Lors de son discours du 26 juillet, le président de la République, n’y est pas allé par quatre chemins. Selon lui, pour rendre les entreprises calédoniennes compétitives, il faut « bouger la doctrine nickel ». Un positionnement loin d’être en phase avec celui prôné par la province Nord.
La doctrine nickel ? Emmanuel Macron fait ici référence à la stratégie défendue par les indépendantistes, qui consiste à interdire aux mineurs calédoniens d’exporter du minerai brut, à l’exception de celui envoyé aux usines calédoniennes offshore comme la SNNC en Corée du Sud. Pourquoi donc cette opposition de l’État au modèle « offshore » ? « Parce que s’il y a zéro export, a rappelé le président de la République, il y a peu de chances que ce soit compétitif pour les trois usines ». L’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’économie (CGE) ont planché sur le sujet dans leur rapport sur l’avenir de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie, publié le 1er août. Opposés à la doctrine nickel, les experts préconisent notamment de lever l’interdiction d’exporter le minerai brut situé en réserve géographique métallurgique (KNS, PRNC).
Le modèle « offshore » décrié par l’IGF
Ce choix en faveur de l’export est justifié par plusieurs raisons. La mission considère que le modèle « offshore » n’est pas supérieur à celui des petits mineurs. Les retombées de la stratégie export sont estimées à 18 milliards de francs (y compris les activités de tâcheronnage) entre 2009 et 2021, contre 11,4 milliards pour le modèle « offshore » (dividendes de la SNNC). Par ailleurs, selon les experts, pour le territoire, le modèle offshore « ne crée pas davantage d’emplois directs et indirects qu’un modèle purement exportateur » puisque l’usine est située à l’étranger. Enfin, selon eux, ce montage « crée un risque de réduction de la valeur ajoutée et de l’assiette taxable sur le territoire » et « a peu d’intérêt en termes de sécurisation des approvisionnements français et européens, puisqu’il ne prémunit pas contre le risque de contrôle des exportations dans le pays étranger, et ne garantit pas nécessairement la maîtrise de la commercialisation de la production offshore ».
La SMSP et la province Nord réagissent
Un bilan négatif de la doctrine nickel que la branche minière de la province Nord (SMSP) remet en cause, par le biais de son directeur Karl Therby. Selon elle, la transformation locale de la ressource minière doit être privilégiée. C’est d’ailleurs dans cet esprit que l’usine du Nord a été créée. « En revanche (…), s’agissant des minerais qui ne peuvent être traités localement, la filière offshore est plus rentable que la filière d’export « classique », avançait en février dernier, chiffres à l’appui, le directeur de la SMSP dans une mise au point rendue publique. La démonstration est simplissime : outre le prix de vente du minerai perçu par l’exportateur NMC, la SMSP perçoit 51% des dividendes générés par son usine de traitement, soit près de 12 milliards à fin 2022 ».« (…) De plus, même si certains diront que ce n’est pas assez, nous leur rétorquerons que 12 milliards XPF c’est plus que zéro. Cela paraît évident pourtant… Car zéro, c’est ce qu’on aurait reçu si la SMSP n’avait pas changé l’ordre établi et avait continué à vendre le minerai aux métallurgistes étrangers. De plus, ce partenariat a permis de stabiliser l’activité minière de NMC », poursuit Karl Therby dans ce document. Sans compter l’activité économique générée par la NMC qui emploie quelque 900 personnes. Tout comme le président de la province Nord, Karl Therby ne semble pas prêt à changer de braquet. Comme l’écrivait Paul Néaoutyine dans un communiqué relatif à la fermeture du centre minier de Poum : « Je reste opposé à l’exportation de minerai brut, et a fortiori de la part des métallurgistes, ici la SLN s’agissant de Poum. Ce n’est pas le rapport de l’IGF ni les déclarations du Président de la République qui changeront les choses. »
Le ton est donné. Mais les métallurgistes auront-ils le choix de refuser d’emprunter la voie de l’export ? Le rendez-vous qui réunira en septembre à Paris les acteurs du nickel sera sans aucun doute décisif.
Beryl Ziegler