Le militant indépendantiste Christian Tein, responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) et désormais également président du FLNKS, vient de passer un an en détention provisoire à Mulhouse. Libéré et placé sous contrôle judiciaire, il reste mis en examen pour deux qualifications (vol en bande organisée et association de malfaiteurs) et a été placé sous le statut de témoin assisté pour d’autres (complicité de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique et provocation directe au groupement armé suivi d’effets). Il a deux avocats en Métropole : Me François Roux et Me Florian Medico. Le troisième, Me Pierre Ortet, est à Nouméa.
La Voix du Caillou : Nombreux ont été les commentaires sur le fait que Christian Tein aurait, comparé à l’an passé, baissé d’un ton, voire de plusieurs, uniquement par crainte de la suite judiciaire le concernant. Et qu’à son retour en Calédonie on ne manquerait pas de retrouver le militant de 2024. Sa nouvelle position ne serait ainsi que malice et stratégie. Les personnes ayant cette lecture de la situation sont-elles dans l’erreur ?
Pierre Ortet : (silence)
LVDC : Un mot là-dessus ?
P.O. : Non.
LVDC : Disons que lors de la conférence de presse organisée en milieu de semaine dernière dans le bureau de Me Medico, à Montpellier, certains n’ont pas forcément retrouvé le Christian Tein qu’ils avaient vu avant les émeutes. Est-ce une stratégie de vous, ses avocats ? L’avez-vous trouvé changé après un an de détention ?
P.O. : À ma grande surprise, quand je l’avais rencontré dans le cadre de la garde à vue (en juin 2024, avant son transfèrement en Métropole, NDLR), c’était quelqu’un d’assez apaisé et clair. Après, pendant un an il était à Mulhouse, je suis à Nouméa. J’ai pu l’avoir parfois au téléphone, mais ça ne permet pas non plus de sonder une âme ou quelqu’un profondément. Naturellement, la prison, ça marque quelqu’un. Il y a aussi du temps qui s’est écoulé, même en Nouvelle-Calédonie. Donc l’état de ses réflexions et ainsi de suite, ça lui appartient. Je pense que, parmi les personnages politiques ici en Nouvelle-Calédonie, il y en a beaucoup qui n’ont pas forcément changé leur fusil d’épaule mais qui ont reconsidéré beaucoup de choses en l’espace d’une année, donc j’imagine que lui aussi.
LVDC : Le 12 juin dernier, votre client a été libéré et placé sous contrôle judiciaire. Est-ce principalement pour une histoire de délai ou de procédure ? Est-ce parce que les juges le considèrent comme dénué de toute dangerosité ? Ou est-ce surtout, à vos yeux, parce que vous pensez qu’il sera, au final, innocenté ? À moins que ce ne soit un peu de tout cela ? Comment lire la décision prise ?
P.O. : La décision de remettre en liberté une personne mise en examen est multifactorielle. Elle englobe la gravité des faits, l’appréciation de l’implication du mis en examen, les garanties de représentation et l’ordre public.
LVDC : Dans le cas de ce dossier, la détention provisoire ne pouvait pas excéder deux ans, est-ce exact ? Le délai a-t-il influé sur la décision récente de libérer Christian Tein ?
P.O. : La détention maximale provisoire encourue initialement est de trois ans. Je ne pense pas que la décision des juges était motivée par cette question mais par le contenu du dossier.
LVDC : Sur le plan judiciaire, quelle va être la suite ?
P.O. : Maintenant, c’est de voir avec l’instruction comment vont avancer les choses. Je pense que ça va quand même bouger dans les mois qui viennent. Il y a deux tendances : soit on part maintenant sur une logique longue, c’est-à-dire que maintenant que ces personnes ont été remises en liberté, l’instruction peut prendre du temps, parce qu’il n’y a plus d’impératif ; ou alors l’instruction fait le choix d’avancer, ce qui est très, très possible aussi. Nous, on est là pour avancer en intelligence avec l’instruction, voir un peu maintenant quel est le tempo qui va être donné au dossier. Et on va s’aligner dessus.
LVDC : En tout cas, cela durera encore minimum plusieurs mois ?
P.O. : Ah oui, oui…
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Propos recueillis par Anthony Fillet
