Alors qu’Emmanuel Macron vient d’atterrir à La Tontouta pour une journée en Calédonie, certains habitants, notamment à Païta, ont peur que cela “détourne l’attention des forces de l’ordre”. Ils dénoncent un manque d’action des représentants de la loi dans leur ville.
“On nous envoie Macron c’est bien, mais commencez par nous envoyer des gens avec de quoi se nourrir, colère un habitant de Païta. Alors que l’accès depuis Nouméa reste impossible par la SAV et est très difficile en passant par Yahoué et Dumbéa, les résidents se sentent “abandonnés” par les forces de l’ordre. Pire encore, la visite présidentielle suscite l’inquiétude quant à la présence des représentants de la loi sur le territoire. On a peur que cela “détourne l’attention de la police” alors même que l’absence de ces derniers auprès des résidents est pointée du doigt : “Durant la première semaine, on n’a vu absolument personne, s’inquiète un habitant membre des “voisins vigilants” de Païta qui se fait appeler John Doe. Là, ils sont venus deux fois, mais on n’a jamais eu un gendarme à nos côtés pour quoi que ce soit.”
“Quand ça tire à Savannah, on l’entend d’ici”
Ce papa d’une quarantaine d’années le confesse, dans son quartier, beaucoup ont peur : “Quand ça tire à Savannah, on l’entend d’ici et là tu te dis merde, il se passe quoi s’ils arrivent ?”. Et pour cause : d’après ses dires, durant les premières nuits des émeutes, un véhicule a tenté de foncer sur son barrage pour forcer l’accès. Depuis, les résidents du quartier ont multiplié les placements d’encombrements sur la route pour empêcher que cela ne se reproduise. “On n’est pas les forces de l’ordre, on essaye juste de faire en sorte de garder un peu d’ordre, des trucs tout cons quoi ! Mais ce n’est pas à nous de faire ce travail”, s’exclame-t-il.
Ce sentiment d’abandon, Antoine Romain, directeur du cabinet de la mairie de Païta l’explique par “une confusion dans la population des annonces de l’État. L’armée protège effectivement des bâtiments publics, mais ce ne sont pas les écoles, pas les mairies et même pas les hôpitaux. Plutôt les aéroports et le port autonome, ça c’est ce qui est considéré par l’État comme des points stratégiques. Et ça, ça a été fait.”
La mairie de Païta se réorganise
De son côté justement, la mairie de Païta commence doucement à se réorganiser. Ce matin, avait lieu le premier Conseil municipal en présentiel. Dans une mairie sans réseau, dont une partie des locaux a brûlé, une vingtaine de personnes étaient rassemblées pour “envisager les modalités de reprise, constater l’état de nos bâtiments, des lieux publics”. Concernant les écoles, Antoine Romain a tenu à préciser qu’elles étaient globalement en bon état, même si vandalisées. Au niveau des routes, “tous les embâcles, les voitures brûlées ont été retirés à notre demande par des sociétés privées, précise le directeur de cabinet. Tout cela s’est bien évidemment déroulé sous protection policière. Dans la partie village, ça circule beaucoup mieux qu’il y a deux jours”. A côté de ça, une partie des zones de la ville ne sont toujours pas suffisamment sécurisées pour être nettoyées : “Au niveau de l’échangeur nord par exemple, on ne fera rien sans une meilleure protection policière”, termine Antoine Romain. Et effectivement, une partie des ronds-points pour rejoindre la SAV est toujours aux mains des émeutiers, qui continuent d’y faire des feux, et interpellent les personnes qui veulent passer, sans pour autant bloquer l’accès à la voie rapide.
Eloi Coupry et Loris Castaing