La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel de Nouméa, uniquement sur le « quantum » de la peine. La culpabilité est acquise mais elle n’empêche pas Willy Gatuhau de rester maire. Explications.
Neuf ans plus tard, voilà le dénouement judiciaire d’une affaire qui a tant défrayé la chronique. L’ancien maire de Païta Harold Martin et l’actuel premier édile Willy Gatuhau viennent d’être définitivement reconnus par la Cour de cassation coupables du délit « d’obtention de suffrage par don ou promesse », autrement dit d’avoir fraudé dans l’entre-deux tours des élections municipales de Païta, qui avait vu le maire sortant (Harold Martin) l’emporter face à Frédéric De Greslan avec 286 voix d’écart, en 2014. Cette culpabilité est désormais acquise, ce qui signifie que les deux responsables politiques ne disposent plus de voie de recours pour la contester. Un revers pour eux qui n’ont eu de cesse de clamer leur innocence depuis le début de l’affaire malgré les peines infligées en première instance et en appel pour lesquelles ils s’étaient pourvus en cassation.
Et justement, dans un arrêt en date du 3 octobre, dont La Voix du Caillou a pris connaissance, la chambre criminelle de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a partiellement « cassé » l’arrêt de la cour d’appel de Nouméa qui avait, le 8 novembre 2022, condamné Harold Martin à la peine de deux ans de prison dont un avec sursis (la peine ferme s’effectuant sous bracelet électronique), cinq ans d’inéligibilité et 1,6 million de francs d’amende, et Willy Gatuhau, à l’époque directeur de cabinet, à un an de prison avec sursis, trois ans d’inéligibilité et 700 000 francs d’amende.
« La fin d’un long parcours »
En « cassant » cet arrêt, la Cour de cassation vient donc donner partiellement raison aux arguments de la défense. Les magistrats ont en effet considéré que la cour d’appel de Nouméa « n’a pas justifié sa décision » quant au « quantum » de la peine de prison et d›inéligibilité. « En matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, notamment matérielle, familiale et sociale », rappelle la Cour. Or, les juges de Nouméa n’ont pas suffisamment mentionné « les motifs propres à justifier cette décision », ce qui est en violation totale des textes du Code de procédure pénale.
La Cour de cassation en a donc tiré toutes les conséquences en «annulant » la décision de la cour d’appel de Nouméa « mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ». « La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité des prévenus n’encourt pas la censure », peut-on lire dans la décision de la Cour de cassation.
Pour la troisième fois, la justice vient ainsi de reconnaître que l’élection municipale a été faussée par des distributions d’enveloppes d’argent liquide, des promesses de postes à des personnes influentes de la communauté wallisienne et le financement d’un clocher d’une église d’un village de Wallis. Une décision qui résonne comme un « grand soulagement » auprès de Frédéric De Greslan. « Je suis satisfait, c’est la fin d’un long parcours du combattant. J’avais dit qu’acheter des électeurs était l’infraction la plus grave de la démocratie. Harold Martin et Willy Gatuhau ne sont plus innocents, mais bien définitivement coupables », a-t-il réagi.
« Je me battrais pour que mon honneur soit lavé »
« Ce renvoi en appel me donnera peut-être l’occasion de revenir sur les éléments de fonds et faire valoir mes arguments, nous a déclaré Willy Gatuhau. Avec mes conseils, j’examine tous les recours possibles à ma disposition. Je suis au charbon parce qu’il y a des sujetssu r lesquels la commune et les administrés ne peuvent pas attendre. Je continue à faire le travail. Cette décision, si elle me concerne personnellement, n’est pas ma priorité. Ma priorité, c’est de continuer à me battre au quotidien pour mes administrés et surtout le combat continu s’agissant du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. Ma priorité c’est de m’occuper des dossiers sur lesquels m’attendent les administrés de Païta qui, eux m’ont déjà jugé en me réélisant. Ce que je dis là va bien au-delà de la fonction de maire que j’exerce aujourd’hui. Je ne suis pas maire pour l’éternité, en revanche le combat pour laver mon honneur, je le mènerai même s’il me faut l’éternité pour ça. » Pour sa part, Harold Martin a évoqué, comme il l’avait déjà fait par le passé, que ce dossier était « la plus grande erreur judiciaire calédonienne. Il n’y a aucune preuve, aucun élément ».
Concrètement, la cour d’appel de Nouméa va devoir à nouveau statuer dans les prochains mois avec une nouvelle formation. La relaxe n’étant plus possible, les magistrats pourront donc décider soit de baisser les peines, soit de les confirmer ou bien même de les aggraver. Harold Martin et Willy Gatuhau pourraient alors, à nouveau, se pourvoir en cassation. Le dossier est donc seulement en partie refermé.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche