Un homme de 23 ans, Zacharie Wema, défendu par Maître Denis Milliard, était jugé hier par la Cour d’assises de Nouméa pour un meurtre commis le 4 juillet 2021 à la tribu de Néoua.
Le procès a été riche en émotions, avec des pleurs, notamment de la part de la compagne du défunt. Comment aurait-il pu en être autrement ? Cette jeune femme a perdu, vingt-six mois plus tôt, l’homme qui partageait sa vie, tué dans le dos, d’un coup de fusil de chasse, devant ses yeux et ceux de leur petite fille, à l’époque âgée de 2 ans.
La mère de famille, qui portait l’enfant dans ses bras, a immédiatement couru pour aider son compagnon, touché par une cartouche (douze impacts de plomb) de calibre 12, d’un tir déclenché à une distance estimée entre 10 et 17 mètres. Lorsque les secours sont arrivés, environ une demi-heure plus tard, elle était encore en train de prodiguer un massage cardiaque, en vain. Dylan Noneane, 27 ans, venait de rendre son dernier souffle, après avoir demandé à sa compagne de bien s’occuper de leur fille. Parmi ses blessures, « une liaison de la veine cave inférieure », dixit le médecin légiste, a causé « une hémorragie massive et rapide », rendant le décès « inéluctable ».
« Vous m’épuisez »
Au terme de ce procès qui s’est tenu sur une journée (et dont le verdict était attendu dans la soirée), on en sait un peu plus sur les motivations du tireur, mais pas tant que ça tant l’accusé s’est montré peu coopératif, commençant par des explications inaudibles, déclenchant l’agacement de la présidente, Zouaouïa Magherbi : « Ce n’est pas possible, on ne peut pas communiquer par des onomatopées ! Moi, j’ai mal à la gorge et je force ma voix, je fais des efforts. Alors vous aussi, vous allez faire des efforts ! » L’accusé s’est ensuite fait reprendre pour son attitude (« tenez-vous droit » et « enlevez ce chewing-gum »). « J’ai l’impression de revenir dans un tribunal pour mineurs, vous m’épuisez », le tacle la présidente, sans faire vaciller Zacharie Wema, qui plusieurs fois se met à sourire, voire à rire, comme s’il ne saisissait pas la gravité de la situation.
« C’était pour rigoler »
Pourquoi, ce dimanche matin de juillet 2021, vers 9 h 30, l’accusé a-t-il tiré ? « Comme ça », a-t-il répondu hier, avant d’expliquer timidement qu’il voulait blesser Dylan, mais pas le tuer. Juste avant le coup de feu, « on s’est battus avec Dylan, on était en train de jouer, c’était pour rigoler », assure-t-il.
La version de la compagne de la victime diverge : oui les deux hommes venaient d’échanger des coups, mais non ce n’était pas pour s’amuser. Ce matin-là, explique-t-elle, Dylan a demandé des comptes à Zacharie, car celui-ci avait dérapé à deux reprises dans les jours précédents : une fois en tirant sur la voiture (qui était hors d’usage) de Dylan, l’autre fois, veille du meurtre, en mettant le feu dans des broussailles près du logement de Dylan. Pourquoi cette première provocation ? « Comme ça », a encore répondu l’accusé, déjà détenu au Camp-Est pour purger les peines de huit condamnations précédentes, principalement pour des vols. Et pourquoi l’incendie ? « Pour mettre de la lumière dans la tribu », s’est-il défendu, sans s’expliquer davantage.
Il tire puis revient chez lui boire un café
Dylan et Zacharie étaient des amis d’enfance. Une année avant le meurtre, après être sorti de détention pour des vols, le premier a arrêté la délinquance, trouvant un travail de chauffeur sur mine et s’occupant de sa famille, en plus d’assurer la construction de sa maison. Il était décrit comme serviable et bon en mécanique. Le second, lui, n’est pas rentré dans le droit chemin : il continuait les méfaits, et occupait son temps en traînant avec des cousins, en chassant et en pêchant, tout en fumant quotidiennement du cannabis (depuis l’âge de 11 ans). Il est présenté comme calme, gentil mais marginal : il vivait isolé au fond de la tribu, participant peu aux activités coutumières et parlant (ou hurlant) régulièrement seul. L’expertise psychiatrique a conclu à « une intelligence moyenne » chez cet individu qui a « arrêté l’école » après le collège, qui a ensuite passé du temps à Lifou (où il a été envoyé à l’adolescence après des vols) et qui n’a « pas trop de capacité à réfléchir avant d’agir » : « il n’exprime pas de regrets » après le meurtre, survenu par « colère » plus que par « peur ».
Ce 4 juillet-là, après une explication orale puis musclée entre Dylan et Zacharie, ce dernier, en mauvaise posture et à l’ego blessé, s’est relevé et a attrapé son fusil, qu’il avait posé à côté : alors que Dylan marchait d’un pas rapide pour revenir dans sa maison, Zacharie a fait feu, à une reprise, laissant la victime au sol avant de rentrer chez lui et d’y boire un café, puis de repartir dans la nature. Des coutumiers de la tribu l’ont alors trouvé, lui distribuant des coups avant de le livrer aux gendarmes.
Au terme d’un délibéré d’un peu plus d’une heure, les jurés ont condamné l’accusé à une peine de 20 ans de prison.
A.F.