Président de l’association Les Kimonos du Cœur, Laurent Calleja a inauguré fin juillet son dojo solidaire « Antoine Kombouaré » aux Tours de Magenta. Le début d’une nouvelle aventure pour celui qui est également le manager général du judoka français Teddy Riner.
Vous avez inauguré le dojo solidaire fin juillet, avant son ouverture officielle début septembre. Ça représente quoi pour vous ?
Laurent Calleja : Je n’ai pas encore pris trop de recul. Je suis fier de la salle, vraiment, car c’est une belle salle. Je le vois surtout dans le regard des gens, car, personnellement, ça fait six mois que je suis dedans. Mais, la vraie fierté que j’aurai, c’est dans quelques mois ou dans quelques années, quand ça tournera et que le cahier des charges décidé sera respecté. J’y ai mis beaucoup d’exigences, que ce soit au niveau de la propreté, de la tenue, du respect du code moral… Le vrai combat il est là. Accueillir d’autres disciplines que la mienne, le judo, mais de toujours faire respecter ce même code moral. Il devrait y avoir de la boxe, du yoga notamment.
Comment vous est venue cette idée ?
L.C : Comme j’étais par monts et par vaux avec Teddy Riner, l’idée, au démarrage, était d’aider des enfants en difficultés. Puis, avec le nombre de connexions que j’avais ici, je me suis dit qu’il fallait réunir toutes les forces en présence et créer une association. Il y a donc eu la création des Kimonos du Cœur en 2021, une association qui se veut humanitaire à la base. Et rapidement, je me suis dit qu’il fallait un lieu, car c’est le lieu qui rassemble tout le monde.
Le dojo solidaire est installé aux Tours de Magenta. N’est-ce pas, finalement, le lieu rêvé pour votre association ?
L.C : C’est l’endroit idéal. Déjà, je viens de Magenta donc, forcément, c’est important pour moi. Et, comme dans le sport de haut-niveau, il faut mouiller le maillot, il faut remonter les manches, il faut mettre les pieds de dedans et il faut aller au cœur du problème. C’est comme avec un athlète, si tu tournes autour du problème, celui-ci ne va pas se régler. C’est pour ça qu’on est là. La première mission que l’on s’est donnée, c’est de convaincre les gens des Tours de Magenta et de bosser avec eux. Et ça marche. On est déjà en fusion complète avec l’association Mieux Vivre à Magenta Tour. C’est génial.
Vous avez signé un partenariat avec la Sic concernant ces locaux, comment cela s’est-il passé ?
L.C : A un moment donné, j’ai rencontré Benoît Naturel, le patron de la Sic. Le projet lui a plu et il avait les anciens locaux de Caledonia qui étaient disponibles. A l’époque, ils étaient à louer 400000 francs. Il n’y avait plus personne dedans depuis plusieurs mois et c’était un peu la cata… Il y avait des fuites horribles, il y avait des rats partout. J’ai proposé de faire les rénovations, estimées à 35 ou 40 millions de travaux selon ce que j’avais en tête, et de signer en parallèle une convention avec la Sic pour être exonéré de loyer pendant huit ans. Et, ensuite, on a créé cet espace en partenariat avec l’Agence nationale du sport qui a financé 80% du budget.
Malgré tout, le dojo n’est pas réservé aux habitants de Magenta…
L.C : Pas du tout, il est ouvert à tout le monde. On aura simplement des indicateurs en fin d’année puisque nous avons décidé de réserver 60% des places aux enfants boursiers, qu’ils viennent des Tours de Magenta ou non, et 40% des places à des enfants non-boursiers. Au total, ici, on peut accueillir 160 personnes, en sachant qu’au niveau judo, exclusivement, on peut monter à 150 licenciés. On veut qu’il y ait un melting-pot qui soit important. On va tout de même apprendre à pêcher le poisson avant de le manger, c’est-à-dire que les boursiers n’auront pas une gratuité totale, même si le prix sera dérisoire.
Avez-vous rencontré des difficultés pour trouver des partenaires et boucler ce budget ?
