû jeter quinze kilos de viande, ce qui nous a fendu le cœur », raconte de son côté Sébastien, propriétaire de La Braise, à Trianon. Travaillant à flux tendu, le gérant et son équipe de six personnes se relaient pour maintenir le restaurant ouvert, depuis sa réouverture le mercredi 29 mai. « Notre but est de subvenir aux besoins de nos employés et de nos fournisseurs », assure-t-il. Malgré les critiques, Sébastien reste humble et respectueux : « Nous voulons offrir une bulle de normalité. Nous savons que des gens trouvent cela aberrant, mais il est important de laisser entrevoir une forme de normalité. »
La Braise, comme d’autres, sert uniquement de la bière et du vin avec les repas, respectant strictement les règles en vigueur. « Nous avons beaucoup de ventes à emporter, même si nos plats ne s’y prêtent pas vraiment, mais nous faisons de notre mieux », explique-t-il. Avec le simple espoir d’amener un peu de chaleur et d’humanité aux citoyens.