La deuxième marche de l’association « Cris et pleurs de femmes », organisée samedi à Bourail, a rassemblé plus de 250 personnes, réunies pour dénoncer et dire stop aux féminicides et violences conjugales.
Le centre de Bourail s’est paré d’orange, samedi, couleur identitaire de l’association « Cris et pleurs de femmes » qui a rassemblé autour d’elle plus de 250 personnes, lors d’une marche organisée en matinée, dans les rues du village.
Faisant suite à un premier événement organisé le 27 janvier à Nouméa, cette nouvelle marche poursuivait un objectif, celui de « continuer à marteler les messages de lutte contre les violences », indiquait la présidente du collectif, Yvette Danguigny. « Il arrive souvent que l’on fasse des marches pour une cause mais que ça ne continue pas sur la durée, alors que quand on s’efforce d’aller régulièrement sur le terrain pour véhiculer nos messages, la prise de conscience est plus grande », souligne-t-elle.
« La violence n’a pas de visage ni d’ethnie »
Partie de la place Paul Rolly à 9h, la foule a ensuite pris place sous la halle des sports. L’occasion, pour les personnes qui le souhaitaient, de partager leurs témoignages au public présent. Entre autres, celui d’Émeline, violée à plusieurs reprises durant son adolescence, autant par ses petits amis que par des inconnus. Aujourd’hui âgée de 29 ans, elle met du cœur pour raconter son histoire, pour se battre à sa façon contre ces violences. « C’est une cause qui nous regarde toutes, peu importe notre couleur. Car la violence n’a pas de visage ni d’ethnie, elle peut venir de partout […] Lorsque j’ai été hospitalisée au CHS suite à ces viols, j’ai vu une gamine de 13 ans qui venait d’avorter car elle avait été violée toute sa vie par son oncle… Et aujourd’hui, on est 8 femmes sur 10 à connaître des violences au cours de notre vie. Et il a fallu les trois derniers féminicides pour qu’on se réveille enfin… Je n’en veux pas un de plus », partage-t-elle.
Des récits forts en émotions, racontés devant deux centaines de personnes. Parmi elles, Isabelle, habitante de Bourail, tentant d’essuyer ses pleurs avec son gilet. Il y a deux ans, la jeune femme a perdu sa petite sœur, battue à mort par son compagnon. « Aujourd’hui, avec ses enfants et nos frères, nous sommes venus pour lui rendre hommage », glisse-t-elle dans un sanglot.
L’occasion également, pour les coutumiers de Bourail présents, de prendre la parole. Une démarche « très importante » pour le district, alors que la commune a été le lieu de trois féminicides ces dernières années. « Dans le monde kanak, le jour du mariage d’un couple il n y a pas une coutume qui donne l’autorisation au mari de lever la main sur sa femme. Ça n’existe pas. Ce sont des choses qui ne se font pas chez nous », a soulevé Jean-Yves Poédi, référent de l’aire Ajië-Arhö.
Probablement en août ou septembre, une troisième marche sera organisée par l’association, cette fois sur la commune de Koumac.
Des doléances communiquées aux coutumiers et au maire
A l’issue des témoignages partagés sous la halle des sports, le bureau de l’association « Cris et pleurs de femmes » a tenu à partager des doléances, à destination des coutumiers du district, mais également au maire de Bourail, Patrick Robelin. Ses membres leur ont notamment demandé de réaliser un travail de communication, sur les réseaux sociaux. « Quand survient la mort d’une femme, et que c’est déclaré comme étant un féminicide, on veut qu’ils se positionnent contre le mal qui a été en faisant des communiqués ou bien simplement des publications sur Facebook, afin de dénoncer cela. Car sinon, on est rendus à quoi ? A ce que les femmes soient tuées par les hommes et qu’on ne dise rien ? », interroge Yvette Danguigny. En outre, il a été demandé l’organisation de réunions au sein des quartiers et des tribus, sur le thème des violences faites aux femmes, ainsi que la mise en place d’un protocole automatique d’intervention, dès les premiers signes de violence et d’irrespect envers les femmes. Des doléances que les coutumiers de Bourail ont assuré prendre en considération.
« Ce sont des choses sur lesquelles nous avons déjà travaillé en amont, et que nous allons mettre en pratique avec les institutions. C’est important que les autorités coutumières se saisissent de ce sujet, parce que ce n’est plus tolérable que l’on ai encore des féminicides », indiquait Léopold Fouyé, responsable coutumier au conseil de l’aire Ajië-Arhö.
Nikita Hoffmann