L’Aquarium des lagons organise, chaque mois, une récolte de plusieurs tricots rayés sur l’îlot Signal. Une manière de renouveler l’animal au sein de l’établissement, de sensibiliser la population, mais aussi de récolter de précieuses informations.
Avant même de poser le pied sur l’îlot Signal, petit coin de paradis situé à seulement une trentaine de minutes en bateau de Nouméa, le spectacle commence. Dans le taxi boat, les téléphones sont déjà de sortie au moment où Stéphane Bourget, technicien en aquariologie, pose le pied sur le semi-rigide pour libérer les tricots rayés capturés le mois dernier. La dernière récolte avait été maigre, avec seulement six serpents marins récupérés. Après un mois passé, « au chaud », sans le moindre prédateur à surveiller, ils retrouvent leur liberté. En quelques secondes seulement, ils disparaissent dans les eaux turquoise, à la recherche, probablement, d’une nouvelle proie. Les tricots rayés, qui se nourrissent essentiellement de murènes, peuvent passer « un mois et demi, voire deux mois et demi en hiver, sans manger ». « Pêcher des murènes pour leur donner à l’aquarium, ça serait compliqué. Le plus simple, c’est donc de les collecter lorsqu’ils sont bien dodus afin qu’ils passent trois semaines ou un mois à l’aquarium à digérer tranquillement avant d’être relâchés », explique Jazz Barroco.
C’est pour ça que, tous les mois, l’Aquarium organise une sortie de relâche et de collecte de cet animal amphibie, qui vit sur terre, mais qui chasse en mer. Une sortie ouverte au public depuis un an maintenant. Une manière de « sensibiliser le plus grand nombre » sur cette espèce. « Les personnes sont très peu sensibilisées sur les serpents marins, en général, elles ne savent pas que ce sont des espèces protégées, qu’on n’a pas le droit de s’en approcher, de les toucher. Les tricots rayés sont tellement gentils, que les gens les tripotent, jouent avec et leur font du mal », explique Jazz Barroco. Un rendez-vous qui a trouvé son public. Sur le bateau, une dizaine de « touristes » ont répondu présent. Avec l’espoir d’observer de plus près cet animal, souvent redouté pour son venin extrêmement dangereux mais pourtant assez inoffensif. « Ils ont un venin assez rare, du coup il le garde essentiellement pour la chasse », précise la spécialiste.
« Au petit bonheur la chance »
Si certaines espèces ont des périodes bien précises pour être observées ou pour se reproduire, les tricots rayés, eux, entretiennent le flou. « C’est un peu au petit bonheur la chance », souffle l’animatrice du jour. Il faut croire qu’ils aiment bien, malgré tout, les ciels gris et quelques gouttes de pluie. Jeudi, alors que le ciel est resté couvert l’intégralité de la journée, ces serpents marins se sont fait une joie de vagabonder à l’îlot Signal. Les premiers pas à peine effectués, un premier tricot rayé se prélasse déjà sur le sable. Puis un deuxième, quelques mètres plus loin. « Franchement, ça annonce une bonne journée », sourit Jazz Barroco.
Elle ne s’est pas trompée. Ce jour-là, ils sont partout. Sur le sable, dans les rochers, dans la végétation. Hugo Lassauce, Stéphane Bourget et Thibaud Brasseur, les trois spécialistes, ne cessent d’être appelés. Pour des jaunes d’abord, l’espèce endémique à la Calédonie (Laticauda saintgironsi), mais aussi des bleus, souvent plus difficiles à repérer, que l’on retrouve aussi dans différents pays alentours (Laticauda laticaudata). Si certains sont laissés dans leur environnement naturel, d’autres, les plus gros, sont prélevés par les spécialistes. Ils sont observés, bipés à la recherche d’une éventuelle puce (lire encadré), puis déposés calmement dans un filet. Le tout, sous le regard ébahis et rêveurs des accompagnateurs du jour. Une petite vingtaine ont finalement terminé dans le filet. C’est beaucoup. Avant de remonter sur le bateau, les plus petits sont finalement relâchés. « En général, on en prend maximum dix ou douze », explique Hugo Lassauce. Onze ont finalement pris le bateau vers Nouméa. Six jaunes et cinq bleus. La fin d’une journée au plus près de la nature, entre découverte, apprentissage et plaisir.
Claire Gaveau