Élue de la province Sud et du Congrès, Naïa Watéou est à l’initiative du Nouméa Women’s Forum dont la 3ème édition s’ouvre cette semaine.
Vous êtes très engagée en faveur d’une meilleure intégration des femmes dans le monde du travail et de l’économie. D’où vous vient cet engagement ?
Naïa Watéou : L’engagement de mettre en avant la femme dans la société calédonienne s’est imposé à moi. Il s’est concrétisé par mon engagement politique afin de pouvoir apporter ma petite pierre à ce grand édifice. C’est une corrélation d’actions entre ma vie professionnelle et mon engagement politique. J’ai été très tôt sensibilisée à la question du leadership féminin dans le cadre du travail dans mes précédentes activités professionnelles, notamment sur un site industriel, avec une forte présence de femmes dans les équipes de direction, dans une conception du travail à l’anglo-saxonne et à la québécoise. Le leadership féminin y était perçu comme une évidence et une méthode de travail à part entière, ce que l’on ne retrouvait pas forcement à cette époque en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, dans le cadre de ce premier mandat, dans le secteur qui m’a été attribué du développement économique, l’idée de mettre en avant l’entreprenariat féminin et de mieux cerner la place de la femme dans la société, s’est imposée.
Où en est-on de l’entreprenariat féminin ?
NW : Je considère que des choses ont été faites. Évidemment, il faut renforcer, promouvoir et accélérer cet accès à l’emploi et à l’entreprenariat. Lorsque l’on échange avec les femmes cheffes d’entreprise ou auto-entrepreneuses, elles mettent en avant le fait que les principaux freins sont ceux que l’on s’impose à soi-même. D’où l’idée de placer cette 3ème édition du Nouméa Women’s Forum sur le thème de la confiance en soi. A la province, au travers de différents dispositifs, nous avons les moyens d’accompagner ces nouvelles structures foncièrement ou par du conseil, mais travailler sur la confiance en soi, ça ne s’écrit ni ne se décrète pas. Ça passe souvent par le partage d’expérience, et c’est ainsi qu’est conçu le Women’s Forum, en réunissant différents profils et d’expériences de femmes, les échecs comme les réussites, et en les confrontant.
Quel regard le monde économique dans sa globalité pose-t-il sur l’entreprenariat féminin ?
NW : Nous ne sommes plus dans une démarche d’opposition. Les femmes sont désormais présentes et se font remarquer. Si je n’ai pas le sentiment qu’il y ait une confrontation, en revanche nos textes législatifs et réglementaires ne tendent pas à améliorer la situation des femmes en Nouvelle-Calédonie. Si on s’y attelle à notre niveau, il y a encore des choses à faire. Tendre vers une égalité, une équité, nécessite de revoir les textes. La société change, les textes doivent donc s’y adapter. Ce qui est en cause peut-être, c’est le fait que nos mécanismes de décision n’accélèrent pas les choses. Par ailleurs, souvent les collectivités, les chambres consulaires, les partenaires financiers ont la volonté de bien faire, et chacun de son côté déploie des actions et des dispositifs, mais souvent on noie cette information et l’on perd le public cible que sont les porteuses de projet.
Il est intéressant de noter en écho à vos propos, c’est le fait que sur les trois organisations représentatives du patronat, deux sont présidées par des femme
NW : Mais oui, cela montre à quel point les femmes aujourd’hui sont positionnées. Mais il ne faut pas oublier que derrière, il y a un travail de la part des femmes. Le chemin est encore long vers l’équité et l’égalité, mais je suis convaincue qu’il y a des choses positives qui se passent.
Dans les échanges et le partage d’expérience que vous avez, que vous disent les femmes ?
NW : Ce qui ressort, c’est que l’entreprenariat est une aventure, un saut dans l’inconnu. Il leur faut surmonter le fait d’avoir le sentiment qu’elles ont la possibilité d’aller au-delà de ce qu’elles pensent être capables de faire. Et je pense que cela vaut pour tous les domaines.
Qui peut être concerné par l’entreprenariat féminin ?
NW : Tout le monde. Notre idée et surtout de mettre en avant l’esprit d’entreprendre, quels que soient le secteur et l’activité. Je veux parler positivement des femmes. Parce que l’on parle beaucoup des violences commises à l’égard des femmes, mais il ne faut pas oublier qu’en Calédonie, des femmes réussissent et font changer les choses. Car l’esprit d’entreprendre permet aussi l’autonomisation économique et financière, et offre aux femmes de n’être pas dépendantes de quelqu’un. Je suis membre du Conseil d’administration de l’École de la Réussite, financée par la province Sud. Je ne pensais pas qu’en 2023 des jeunes filles, des jeunes femmes pouvaient vivre ce qu’elles vivent. Mais lorsqu’on les rencontre, elles font preuve d’une rage de vivre, elles ont la volonté d’aller au-delà de la condition qu’on leur impose. L’une d’elle, dans une vidéo, a dit « avant je ne pensais pas que j’avais de la valeur. Et aujourd’hui je sais que je vaux quelque chose. » C’est le sens du Women’s Forum : montrer à ces jeunes femmes qu’il y a des possibles en Nouvelle-Calédonie. C’est pourquoi, je fais confiance aux femmes en poste à responsabilité à être des modèles, afin que les jeunes femmes que je rencontre à l’École de la Réussite puissent dire : « moi aussi je peux. »