Nicolas Metzdorf : « Aujourd’hui, on est clairement ruiné »

De retour en Calédonie dimanche soir grâce à un avion militaire, après l’adoption du projet de réforme constitutionnelle en faveur du dégel du corps électoral, le député calédonien Nicolas Metzdorf a découvert le Caillou ravagé par les violences et les flammes. « Je m’attendais à voir autant de dégâts », a-t-il déclaré, entre « colère » et « tristesse ».

LVDC : Vous êtes rentré dimanche soir sur le territoire. Avez-vous pu observer les dégâts lundi ? Imaginiez vous à cela ?

Nicolas Metzdorf : Je suis d’abord aller saluer et remercier les forces de l’ordre. Je me suis rendu à la gendarmerie et à la police nationale pour leur transmettre mes remerciements et mes encouragements. Je suis ensuite allé voir les différentes barricades dans le Grand Nouméa pour remercier les gens de leur mobilisation, de leur dire de faire attention. Et ensuite, oui, j’ai pu voir les dégâts qu’il y avait. C’est conforme à ce que j’avais prévu de voir. J’étais restée très connectée depuis la Métropole avec l’ensemble de mes partisans, des gens dans les quartiers. Vous savez, avec les groupes WhatsApp, Telegram, on a tout. Donc non, je n’ai pas été particulièrement surpris. Je m’attendais à avoir autant de dégâts.

En voyant votre terre brûlée de la sorte, quel sentiment domine ?

De la colère et de la tristesse. Parce qu’on a un territoire autonome, on doit financer nos propres compétences. Et aujourd’hui on est… On est ruiné. En une semaine, les émeutiers ont détruit la Nouvelle-Calédonie et en fait, ce qu’il y a de terrible, c’est qu’ils vont rendre la Nouvelle-Calédonie encore plus dépendante de la France. En fait, ils ont complètement loupé leur pari. Il n’y aura pas plus d’autonomie, il n’y aura pas plus d’indépendance aujourd’hui. Clairement, le pays ne peut pas s’en sortir sans l’aide de l’État.

Vous aviez des journées bien remplies en Métropole entre les discussions politiques et les interview médiatiques. Malgré tout, comment avez-vous vécu cela à plus de 17 000 kilomètres de chez vous ?

Difficilement, parce qu’on est loin de chez soi, on est loin de sa famille. Mais j’ai essayé d’être le plus utile possible là où j’étais, en faisant beaucoup de médias pour essayer d’expliquer, faire de la pédagogie dans les médias nationaux. Parce que c’est vrai que on a tendance à ne pas connaître la Calédonie et à la caricaturer quand on est on est en Métropole. Donc notre but, à Paris, c’était de passer un maximum d’informations.

Avez-vous le sentiment que les politiques et le grand public ont pris conscience de la complexité du dossier calédonien ?

Oui. Aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie fait quand même l’actualité assez régulièrement dans les médias nationaux. On parle de nous, on s’inquiète de nous. Maintenant, c’est dommage que l’on parle de nous seulement quand ça va mal…

« La CCAT n’est que l’émanation d’un discours radical qui a toujours existé ces trente dernières années. »

Au niveau politique, certains n’ont pas hésité à demander le retrait du texte, à l’image de la tribune publiée lundi par les présidents de différentes régions d’Outre-mer et du sénateur calédonien Robert Xowie

Les présidents de l’Outre-mer, qu’ils s’occupent de leur région. Je ne veux pas les entendre. Nous, on ne s’occupe pas ni de la Guyane, ni de la Martinique, ni de la Guadeloupe. Robert Xowie, lui, il est dans son rôle d’indépendantiste et je n’ai pas à commenter cela.

Marine Le Pen, de son côté, a proposé d’organiser un quatrième référendum d’autodétermination « d’ici quarante ans ». Qu’en pensez-vous ?

Ce que je peux dire sur elle, c’est qu’on a besoin de partis politiques de droite qui soient vraiment à droite. On n’a pas besoin de partis de droite qui soient à gauche. C’est tout ce que je veux dire.

La CCAT est désignée comme le principal coupable des émeutes actuelles. Cependant, est-elle l’unique responsable ?

La CCAT n’est que l’émanation d’un discours radical qui a toujours existé ces trente dernières années et qui n’est pas le reflet de l’ensemble du monde indépendantiste. Car, lorsque l’on voit le discours de l’UNI et du Palika, ça n’a rien à voir avec les revendications de la CCAT. Mais, il n’empêche qu’il y a toujours eu un discours des indépendantistes très dur, très radical. Quand j’entends le président du Congrès (Roch Wamytan, NDLR), qui est un leader politique, coutumier et spirituel de la Nouvelle-Calédonie, dire dans un rapport officiel de la délégation aux Outre-mer à l’Assemblée nationale que le seuil de tolérance des blancs est atteint en Nouvelle-Calédonie, on voit qu’il y a chez certains indépendantistes des propos et une pensée d’exclusion des Calédoniens. Selon moi, la CCAT n’est que l’émanation de ce discours là. Mais il n’empêche que ce sont les responsables de la CCAT qui ont mis aujourd’hui les gens dans la rue. Ce sont eux qui ont attisé la haine depuis trois mois et ce sont eux qui devront rendre des comptes.

