Dix ans après l’élection municipale truquée de Païta, Willy Gatuhau a été condamné à trois ans d’inéligibilité par la cour d’appel. Sa peine prenant effet immédiatement, il doit quitter ses fonctions. L’ancien maire, Harold Martin, lui, devra purger sa peine avec un bracelet électronique.
Un coup de tonnerre aux conséquences en cascade. Dans la classe politique calédonienne, l’information s’est répandue mardi matin comme une traînée de poudre sur les messageries cryptées des portables et a enflammé les esprits. A Païta, les habitants n’en revenaient toujours pas de cette information détonante.
Dix ans après les soupçons d’achats de voix dans l’entre-deux tours pour faire pencher le scrutin en faveur d’Harold Martin aux municipales de 2014 contre Frédéric de Greslan (lequel perdra pour un écart de 286 voix), au terme d’une longue enquête, de nombreuses gardes à vue et d’une information judiciaire, de pas moins de trois procès, le couperet est tombé. La cour d’appel de Nouméa a rendu son délibéré mardi matin, aussi attendu que craint par les principaux intéressés.
Pas sur la culpabilité du délit « d’obtention de suffrage par don ou promesse », celle-ci ayant été définitivement confirmée par la Cour de cassation en octobre dernier, reconnaissant que l’élection avait été faussée par des distributions d’enveloppes d’argent liquide, des promesses de postes à des personnes influentes de la communauté wallisienne et le financement d’un clocher d’une église d’un village de Wallis. La cour d’appel de Nouméa devait donc uniquement se prononcer sur « le quantum » des peines car la Cour de cassation avait estimé que le jugement n’avait pas été correctement motivé. Le 2 avril dernier, ces deux figures de la classe politique étaient de retour à la barre pour une audience qui s’annonçait capitale pour leur avenir. L’avocat général, Philippe Faisandier, avait requis des peines de deux ans de prison dont un an avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 2 millions de francs d’amende à l’encontre d’Harold Martin, ainsi que d’un an de prison avec sursis, trois ans d’inéligibilité et 800 000 francs d’amende concernant Willy Gatuhau, à l’époque directeur de cabinet d’Harold Martin.
Subtilité d’importance, le représentant du ministère public n’avait pas requis d’exécution provisoire concernant les peines d’inéligibilité.
« Une exécution politique »
C’est pourtant bien ce qu’a annoncé la cour d’appel mardi matin, provoquant une véritable secousse dans les rangs des non-indépendantistes.
Condamné à un an de prison avec sursis (la cour n’a finalement pas prononcé d’amende) et trois ans d’inéligibilité assortis d’une exécution provisoire, l’actuel maire est déchu de ses mandats politiques. Car la notion d’exécution provisoire signifie que la peine est applicable immédiatement. Autrement dit, la justice le contraint à démissionner séance tenante même s’il se décide à se pourvoir devant la Cour de cassation. Sollicité par téléphone, Willy Gatuhau n’a pas donné suite. Son avocat, Me Fabien Marie, a réagi en dénonçant une « exécution politique » à l’encontre d’un élu « proche de ses administrés », qui a pris la suite d’Harold Martin après sa démission en 2019 avant d’être « réélu en 2020 ». « Je suis surpris et choqué car je constate que les magistrats n’ont pas tenu compte du dossier et du contexte. Il n’y a aucun élément matériel qui vient prouver quoi que ce soit », a ajouté le conseil, joint au téléphone, qui n’avait pas encore échangé avec son client au moment de l’entretien.
Une amende de 1,6 million de francs
Quant à Harold Martin, il écope de deux ans de prison, dont la moitié avec sursis. La justice a décidé d’aménager la partie ferme de la peine – un an donc – sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique. L’ex-maire de Païta, ancien président du gouvernement et signataire de l’Accord de Nouméa sera prochainement convoqué par le juge d’application des peines pour mettre en place cette alternative à l’incarcération au Camp-Est. Il devra, en outre, s’acquitter d’une amende de 1,6 million de francs et a été déclaré inéligible pour les cinq prochaines années.
Son avocat, le bâtonnier Me Philippe Reuter, a pris note de la décision mais n’a pas souhaité la commenter au sortir du palais de justice avant d’en discuter avec son client.
Et maintenant ?
Le Haut-commissaire va prendre un arrêté stipulant la fin de fonction de Willy Gatuhau et convoquer une réunion du conseil municipal au cours duquel un nouveau maire sera élu. En attendant, l’équipe en place va gérer les affaires courantes, les adjoints au maire conservant leurs délégations, sous la responsabilité de la première adjointe, Maryline D’Arcangelo, pressentie pour succéder à Willy Gatuhau.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche