Un agent de l’administration pénitentiaire a été interpellé et placé en garde à vue au commissariat dans le cadre d’une enquête sur un trafic de cannabis et de portables au cœur de la prison. Trois autres personnes, dont un détenu, sont inquiétées.
Il risque de passer de l’autre côté des barreaux. Mais en attendant d’en répondre devant la justice, il ne pourra plus enfiler son uniforme pour au moins quelques semaines. D’après nos informations, un agent de l’administration pénitentiaire qui exerçait au Camp-Est, à Nouville (Nouméa), jusqu’en septembre avant d’être affecté au centre de détention de Koné, est suspecté d’avoir participé, ou à tout le moins d’avoir fermé les yeux, à un important trafic d’herbe de cannabis et de téléphones portables au cœur même des quartiers de détention. Surveillant pénitentiaire depuis 2017, cet homme de 36 ans est dans de sales draps depuis qu’il a été interpellé dans la région de Koné, mercredi, par les enquêteurs de la brigade des stupéfiants de la direction territoriale de la police nationale (DTPN).
Cette arrestation est le point d’orgue d’une enquête entamée quelques jours plus tôt par « les stups » après avoir été informés qu’une jeune femme avait tenté de faire passer 50 grammes de cannabis cachés dans un paquet de chips au cours d’un parloir. La découverte de cette livraison illégale a entraîné l’arrestation par les policiers de la brigade anti-criminalité de trois suspects – dont un détenu – et la perquisition de leurs domiciles et cellule qui se sont révélées sans résultat. Elle a surtout permis de mettre en lumière la participation présumée d’un surveillant pénitentiaire au cœur de ce circuit. Quelle quantité de stupéfiants ? Dans quel contexte ? Le flou demeure encore à ce stade.
Les premières peines sont tombées
Le suspect, en poste au Camp-Est depuis 2017 et jusqu’alors inconnu de la justice, a fermement démenti ces accusations au cours de sa garde à vue au commissariat central de Nouméa. Déféré avec l’ensemble des autres protagonistes de ce dossier – commanditaire et mules – dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) jeudi après-midi, le gardien, assisté de son avocat Me Cédric Bull, a refusé le « plaider-coupable » à la française proposé par le parquet.
Ce qui n’a pas été le cas du détenu âgé de 33 ans qui a accepté la peine proposée par le procureur de 18 mois de prison ferme. Condamné par la cour d’assises en juillet dernier à la peine de 17 ans de réclusion criminelle pour le viol d’une femme à la sortie d’une boite de nuit de Nouméa et des violences avec arme sur une jeune en voiturette et une masseuse entre février et mai 2021, cet homme considéré comme particulièrement dangereux était sous la bonne garde des policiers de l’unité d’élite du Raid. Sa compagne, également impliquée dans cette affaire, s’en est sortie avec 12 mois de prison avec sursis. Un troisième complice a écopé de douze mois de prison ferme.
Interdit d’exercer
Ayant refusé la procédure de CRPC, le fonctionnaire pénitentiaire a donc été présenté à un juge des libertés et de la détention qui l’a placé sous contrôle judiciaire en attendant sa comparution le lendemain (vendredi, donc) devant le tribunal correctionnel. Poursuivi pour « remise de correspondances, de sommes d’argent et de téléphones portables à des détenus » entre 2020 et 2023, ce père de famille a demandé un délai pour préparer sa défense. Ce qui est de droit.
« Sur les faits que l’on me reproche, je n’ai rien fait », a-t-il brièvement commenté avant d’être repris par la présidente Hélène Gaillet qui lui a rappelé que le renvoi du procès ayant été prononcé, ce n’était pas le moment de discuter du fond du dossier. Suivant les réquisitions de la procureure Fabienne Coupry, la juridiction a placé l’agent pénitentiaire sous contrôle judiciaire jusqu’à son jugement prévu au début du mois de décembre. Cette mesure lui interdit notamment d’entrer en contact avec les co-auteurs, d’exercer sa fonction de surveillant et l’oblige à pointer une fois par semaine à la gendarmerie.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche