Cybercriminalité : comment les gendarmes calédoniens traquent les pirates du Web

Escroqueries, attaques informatiques, pédopornographie ou encore trafics de stupéfiants, les délinquants ont investi en masse internet. Sur le caillou, la gendarmerie fourbit ses armes face aux cybercriminels de plus en plus ingénieux.

Vous ne les verrez pas sur le bord de la RT1 en opération de sécurité routière. Ni même à arpenter les rues des villages et tribus au contact de la population. Et pourtant, ils s’infiltrent au cœur même de ce qui prend chaque jour un peu plus de place dans votre vie quotidienne : internet. Sur le Caillou, dans un grand bureau de la caserne Meunier, à Nouméa, les gendarmes de la cellule de lutte contre la cybercriminalité patrouillent quotidiennement sur la toile calédonienne. Impulsée à la veille du troisième référendum en 2021, qui avait vu cinq gendarmes spécialisés de Métropole venir en renfort, cette cellule « cyber », désormais composée de deux officiers de police judiciaire, est aujourd’hui l’une des pièces maîtresses du dispositif de la gendarmerie. Car la prépondérance du numérique, à la maison comme dans la sphère professionnelle, attire forcément des groupes criminels très bien organisés : escroqueries, attaques informatiques visant les entreprises (de type rançongiciels ou ransomwares…), ventes illicites (stupéfiants, armes…) et affaires d’atteintes aux mineurs (pédopornographie). On peut y ajouter les appels à la haine et menaces de mort, le « happy slapping » (le fait de filmer des scènes de violence, les faux ordres de virement ou le blanchiment d’argent via les crypto-monnaies.)

Le « maintien de l’ordre » numérique

« Le champ d’action est large pour les délinquants du web. Que ce soit les particuliers, les entreprises ou les institutions, chacun de nous peut être une cible.  Ce qui nous intéresse principalement, c’est ce qu’on appelle le maintien de l’ordre numérique. Garantir et maintenir le maintien de l’ordre numérique, c’est quelque part prévenir aussi le maintien de l’ordre dans l’espace public », développe le capitaine Stéphane Richard, officier-adjoint chargé de la police judiciaire (OAPJ). Chargé de coordonner l’action judiciaire de la gendarmerie et d’analyser l’évolution de la criminalité, le capitaine Richard sait pouvoir compter sur ces deux cyber-enquêteurs qui sont « constamment en veille sur internet et les réseaux sociaux pour détecter de potentielles menaces et en collecter les preuves ». Et ce n’est pas parce que notre île ressemble à un petit caillou au milieu du monde sur lequel ne vivent pas plus de 300 000 habitants, que nous sommes préservés des pirates du web qui adoptent un mode d’action spécifique à chacune de leurs cibles. Internet n’ayant pas de frontière, la cellule est aussi amenée à travailler sur certaines enquêtes en liaison avec le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, basé en Métropole, et dont « le triptyque repose sur la proximité numérique avec la population et les autres usagers (élus, collectivités, établissements publics, entreprises), les investigations numériques et l’expertise numérique », détaille le capitaine.

Une soixantaine de signalements

L’unité d’investigation cybercriminelle peut initier d’elle-même une enquête – une fois la validation du procureur de la République – ou venir « en appui » au profit de la section de recherches (SR), des brigades de recherches (BR) de Nouméa et de Koné et des autres unités territoriales. « Le commandant de la gendarmerie en Calédonie, le général Nicolas Matthéos, a donné une nouvelle impulsion à cette cellule en ne lui confiant pas uniquement la surveillance du net et les premières investigations numériques mais également le traitement judiciaire global de ces dossiers », poursuit Stéphane Richard. Au sein de la caserne Meunier, les enquêteurs « cyber » possèdent différents outils technologiques à la pointe qui leur permettent d’opérer de deux manières différentes : en « sources ouvertes » (ce qui est en accès public) ou bien sous pseudonyme. Bien souvent, des réquisitions sont adressées aux géants du Web, notamment Facebook, pour obtenir de précieuses informations. « Les investigations numériques sont souvent complexes et longues. Elles nécessitent des compétences très pointues, une véritable expertise et vous comprenez bien que nous ne pouvons pas dévoiler toutes nos techniques d’investigation qui doivent rester secrètes », sourit le capitaine. Depuis un peu plus d’un an, plus d’une soixantaine de signalements ont été transmis à l’autorité judiciaire. Un constat se dégage, les malfaiteurs en ligne font preuve d’une ingéniosité sans limite.

Exploiter les objets connectés

Signe que la gendarmerie monte en puissance face à la criminalité numérique, un enquêteur dit « N’tech » (pour nouvelles technologies) viendra renforcer les troupes d’ici quelques semaines. Sa force ? Il est capable d’extraire et d’exploiter les données de n’importe quel support saisi au cours d’une enquête : portable, ordinateur, clé USB, GPS d’une voiture, serveur d’une entreprise ou même un drone… Autant d’objets connectés qui peuvent en dire long sur leur propriétaire et se révéler utiles aux enquêteurs pour faire ressortir des preuves et élucider des affaires. « Le procureur de la République est particulièrement vigilant sur les infractions commises sur internet pour éviter qu’elles ne se prolifèrent et qu’elles ne fassent de trop nombreuses victimes calédoniennes », conclut le capitaine Stéphane Richard. Il y a une dizaine de jours, un vaste coup de filet était organisé pour interpeller des vendeurs de cannabis qui profitaient de Facebook pour appâter les clients. Sans la cellule cybercriminalité, les trafiquants seraient toujours en train de prospérer, pensant être à l’abri derrière un pseudonyme.

J-A Gallien-Lamarche

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