Cinq jeunes originaires de Canala ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Nouméa, trois jours après s’être introduits dans la caserne de pompiers de Païta pour s’emparer d’un véhicule. L’un des voleurs était sous mandat d’arrêt d’un juge d’instruction.
Ils sont descendus de Canala en bus pour fêter un anniversaire à Païta. Pour le chemin du retour, ils savaient parfaitement comment s’y prendre : tordre la portière d’une voiture, casser le neiman avec une barre à mine, et relier les fils du démarreur et de la batterie pour faire tourner le moteur. Dans la nuit de samedi dernier, c’est exactement de cette manière qu’ils s’y sont pris pour dérober un véhicule. Et pas n’importe lequel. Sur les cinq jeunes qui ont comparu devant le tribunal correctionnel de Nouméa, mardi matin, deux d’entre eux se sont discrètement introduits dans la caserne de pompiers de Païta avant de s’emparer du véhicule d’un pompier volontaire qui était… en intervention.
« C’était un emprunt »
Le portail de la caserne étant fermé, les deux voleurs ont carrément défoncé le portail pour s’enfuir avec le pick-up avant de s’évaporer dans la nature, non sans avoir récupéré leurs trois complices qui faisaient le guet. « Voilà comment est remercié l’engagement pour autrui. Quel est l’avenir d’une société où les gens ignorent tout du respect d’autrui ? Comment voulez-vous encourager l’engagement au service de la population auprès des pompiers en insécurité ? », a dénoncé l’Union des pompiers calédoniens sur les réseaux sociaux. Devant les magistrats du tribunal, l’un des représentants des pompiers de Païta a également partagé sa tristesse de constater « les dégradations sur nos outils de travail, les incivilités et les vols alors qu’on lutte corps et âme contre les incendies et pour protéger la population ». Avec la voiture, la bande de jeunes s’est ensuite amusée entre Thio, Sarraméa et Canala sans penser aux conséquences pour les victimes. « On voulait rendre la voiture, c’était un emprunt », ose l’un des jeunes.
Sous le coup d’un mandat d’arrêt
« Ça brise une famille, a affirmé le pompier volontaire, victime du vol. On se réveille le matin et on ne voit plus son véhicule. Comment allez-vous faire pour me rembourser ? » Pris par la colère, le pompier n’a pas souhaité en dire plus et préféré se rasseoir sur le banc des parties civiles. Dimanche, les gendarmes sont allés interpeller les voleurs alors qu’ils décuvaient endormis dans la voiture ou dans les brousses environnantes de Nakety. Ils ont été dénoncés par un appel anonyme. Le parquet a ensuite décidé de les traduire en comparution immédiate : « vous volez un pompier de garde mais comment faites-vous pour vous regarder en face ? Les pompiers sauvent des vies, c’est écœurant. Je n’ai pas entendu un mot d’excuse de votre part. Vous êtes tellement autocentrés sur votre petite vie que vous ne voyez même pas la détresse dans les yeux de ces pompiers », s’est emporté la procureure de la République Fanny Philibert. Elle revient sur les passés judiciaires des prévenus. Axel N., « c’est notre champion. Trente condamnations au casier dont 29 pour des vols et 10 pour des conduites sans permis entre 2020 et 2022. Il ne fait que voler, il ne mérite aucune bienveillance du tribunal ». Sorti de détention en février dernier, il était sous le coup d’un mandat d’arrêt d’un juge d’instruction dans le cadre d’une affaire de vol avec violence. Se sachant recherché, il faisait tout pour ne pas être intercepté par les gendarmes. « Vous commettez tellement d’infractions rapidement que le casier judiciaire n’a pas le temps d’être mis à jour », pointe la présidente Lise Prenel.
Une peine de… 43 mois de prison ferme
L’avocate de la défense, Me Céline Joannopoulos, assure qu’ils « n’ont pas réalisé qu’ils avaient volé le véhicule d’un pompier. Ils le regrettent tous ». Elle plaide aussi le manque d’infrastructures « à Canala que certains décrivent comme le bastion des voleurs. C’est aussi un village où il n’y pas de travail à part des petits contrats miniers, où il n’y a pas de psychologue et d’addictologue… Tant que les pouvoirs publics ne mettront pas le parquet à Thio, Canala ou Houaïlou, on ne pourra pas lutter contre cette délinquance ». Après en avoir délibéré, le tribunal prononce des peines allant de 140 heures de travail général (pour le moins connu de la justice) à 20 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Axel N. écope de la plus lourde peine : avec la révocation de quatre précédents sursis (pour un total de 25 mois), il est condamné à 43 mois de prison ferme.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche