Au sortir de cette nouvelle séquence de discussions-négociations, et à la suite des espoirs formulés par le ministre Manuel Valls concernant la conclusion possible d’un accord dans un mois, les groupes politiques ont réagi.
Sonia Backes (Les Loyalistes) « L’accord devra être validé par les Calédoniens »
« Il n’y a pas d’accord global, c’était prévisible. Les positions sont très éloignées sur un certain nombre de sujets. Malgré tout, on avance à petits pas. Et on se dit des choses qu’il était nécessaire de se dire. Donc ce temps-là n’est pas perdu et on est encore tous autour de la table. Nous travaillons sur des choses concrètes. On parle beaucoup de la question de la place de chaque communauté sur ce territoire et du fait de ne pas faire de différence entre les uns et les autres. C’est notre position, et ça fait partie des grands débats qu’il y a, de savoir si l’histoire permet de faire des différences entre les uns et les autres, aujourd’hui encore. On va continuer, pendant la période d’absence du ministre, puisqu’il revient à la fin du mois, à travailler sous l’égide de l’État. Ce ne sera pas le ministre lui-même, mais comme on l’a fait avec les ateliers la semaine dernière, on va continuer, sous forme de plénière, sans doute en visio avec l’État, à avancer pour ne pas perdre les quatre semaines qui nous séparent de la prochaine visite. On sait qu’on n’a pas de date butoir, parce que ça peut brusquer les uns et les autres, mais l’ambition du ministre est de revenir pour signer quelque chose. On souhaite tous trouver cet accord, on souhaite tous trouver le compromis qui permettra à la Calédonie de se reconstruire. Aujourd’hui, je ne suis pas capable de dire s’il y aura ou pas cet accord et à quelle échéance, mais concrètement, aujourd’hui, on a un peu avancé. Les choses continuent. Et tant que ça progresse, ça mérite d’être poursuivi. Je comprends très bien la frustration des Calédoniens de ne pas savoir sur quoi on discute. Ils connaissent nos points de désaccord. Ils savent les positions des uns et des autres. Elles n’ont pas changé. Je crois que l’on a intérêt, tous autant que nous sommes, à faire le maximum pour trouver un accord. Les Calédoniens, de toute façon, seront les seuls décideurs à la fin. Ce n’est pas notre signature qui engagera les Calédoniens. Ils décideront de ce qu’ils veulent faire de cet accord s’il y a un accord. Au final, il ne faut pas qu’ils considèrent qu’il se passera quoi que ce soit dans leur dos. Car, s’il y a un accord, il devra être validé par la consultation des populations calédoniennes. S’il y a un accord, il ne pourra être validé que si les Calédoniens le valident. »
Virginie Ruffenach (Rassemblement) « Un temps d’écoute très important »
« Le consensus n’est pas encore là. C’est un travail vraiment pas à pas qui a été mené ces quatre derniers jours avec une méthode à saluer. Le ministre prend beaucoup le temps et il y a un temps d’écoute très important. Et puis, l’État a eu le mérite de poser un document sur la table de travail, un document de qualité qui, bien sûr, présente en son sein beaucoup de divergences entre nous. Et c’est la raison pour laquelle le ministre reviendra à la fin du mois pour continuer ce travail. Entre-temps, nous devons continuer à travailler sur ce document. C’est un travail très lent et difficile puisque les divergences sont assez grandes. Nous avons demandé à nous retrouver entre formations politiques calédoniennes. Nous considérons que nous pouvons aussi faire notre part du travail sans l’État, c’est une volonté des Loyalistes et du Rassemblement mais aussi d’autres groupes politiques. Nous avons la volonté qu’il y ait un vrai travail entre formations politiques calédoniennes avant le retour du ministre, au-delà du travail que nous faisons avec l’État et qui sera désormais en visioconférence pour avancer sur le document qui tient compte des propositions de chacun. Les divergences sont toujours sur les grands sujets clés, les sujets gordiens : l’autodétermination, évidemment, le rôle et la place des institutions, notamment des provinces, et vous le savez, nous nous considérons que la Nouvelle-Calédonie ne doit plus avoir des discriminations qui ont divisé la société calédonienne ces dernières décennies. Alors il y avait donc le gel du corps électoral, une citoyenneté qui divise, il y a des statuts différents. On veut vraiment aujourd’hui établir l’ensemble des communautés de la Nouvelle-Calédonie sur un pied d’égalité en matière de droit. C’est quelque chose que l’on défend vivement, on considère que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie passe effectivement par une égalité en matière de droit de l’ensemble des Calédoniens. Si l’on veut faire, entre guillemets, peuple et unir les Calédoniens, les rassembler, c’est en arrêtant toutes les discriminations qu’il y a, parfois parce qu’on est de statut coutumier, parfois parce qu’on est citoyen ou qu’on ne l’est pas. Nous voudrions mettre fin à ces divisions et construire une vraie société calédonienne relativement unie, en tout cas, qui se respecte globalement. »