Vous dites qu’ils ont « attisé la haine depuis trois mois ». Dès lors, ne pensez-vous pas que ces débordements étaient prévisibles ?

Je pense que viendra le temps des responsabilités de chacun. Il y a clairement eu, je pense, de la défaillance dans le renseignement, ça c’est clair. Parce que ce qu’on voit aujourd’hui, c’est quand même une organisation millimétrée, très bien orchestrée. Ce ne sont pas des émeutes de gens désorganisés. Il y a clairement eu de la logistique, de la finance. Ça a été piloté, ça a été orchestré, ça a été mandaté. Et ça, normalement cela devrait être détecté par l’intelligence. Mais, ça ne l’a pas été. Mais, clairement, je fais partie de ceux qui disent que chaque chose en son temps. D’abord on rétablit l’ordre et après on voit ce qu’il y a eu comme défaillances dans notre système.

Craignez-vous, avec l’ampleur des émeutes actuelles en Nouvelle-Calédonie, qu’il y ait un rétropédalage en Métropole sur la question de la réforme constitutionnelle ?

C’est tout le débat qu’il y a actuellement en Métropole. Moi, le discours que je tiens, c’est celui des Loyalistes. Et il est très clair : on ne peut pas rétropédaler devant la violence. Cela voudrait dire que les Calédoniens se sont protégés et ont résisté pour rien pendant une semaine. Je crois que ce n’était pas le meilleur moyen pour la CCAT de faire reculer le texte, au contraire.

« Tant qu’il y a des Calédoniens qui seront menacés, nous ne discuterons pas. »

Avec l’instauration de l’état d’urgence, le Premier ministre Gabriel Attal est davantage présent sur le dossier calédonien. Est-ce une bonne chose d’avoir un nouvel interlocuteur ?

Pour l’instant, il n’y a rien d’officiel. Il n’y a pas de nouvel interlocuteur à proprement parler. Quoi qu’il arrive, comme je l’ai toujours dit, l’accord politique n’est pas dans la main d’un interlocuteur particulier au niveau de l’Etat, il est dans la main des indépendantistes. Le FLNKS doit reprendre la main. Les partis politiques traditionnels doivent reprendre la main et c’est avec eux qu’on doit trouver un accord. Et, je l’ai déjà dit, les choses ne se règleront pas sur le coltar, elles se régleront autour d’une table et ça, c’est avec le FLNKS qu’on doit le traiter.

Justement, après plus d’une semaine de terreur et de souffrances pour de très nombreux Calédoniens, où en sommes-nous dans les discussions sur un éventuel accord entre indépendantistes et non-indépendantistes ?

Nous, ce qu’on dit dans les rangs Loyalistes, c’est que les discussions ne peuvent reprendre sérieusement qu’une fois que le calme sera revenu. On ne discute pas sous la pression et la violence. Le dialogue toujours été pour, on a toujours tendu la main. Je l’ai fait plusieurs fois dans les médias. On veut un accord plutôt qu’un dégel pur et simple au congrès de Versailles. Mais pour discuter, il faut que le calme soit revenu et que les barrages soient arrêtés. Pour nous, c’est une condition préalable à toute négociation.

Mais, est-ce que le fait de trouver un accord ne permettrait pas d’apaiser les tensions dans la rue ?

Non, cela ne marche pas comme ça. Ça, c’est impossible. C’est-à-dire que ce n’est pas la rue qui commande, ce ne sont pas les violences qui commandent. De toute façon, tant qu’il y a des Calédoniens qui seront menacés, nous ne discuterons pas.

« Les Calédoniens sont des bâtisseurs dans l’âme. »

D’un point de vue social et économique, la Calédonie peut-elle se relever de ces émeutes ? Avez-vous de l’espoir ?

Économiquement, je ne vois pas comment on peut s’en sortir sans une mise sous tutelle de la part de l’Etat. Aujourd’hui, on est clairement ruiné, on n’est pas capable d’assumer nos compétences et notre sécurité sociale a disparu. Je pense qu’économiquement, on ne peut pas s’en sortir sans une vraie reprise en main du dossier par l’Etat. C’est, pour moi, une évidence. Après, sur le moyen et long terme, est ce qu’on va s’en relever ? Ça, ce sont les discussions qui le diront. Mais, les Calédoniens sont des bâtisseurs dans l’âme. C’est-à-dire que, chez nous, on préfère construire que détruire. Donc même s’il y a une minorité qui détruit, il y a toujours une majorité qui construit. Et je suis sûr qu’on construira.

C’était important pour vous de pouvoir retrouver la Calédonie et l’ensemble des Calédoniens ?

Il est aussi important pour moi de démontrer que je suis ici chez moi et que ce n’est pas la CCAT qui décide de qui peut venir ou pas en Nouvelle-Calédonie.

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