Des bandes de jeunes incontrôlables transforment Nouméa et le Grand Nouméa en brasier géant

Des groupes sans scrupule ont mis à sac la capitale et les communes limitrophes, pillant et incendiant des dizaines d’entreprises, commerces de proximité et véhicules dans la nuit de lundi à mardi. Des violences urbaines qui ont terrorisé les habitants et auxquelles la police et la gendarmerie ont répliqué durant des heures, faisant 35 blessés dans leurs rangs. Hier soir, on dénombrait 19 blessés supplémentaires.

Après le chaos, c’est un réveil dans les cendres encore fumantes qui n’aideront pas à refermer les plaies brûlantes et l’effroi. Les Nouméens ont vécu une nuit suffocante, celle-là même qui vous empêche de dormir et vous fait craindre le pire pour soi, ses enfants, ses proches. La crainte, l’angoisse, la stupéfaction, la honte surtout, ont traversé une population tétanisée devant une violence inouïe et l’explosion d’une rage sourde d’une jeunesse désœuvrée, alcoolisée, chauffée à blanc et, de fait, incontrôlable.

Dès la nuit tombée, lundi, la capitale du territoire a été martyrisée, prise d’assaut. La situation était de plus en plus tendue ces derniers jours et il n’est pas étonnant que tout ait fini par exploser alors qu’à 18.000 kilomètres de là, les députés devaient entériner la réforme constitutionnelle sur le corps électoral aux élections provinciales, étape décisive avant la convocation du Congrès de Versailles. Sous les yeux médusés des habitants depuis leurs balcons ou rivés sur les réseaux sociaux, des groupes de jeunes, cagoulés et déterminés à en découdre, ont assiégé certains ronds-points – l’Eau Vive, Magenta, N’Géa… -, empêchant la circulation, brûlant tout sur leur passage et allant même jusqu’à envoyer des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre. Certains quartiers de Nouméa, comme la Vallée-du-Tir, Montravel, Tuband ou encore Rivière-Salée, ont été transformés en camps retranchés dont les accès étaient bloqués par des blocs de béton, du mobilier urbain arraché, des feux de végétation et de détritus en tous genres.

Plus de 80 arrestations

Mobilisés plus que jamais, les effectifs de la direction territoriale de la police nationale (700 policiers au total), aidés par des gendarmes mobiles et des véhicules blindés VBRG, n’ont pas arrêté de la nuit à repousser les émeutiers et tenter de les interpeller. Mobiles, organisées et sans foi ni loi, ces bandes, souvent composées de mineurs, ont joué au jeu du chat et de la souris avec les autorités, rendant d’autant plus complexe les interventions. Au total, 48 arrestations ont pu être effectuées, a annoncé le Haut-commissaire de la République Louis Le Franc devant la presse mardi matin, dont la grande majorité sont âgés de 15 à 25 ans. Le bilan s’est alourdi à 82 interpellations, a précisé hier en début de soirée le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Les centres d’appels – le 18 comme le 17 – ont reçu des milliers de signalements et il a fallu gérer les urgences. Écoles et bâtiments publics – dont un de la province Sud – attaqués, forces de l’ordre prises à partie, commerces pillés et dévastés par les flammes, c’est l’ensemble du tissu économique et social de Nouméa et du Grand Nouméa qui a été durement frappé. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet. Ce sont aussi les équipements publics – voirie, caméras de vidéosurveillance, panneaux de signalisation… – qu’il va falloir réparer ou remplacer, ce qui va engendrer des centaines de millions de francs de préjudice.

Des délinquants par centaines

Jusque tard dans la nuit, les affrontements ont perduré. Les bruits assourdissants des grenades lacrymogènes ont témoigné de la violence entre les forces de sécurité intérieure et « des délinquants » qui se « dénombrent par centaines » et qui « sont organisés et agressifs », animé d’une « haine » qui a stupéfait les autorités. Ce soulèvement irraisonné a également touché la vie humaine puisqu’un bébé est mort in utero parce que le Smur n’a pas pu sortir de Dumbéa à cause des blocages. Une femme à Yaté n’a également pas pu être prise en charge au Médipôle et a pu heureusement être soignée au dispensaire. Des actions de vendetta ont été entreprises également sur des habitations comme celle du père de Sonia Backes, âgé de 81 ans, qui a été attaquée puis incendiée. Une exfiltration de l’unité d’élite du GIGN a été nécessaire pour mettre à l’abri cette personne âgée qui a désormais tout perdu. Une autre maison située à la Vallée-du-Tir, a été la proie des flammes alors qu’elle abritait une famille qui a été obligée de partir à la va-vite. « On n’est pas encore au bout de nos peines », a avancé le Haut-commissaire.

Des tirs à Saint-Louis « pour tuer »

Les émeutes n’ont pas touché que Nouméa mais bien l’ensemble du Grand Nouméa. A Saint-Louis, point historiquement sensible « et au centre de nos attentions », a relevé Louis Le Franc, quatre escadrons de gendarmes mobiles et le GIGN ont été engagés « pour reprendre le contrôle de ce segment de la RP1 qui fait 1,8 kilomètre de long et qui est quadrillé par plusieurs centaines d’agresseurs, dont certains sont munis de fusils de chasse et de carabine de grande chasse ». Au cours de cette opération des plus risquées, les militaires de la gendarmerie ont essuyé au moins huit « tirs tendus » qui n’étaient pas « pour intimider » mais « pour tuer avec du gros calibre », a déploré le général Nicolas Matthéos. Le commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie a d’ailleurs noté qu’un coup de feu s’était produit « lorsque les gendarmes étaient sortis de leur véhicule pour libérer la voie par un homme caché. La balle a perforé le véhicule blindé et s’est figé à hauteur d’homme entre deux gendarmes ». En « état de légitime défense », un gendarme a d’ailleurs été contraint de faire office de son arme de service « au cours de deux tirs de riposte ». « La gendarmerie ne lâchera rien », a encore prévenu le général.

Si le pays a déjà traversé des crises profondes, le chaos inacceptable de la nuit de lundi à mardi, dont il faudra un jour s’interroger sur ses racines, a montré une tonalité nouvelle, une violence assumée, des destructions généralisées et des mécanismes de foule aux revendications politiques floues. Elle a aussi montré que derrière ces images d’une tristesse infinie, il y avait « une certaine organisation », a constaté le général Matthéos, avec « des donneurs d’ordres » dont il faudra déterminer les identités et les rôles. Ce sera à la justice de s’en charger.


Une liste impressionnante de dégâts

Le monde économique a subi un lourd préjudice. Le concessionnaire Renault, face à l’aérodrome de Magenta, a été en partie calciné avec des dizaines de véhicules, ainsi que la société Le Froid à Montravel, le magasin Arizona à Ducos aussi, le Super U de Kaméré, l’OPT de Kaméré, Biscochoc à Ducos, la Kave du Caillou au rond-point Berthelot ou encore le magasin Caro à Rivière-Salée. Des magasins ont aussi été la proie des pilleurs comme le Carrefour N’Géa, la pharmacie de la Vallée-du-Tir, le magasin A Yen à Saint-Michel, le Groupement des Pharmaciens à Normandie, le snack-boulangerie Saint-Honoré de Magenta, le Mini-Marché ou encore le Leader Price d’Auteuil.



Jean-Alexis Gallien-Lamarche

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