Alors que le reste de Nouméa est en proie à des violences, le quartier de l’Anse-Vata est plongé dans le calme depuis lundi soir. La plupart des commerces sont fermés, les plages désertes, la population se fait discrète.
Hormis quelques voitures arborant le drapeau indépendantiste et les nombreuses personnes se ruant sur les dernières provisions de la supérette du coin, qui en profitait pour largement augmenter ses prix, le silence est presque pesant dans le sud de la capitale. L’Anse-Vata, pourtant si vivante le week-end et les soirs de semaine, est déserte. C’est sûrement Anne qui résume le mieux la situation : « j’habite dans les quartiers sud donc pour le moment, tout est calme. Mais quand on voit toutes les actions, on a peur, on se dit que c’est une situation de guerre. »
Une crainte sans peur
« Je ne me sens pas en insécurité, il ne se passe rien ici », ajoute la résidente de l’Anse-Vata. Et elle a raison, outre la fumée que l’on peut apercevoir dans le fond du tableau, et les discussions dans le supermarché, c’est une journée presque comme les autres ici. Les résidents poursuivent la vie quotidienne… tant que le désordre n’atteint pas la promenade. Pour Anne, le programme est d’aller à la plage, de rester à la maison et de voir des amis, pour Jean, sa femme, et ses deux enfants, « on fait la petite sortie de la matinée avant que les convois n’arrivent ». Tous ont néanmoins fait le plein de provisions, même si Anne avance dans le doute : « On ne sait pas combien de temps cela va durer, j’ai fait des provisions pour quelques jours, et j’ai des amis dans le coin si besoin. » Les inquiétudes sur la sécurité ne sont cependant pas encore trop présentes. « On ne se sent pas en sécurité, pour l’instant. Ils ont attaqué des magasins, pas des gens » constate Sylvie. Pour Jean, « il n’y a pas de sentiment d’insécurité pour l’instant, mais il faut voir si ça va se généraliser. » Le mot « pour l’instant », est très en bouche des habitants de l’Anse-Vata. Ils se doutent que la situation pourrait continuer de s’embraser et monter jusqu’à eux. Anne préfère rester en retrait « je ne vais pas aller au-devant du danger ».
Une violence attendue
Sylvie le concède : « Le côté violent est terrible parce que les gens n’y sont pour rien. Mais c’est la seule chose pour faire bouger le gouvernement. Et malheureusement, il n’y a que la violence qui fait réagir le gouvernement parce que sinon, les gens ne font jamais rien. » Triste constat partagé par Jean : « C’est complètement démesuré par rapport à ce que ça prend comme ampleur. On n’est pas du tout à la hauteur de nos enjeux sociétaux actuels. On est dans une optique de voir comment les politiques vont se prononcer parce que leur silence actuel est assourdissant. Eux ne sont ni au rendez-vous ni à la hauteur de la Nouvelle-Calédonie. Laissez le pays s’embraser comme ça…» La question du dégel, qui est « la poudre sur le feu » pour Anne, divise dans le quartier sud. « Bien sûr que j’ai envie de pouvoir voter, ça fait 15 ans que j’habite la Nouvelle-Calédonie », glisse David, les bras remplis de course. L’avis n’est pas partagé par Sylvie qui se dit « ni pour, ni contre, ils ont raison et les autres aussi. On savait, en venant, qu’on n’aurait pas le droit de vote. Donc qu’on l’ait ou qu’on ne l’ait pas, ça fait quand même 20 ans qu’on est là. Ça ne nous a pas empêchés de vivre, d’avoir des sociétés, de travailler. » Jean, qui est rentré hier de la piscine sous les flammes, en compagnie de son fils, dresse la même opinion : « Nous sommes là depuis trois ans, en toute humilité, on reste à notre place. S’il faut partir, on partira ». Il s’attriste simplement que les écoles ne soient pas plus claires sur la situation auprès des jeunes : « Mon fils m’a posé des questions sur ce qui se passe. On essaye de répondre en étant le plus impartial et le plus neutre pour ne pas lui mettre de mauvaises idées ou de mauvais mots dans la bouche. Mais c’est aussi aux écoles de faire ça. »
Eloi Coupry