Les scientifiques vont suivre près de 200 requins tigres et bouledogues pour tenter de lever le voile sur certaines de leurs habitudes afin d’obtenir des données plus précises. Avec l’espoir, ensuite, de développer les politiques publiques à venir dans la gestion du « risque requin » alors que la Calédonie a durement été frappée l’année dernière par les attaques de squales.
En réponse aux crises récentes causées par les attaques de requins en Nouvelle-Calédonie, la province Sud a pris des mesures proactives. A la suite de la validation par le tribunal administratif de Nouméa, une modification importante du code de l’Environnement a été approuvée en mai dernier. Cette révision législative autorise désormais le retrait des requins tigres et bouledogues de la liste des espèces protégées, une décision qui vise à réduire le risque pour les activités nautiques et balnéaires.
Face aux inquiétudes croissantes de la communauté, la province Sud, en partenariat avec l’État, la mairie de Nouméa, et le Port autonome, a instauré une convention pour une gestion concertée du risque requin. Cette collaboration cherche à équilibrer les impératifs de sécurité humaine avec ceux de la conservation de la biodiversité. Dès lors le 29 avril 2024, un événement clé s’est déroulé au Centre administratif de la province Sud, marquant un engagement renforcé dans la compréhension scientifique des requins. Gil Brial, deuxième vice-président de la Maison Bleue, a officiellement signé une étude sur l’écologie des grands requins, en présence de Grégory Lecru, commissaire délégué de la République en province Sud, et France Bailly, représentante de l’IRD en Nouvelle-Calédonie.
Sécuriser les zones de baignade
La recherche, bénéficiant d’un financement de l’État à hauteur de 75 % pour un budget total de 200 millions de francs, est menée en collaboration avec l’IRD. Le projet, s’étendant sur quatre ans, inclut l’observation de 200 requins et utilise des hydrophones, environ 44 étant déjà déployés. De plus, l’analyse de l’ADN environnemental aidera à surveiller et comprendre les déplacements des requins à proximité des zones de baignade, et ce sur plusieurs sites stratégiques de la province. L’étude a pour but de formuler des actions visant à sécuriser les zones de baignade tout en minimisant les impacts environnementaux. Parmi les initiatives envisagées, figurent le déploiement de filets de protection, l’utilisation de drones, des analyses quotidiennes, et l’installation de systèmes d’alerte avancés inspirés de modèles utilisés en Australie, en Afrique du Sud et à la Réunion.
Une démarche multidimensionnelle
Selon Gil Brial, cette démarche, multidimensionnelle, illustre la volonté de la province Sud de trouver un équilibre entre activités humaines et préservation des espèces marines. L’objectif est de permettre une utilisation plus sûre et plus responsable du lagon, afin que les Calédoniens puissent profiter pleinement des ressources naturelles disponibles.
Un hydrophone est un type de microphone spécialement conçu pour être utilisé sous l’eau pour enregistrer ou écouter les sons dans un milieu aquatique. Il transforme les ondes sonores sous-marines en signaux électriques qui peuvent ensuite être analysés ou écoutés.
La science au service des citoyens
L’analyse d’ADN environnemental est une méthode relativement nouvelle et révolutionnaire utilisée en écologie pour évaluer la biodiversité d’un environnement en analysant les traces d’ADN laissées par les organismes dans leur milieu. Cela peut inclure l’ADN présent dans l’eau, le sol ainsi que l’air.
Cette technique permet aux scientifiques de détecter la présence d’espèces spécifiques dans un habitat sans les capturer ni les observer directement, ce qui est particulièrement utile pour le suivi des espèces rares, menacées ou difficiles à observer. En collectant simplement un échantillon de l’environnement (dans ce cas précis, d’eau de mer), les scientifiques peuvent tester cet échantillon pour y trouver des séquences d’ADN spécifiques qui indiquent quelles espèces sont présentes dans la zone. Dans le contexte de l’étude sur les requins en Nouvelle-Calédonie, ces technologies de pointe vont permettre une précision des résultats scientifiques, et aider les autorités compétentes à prendre les meilleures décisions possibles.
Margaux Lorenzini