Le meurtre d’une jeune femme à Thio dimanche a de nouveau endeuillé la commune de la côte Est, quelques semaines après celui d’un jeune tué d’un coup de fusil à l’entrée de la commune. Ce féminicide met également en lumière le travail qu’il reste à accomplir pour faire cesser les violences dont sont victimes les femmes.
Alors que Thio est toujours sous le choc après le meurtre, début juillet, d’un jeune homme abattu d’un coup de fusil parce qu’il faisait des dérapages avec sa voiture, un nouveau drame est venu endeuiller la petite commune de la côte Est. La mort d’une femme d’une trentaine d’années, survenu dimanche vient alourdir un peu plus la chape de plomb et la douleur qui pèsent sur les habitants. Si l’enquête est toujours en cours, son compagnon a été mis en examen pour homicide volontaire par conjoint.
« Les gens sont touchés, c’est malheureux, on se demande comment c’est possible », témoigne, ému, Jean-Patrick Toura, le maire de Thio, joint par téléphone. « Nous sommes en contact avec la gendarmerie et les familles, qui laissent la justice faire son travail. Mais c’est très triste ce qui arrive et nous apportons notre soutien aux familles qui sont touchées. »
Selon le maire, qui accuse le coup, « notre jeunesse est difficilement contrôlable, on ne sait plus comment faire pour lui parler. Alcool, cannabis, il y a plusieurs éléments qui entrent en jeu, mais il y a aussi une certaine démobilisation, à chaque fois qu’on organise des réunions il n’y a personne… »
La municipalité organise régulièrement des rencontres et des journées avec les associations de jeunes pour « pallier ces manquements, mais c’est difficile ».
Protéger les victimes
Ce meurtre par conjoint, le deuxième de l’année après qu’une jeune femme a mortellement poignardé son compagnon à Canala, en mars, a cette fois-ci fait une victime de sexe féminin. Ce qui est le cas dans la majorité de ces drames. Et qui met en exergue, une fois de plus, le chemin qu’il reste à parcourir pour endiguer ce phénomène. La Nouvelle-Calédonie se place régulièrement dans les sommets du classement national des violences intrafamiliales.
« L’an dernier on a enregistré une augmentation de 39% des signalements de violences intrafamiliales, confirme Anne-Marie Mestre, présidente de l’association SOS violences. Et c’est sans compter toutes celles qui ne disent rien et tous les enfants, qui peuvent être considérés comme des victimes collatérales. »
Les campagnes de prévention et de sensibilisation s’enchaînent pourtant depuis des années, sans que les résultats ne soient visibles. Sont-elles vraiment inefficaces ? Selon la présidente de l’association d’aide aux victimes, « on note une tendance à vouloir prendre en compte le problème mais il y a probablement un manque de moyens et on ne peut pas mettre un policier dans chaque foyer. On peut se mettre à rêver que les hommes soient subitement touchés par la grâce et qu’ils se disent qu’on peut régler ses conflits autrement que par les coups mais je n’y crois pas trop. » Pour Anne-Marie Mestre, les solutions viendraient plutôt de la prévention et de l’éducation. « Il faudrait déjà mieux protéger les victimes dès le premier signalement, s’assurer qu’il y a un suivi et surtout inculquer aux plus jeunes qu’un mec bien, il y a des choses qu’il ne fait pas. »
A l’évocation du meurtre de Thio, la septuagénaire déclare tristement que « c’est une victime de plus, une victime de trop. Même si l’enquête est en cours, il ne peut y avoir de motivation valable à ôter la vie de quelqu’un. »
Plusieurs programmes existent pour les conjoints violents afin de les aider à se « rééduquer » et à comprendre que la violence ne doit pas faire partie du fonctionnement d’un couple, « ça peut faire partie des réponses judiciaires », estime Anne-Marie Mestre, ainsi que les mesures d’éloignement pour protéger les victimes. « Mais en milieu tribal, l’éviction du conjoint violent est une mesure difficile à mettre en œuvre. »
Une réunion est prévue au haussariat le 31 août pour dresser un état des lieux des violences intrafamiliales avec tous les acteurs concernés.
Julien Mazzoni