L.C : Ça a été du travail, mais la crédibilité était déjà là sur le sérieux de l’action, grâce à mon nom, grâce à celui d’Antoine Kombouaré, grâce à celui des membres fondateurs, déjà implantés en Calédonie. Forcément, c’est plus simple que d’arriver avec rien. Mais faire jouer ses relations pour la jeunesse, je trouve ça bien.
Ce projet pourrait-il voir le jour ailleurs en Calédonie ?
L.C : On va déjà se concentrer sur l’ouverture officielle, début septembre. Mais, par la suite, si on arrive à ouvrir un dojo solidaire dans chaque province, dans le Nord et dans les îles, ce serait super. Mais, cela dépend des institutions, de l’Agence nationale du sport… Il y a certes le projet des « 1000 dojos » d’Emmanuel Macron, qui sont assez faciles à faire car il y a des budgets, mais derrière, c’est un investissement colossal, il faut des gens autour. Donc chaque chose en son temps, faisons tourner celui-ci d’abord, ce sera déjà une bonne chose.
Vous êtes toujours le manager de Teddy Riner. Comment gérez-vous votre temps ?
L.C : Je travaille la nuit (rires). En vrai, ça va. Teddy, je le connais pas cœur, je connais tout le staff également. Je planifie tout, j’écris tout et on se fait des visios tous les jours ou presque. Chacun est à sa place, l’entraîneur, le préparateur physique, le diététicien, le psychologue. Tout le monde fait son travail et j’ai juste à coordonner tout cela et à planifier sa saison sportive. Tout ça, c’est plus un travail intellectuel qu’un travail de terrain, donc c’est plus simple pour moi. Mais, ça y est, c’est l’heure. Je pars bientôt et j’essaierai de revenir une semaine par mois ou une semaine tous les deux. On est à un an des Jeux olympiques, il faut rebasculer.
Votre collaboration avec Teddy Riner touche à sa fin…
L.C : Il arrête logiquement après les Jeux, même s’il poussera peut-être encore sur une saison ou deux pour s’amuser. Mais, tout le monde le sait, il est plus vers la fin que le début. Après, on n’est jamais à l’abri d’une surprise avec Teddy. Je devais arrêter après les Jeux olympiques de Tokyo et il m’a rappelé pour que je prenne le poste de manager général. Quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, je fais tout pour préparer ma reconversion. A 50 ans, ce sera la première fois que je serai dans la vie active. Et mon pays, c’est la Calédonie, donc je vais vivre ici. D’autant plus qu’avec un outil comme celui-ci, c’est cool. Il y a pleine de choses à faire. J’ai cette fibre humanitaire depuis petit. Sans même avoir d’association, je participais déjà à des projets et maintenant, j’ai les moyens de le faire comme je l’entends. Ce n’est pas mon association, c’est l’association de tous les gens qui veulent venir donner un coup de main. La porte est ouverte.
Dans un an à Paris, un nouveau titre olympique est-il possible pour Teddy Riner ?
L.C : (Silence) Il vient d’être champion du monde, donc forcément, il a ses chances. Maintenant, il aura 35 ans aux Jeux, il y a encore du chemin. Son onzième titre mondial, je ne m’y attendais pas. Ça a été difficile, c’est le plus dur championnat du monde qu’il ait fait. Je ne suis pas confiant, mais c’est évidemment réalisable. Il y a des colosses comme lui, il y a des mômes qui arrivent et il va devoir faire le boulot. On verra le résultat dans un an. Déjà s’il ramène deux médailles olympiques, une en individuel et une en équipe, ce sera magnifique. Si, en plus, il y en a une médaille d’or, c’est l’apothéose. Je pourrai partir tranquille.
Cela vous manquera malgré tout…
L.C : L’aventure est incroyable. Souvent, je me réveille, et je me rends compte de la chance que j’ai, même si j’ai beaucoup travaillé pour en arriver là. C’est vrai que c’est génial. Tout le monde, tous les judokas, rêveraient d’être entraîneur de Teddy Riner. Je suis content (rires).
Aux Tours, les gens connaissent-ils votre parcours ?
L.C : Non, j’adore, c’est marrant. Les gens, ici, me connaissent comme le mec aux cheveux gris et aux yeux bleus qui vient tous les jours. Ils ne savent pas.