Féministe revendiquée, Françoise Caillard anime le collectif « femmes en colère » avec détermination.
La voix du Caillou : Quel est le moteur du combat que vous menez aujourd’hui ?
Françoise Caillard : Ce sont tous les combats que j’ai menés avant. J’ai toujours pensé que les sociétés en général sont très déséquilibrées, que les femmes n’y tiennent toujours pas leur véritable place. C’est un devoir pour nous, en tant que féministes, de faire en sorte que les générations qui viennent après nous puissent vivre dans un pays un peu plus égalitaire. Ça n’est pas le cas aujourd’hui.
LVDC : Vous vous revendiquez féministe ?
FC : Oui je suis absolument féministe, parce cela correspond pour moi à un projet de société. Ça n’est pas de repousser les hommes comme on voudrait bien le faire croire, c’est de dire aux hommes « partageons la vie ». Que ce soit politique, économique, partout, il faut qu’il y ait une égalité entre hommes et femmes pour que la vie soit meilleure.
LVDC : Vous rappelez les statistiques effrayantes de violences faites aux femmes en Calédonie, mais comment changer les comportements ?
FC : C’est une vraie question. Nous sommes venues plusieurs fois devant le Congrès et l’État pour leur demander un temps de réflexion sur cette problématique qui gangrène les fondamentaux de notre société. On leur a demandé un débat-pays afin que tout le monde se sente concerné, travaille sur ce sujet pour aboutir à une vraie loi-cadre. Et là on constate que depuis le 17ème gouvernement, il n’y a plus de « ministère » de la condition féminine, il a été supprimé purement et simplement. Et c’est un très mauvais signal. Il n’y a qu’une seule femme au gouvernement, madame Champmoreau. Si nous avions un « ministère » séparée de la cause animale que l’on respecte, mais qu’il soit entièrement consacré à la condition féminine, alors peut-être trouverions-nous des solutions.
LVDC : Pour le débat que vous réclamez depuis 2016 n’a-t-il pas eu lieu ?
FC : On nous l’a toujours promis et on a même reçu des courriers des différents présidents, et nous n’avons jamais rien eu ! Ça n’est pas la faute des élues très engagées sur la condition féminine, comme madame Jallabert, mais c’est une question de mentalité des hommes, parce que pour eux, cette question est secondaire. Ils ne voient pas le besoin de mobiliser.
LVDC : Mais dans ce combat, les femmes ne sont-elles par trop silencieuses ?
FC : Oui, c’est très difficile. Grâce aux réseaux sociaux, les jeunes parlent, mais la parole se libère. Mais ma génération et celle d’après moi n’ont pas encore pris la mesure de l’importance de venir revendiquer leurs droits, parce qu’il y a encore un poids très lourd du système traditionnel, comme du système moderne. C’est très difficile pour elle d’émerger, il faut qu’elles soient soutenues.
LVDC : Ce que vous nous dites, c’est qu’il faut miser sur les générations futures…
FC : C’est pourquoi nous nous mobilisons, parce que nous espérons une relève. C’est aussi pour les générations à venir que nous sommes là. On parle de l’avenir du pays, mais comment peut-on construire un avenir avec un système où les femmes sont battues, violentées, tuées ?
LVDC : Finalement, qu’espérez-vous ?
FC : Que nous soyons entendues. S’il y a autant d’enfants en foyers et au Camp Est, il faut se demander pourquoi la femme n’a pas élever ses enfants. Il faut s’intéresser à ces conditions de vie, la violence, la pauvreté. La grande majorité des jeunes au Camp Est sont des enfants de filles-mères. Il faut aller à la source et se rendre compte des conditions de vie. Je parle du monde coutumier, est-elle bien assise dans son clan ? Y a-t-il une place pour elle ? Que lui propose-t-on ? Si elle n’a pas sa place, elle vient à Nouméa dans le monde du travail où c’est une autre galère. Tout ça parce que les femmes sont toujours secondaires, secondaires partout. Ce sont les hommes qui dictent les lois, au Sénat Coutumier par exemple, ce ne sont que des hommes ; Comment voulez-vous que l’on trouve une solution pour améliorer la vie des femmes ?