Milakulo Tukumuli (L’Éveil Océanien) « Le compromis commence à prendre forme »
« Le ministre nous a remis un projet de compromis. Il y a eu des échanges nourris durant ces quatre jours et cela n’est pas encore terminé. On est amené à nous revoir dans les prochaines semaines et le ministre revient. On espère tous, définitivement, arriver à un compromis à ce moment-là de l’histoire. Des échanges nourris, sincères, parfois même très durs. Mais, c’était très important pour arriver à se comprendre, pour arriver à avancer. Je crois que c’est une séquence qui a été utile. On s’est beaucoup arrêté sur l’autodétermination, mais aussi sur le passé de la Nouvelle-Calédonie. C’était essentiel, le compromis commence à prendre forme, on verra. »
Philippe Dunoyer (Calédonie Ensemble) « On n’a jamais été aussi proche de parvenir à quelque chose »
« Je comprends l’impatience des Calédoniens, elle est réelle et, nous aussi, nous sommes très impatients de trouver quelque chose. Ce qui ressort de concret de cette séquence, c’est que l’on est maintenant engagé dans une phase de négociation directe à partir d’un document que propose l’État sur des thèmes que l’on a retravaillés et avec l’objectif de parvenir à un accord global lors du prochain déplacement du ministre. D’ici là, c’est dans un mois environ, un travail entre formations calédoniennes, avec Éric Thiers le représentant du Premier ministre, va se mener pour avancer. On ne va pas tout décider d’un coup dans un mois. Tout le monde est d’accord sur ce principe. Vous avez observé que tout le monde est resté pendant ces quatre jours, beaucoup de choses ont été dites. Ce qui compte, ce que les Calédoniens attendent, c’est le résultat final. Ça n’est pas pour aujourd’hui, mais on a franchi un pas décisif. Cela peut paraître anecdotique et modeste, mais on n’a jamais été aussi proche de parvenir à quelque chose. En tous les cas, on s’est fixé comme objectif d’y parvenir dans un mois. »
Emmanuel Tjibaou (UC-FLNKS) « Il faut se tenir à la hauteur des enjeux »
« Déjà, personne n’est sorti de la table des discussions. Un principe s’est dégagé autour d’une méthode de travail dans laquelle les uns et les autres amendent un document qui a été posé sur la table par le ministre d’État. Il faut rappeler que l’héritage de Nainville-les-Roches, tout comme les accords de Matignon-Oudinot et l’accord de Nouméa restent le socle des discussions et que le FLNKS s’inscrit vers une trajectoire pour la pleine émancipation. Les discussions, à l’heure d’aujourd’hui, ont précisé le cadre, une méthode de travail, que tout le monde a approuvé, et ont permis de rappeler les fondamentaux des uns et des autres. On peut saluer l’état d’esprit de chacun. Les débats, qui ont peut-être été parfois passionnés, sont toujours restés cordiaux et francs. Nous avons des engagements vis-à-vis de ceux qui nous ont mandatés, vis-à-vis de la population de notre pays, de dégager des perspectives sur la sortie institutionnelle autant que sur la stabilité économique qui en découle. On va chacun retourner au sein de nos structures pour présenter la base de discussion et puis après l’amender au vu de ce que vont être les annonces du ministre au terme des échanges qui se sont tenus durant la semaine. Il faut discuter à l’intérieur de nos structures afin d’amener des éléments pour préparer la séquence suivante. La première partie pour nous, c’était surtout de clarifier les termes du débat et la méthode car c’est, je pense, la base de tout accord. C’est ce qui va nous permettre d’aborder certainement de manière plus sereine la suite avec le ministre et l’ensemble des partenaires qui étaient autour de la table aujourd’hui. Il y a aussi la prise en compte de ce qui s’est passé depuis le 13 mai, qui est un fait politique majeur, qui a entraîné la situation critique dans laquelle notre pays est aujourd’hui. Et puis il faut se tenir à la hauteur des enjeux pour les familles autant que pour les entreprises qui ont été détruites. »