Personne ne sait vraiment où se trouve l’Île Amsterdam. C’est aujourd’hui l’un des districts des TAAF, Terres Australes et Antarctiques françaises. En été, la base accueille une quarantaine de personnes, dont un jeune Calédonien de 26 ans, Louis Gillardin que nous avons joint sur place afin qu’il nous raconte cette vie pas comme les autres.
« Je travaille, nous dit-il, comme agent de l’environnement des Terres Australes et Antarctiques françaises, dans un contrat de volontariat de service civique. Je suis parti pour 14 mois. » Après ses études à Lyon, un stage au Parc provincial de la Rivière Bleu, et deux ans en Guadeloupe, le voilà dans le très grand Sud, sur une terre quasiment oubliée des hommes et presqu’inatteignable. « Après 3 semaines de formation à la vie en milieu isolé, nous dit Louis Gillardin, nous sommes partis de la Réunion le 18 novembre 2022 à bord du Marion Dufresne, et nous avons atteint l’Île Amsterdam après 3 semaines de mer. Il n’y a pas d’avion pour Amsterdam car il n’y a pas de piste d’atterrissage et de toute façon, il y a trop de vent pour pouvoir atterrir. » Dire que Louis Gillardin est un passionné, est faible. Il a construit sa vie autour de la nature, l’étude de celle-ci et sa protection. Aussi lorsqu’il lui est proposé ce séjour de plus d’un an sur l’Île Amsterdam, il s’est précipité.
Une vie pas comme les autres
Laissons la parole à Louis Gillardin qui sait mieux raconter ce qu’il vit que nous. « La base Martin-de-Viviès accueille 40 personnes en été et 25 en hiver, nous dit-il. C’est comme une toute petite commune où tout le monde pratique toute une série de métiers. Sur la base, il n’y a pas de pompiers, il n’y a qu’un médecin pour 30 ou 40 personnes, il nous est donc demandé de nous engager. Je suis moi-même dans l’équipe de secours-montagne, dans celle du groupe incendie et même dans celle de chirurgie! Nous sommes donc formés à la chirurgie d’urgence en milieu périlleux, nous sommes donc amenés à faire des perfusions, des gestes médicaux et même des anesthésies. On a eu un grave accident, il y a deux mois de cela, un collègue a fait une chute d’un faux plafond et s’est à moitié scalpé le crâne, j’ai donc passé 6 heures dans le bloc opératoire à l’opérer. Ce sont bien sûr des évènements marquants, des expériences passionnantes qui apportent des compétences dans des domaines auxquels je ne toucherai pas dans la vie ordinaire. La base est dirigée par un chef de district, que l’on appelle « monsieur le maire ». Il est garant de la souveraineté de la France sur l’Île Amsterdam. Il est maire, douanier, gendarme, officier de police judiciaire. Nous les VSC, Volontaire Service Civique, nous sommes les seuls qui demeurons 14 mois sur l’île. Et puis, il y a bien sûr un chef cuistot, mais il fait avec ce qu’il a, essentiellement du surgelé. Nous ne sommes ravitaillés que 4 fois par an par le Marion Dufresne et en hiver, on vit 5 mois sans bateau, donc sans ravitaillement. On est donc super heureux quand le bateau revient pour nous livrer des légumes et des fruits frais. Quand ça fait 5 mois que tu n’as pas croqué dans une pomme, c’est le bonheur, parce qu’on finit un peu par perdre le goût des produits frais. »
Une vie hors du temps et du monde
« Je me suis très rapidement fait à cette vie, raconte le jeune homme. C’est juste que l’on quitte complètement la civilisation. Il n’y a pas de voiture ni de route, il n’y a pas de magasin et donc pas d’utilisation d’argent, il n’y a plus de questions administratives. On finit donc par perdre un peu toutes ces notions. Comme je me spécialise dans la lutte contre les espèces envahissantes, c’était vraiment mon rêve d’aller bosser non-stop sur le terrain avec des animaux sauvages en milieu isolé. Et puis on est dehors tout le temps, qu’il y ait de la neige, de la grêle, du vent, la tempête, on est toujours amené à travailler dehors. Cela dit, nous sommes prévenus qu’au bout de six mois, on peut être touché par ce que l’on appelle « le syndrome de l’hivernant ». On est frappé par une sorte de gros coup de mou, quasiment une dépression, qui fait que l’on a envie de partir. Mais moi, je ne l’ai pas eu ! En fait le séjour se passe trop rapidement, nous n’avons plus que 4 mois à faire, le bateau vient nous chercher fin décembre et nous passerons le Nouvel An à la Réunion. » Ensuite, il faudra trouver une autre mission, même si Louis Gillardin caresse le rêve de pouvoir rentrer en Nouvelle-Calédonie pour y travailler à l’éradication des espèces envahissantes qui ne manquent pas sur le caillou.