Avec la situation actuelle, marquée par des tensions sociales et politiques, beaucoup pourraient être découragés par les événements récents. Cependant, des expatriés ont choisi de s’installer sur l’archipel juste avant que ceux-ci ne prennent de l’ampleur ou même en plein cœur de cette période difficile.
La plupart des expatriés qui s’installent sur notre joli Caillou viennent pour plusieurs raisons. Celles qui ressortent le plus souvent sont : la beauté des paysages, la vie insulaire, la population multiculturelle.
Aujourd’hui, certains ont fait le choix de quitter le territoire, d’autres de rester malgré un contexte décourageant et une arrivée quelques semaines, voire quelques jours, avant le 13 mai. Certains ont même délibérément choisi de venir dès que les vols internationaux ont repris.
Hugo, plombier originaire de banlieue parisienne, arrivé le 1er mai, a souhaité déménager en Nouvelle-Calédonie pour la beauté des paysages, mais aussi la proximité avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande où il a déjà vécu. Idem pour Nathalya*, psychomotricienne franco-belge arrivée le 28 mars et installée désormais à Koné, qui a choisi la Nouvelle-Calédonie pour des raisons géographiques mais aussi professionnelles, avec « plus de possibilités de travailler dans mon domaine (…) Mon diplôme belge n’était pas reconnu en France », alors « l’idée, c’était de travailler sur un territoire français pour avoir une sorte d’équivalence ».
Lors de l’arrivée de Hugo, douze jours avant le début des exactions, tout s’est bien passé. « Avec ma copine, on a eu la chance d’être accueillis par un couple d’amis installés depuis un an déjà. » Nathalya, arrivée fin mars, est quant à elle « restée dans une auberge de jeunesse, principalement au début. Et après, je suis arrivée dans le nord et j’ai été vachement bien accueillie par le boulot. » Mais elle a constaté tout de même, lors de ses premières semaines à Nouméa, des manifestations récurrentes et les drapeaux du FLNKS flottants un peu partout « Du coup (…), tu t’intéresses un peu plus à l’Histoire à ce moment-là », pour essayer de comprendre, à la lumière du passé, les enjeux du moment.
Arriver pour repartir aussitôt ?
À la découverte de la gravité des événements, pour Hugo c’est la douche froide. « Je me suis posé plein de questions vu que je venais seulement d’arriver et que j’avais tout lâché en Métropole, donc ça remet un peu tout en question surtout. » Nathalya*, quant à elle, était surprise, mais « pas tant que ça avec toutes les manifestations qu’il y avait. J’ai été surprise de l’ampleur par contre. » Alors, oui, l’idée de repartir leur a traversé l’esprit. Ce qui a retenu Hugo de prendre un avion pour quitter le territoire, « c’est le fait d’avoir été un peu chanceux et d’avoir trouvé un boulot, et je n’ai rien vu du pays, je serais frustré de partir sans avoir pu visiter ». Pour Nathalya, c’était le même constat : frustrée d’avoir vu trop peu du pays, pour le moment elle ne se voit pas partir. Elle a tout de même réfléchi à un « plan B », par nécessité plus que par « envie ».
Malgré le désir de s’accrocher et de rester sur le territoire, Hugo a été touché par un sentiment de solitude. « En plus de tout ce bazar, le couvre-feu a pas mal limité les événements ou soirées, ce qui bloquait pas mal les options pour rencontrer du monde en tant que nouvel arrivant. »
Ils sont venus malgré le contexte
Alice*, ambulancière au chômage et son conjoint Alex*, militaire, sont arrivés respectivement en juillet et en juin à Nouméa. Ils avaient tous les deux déjà prévu ce déménagement depuis longtemps à la suite d’une mutation. Au moment où tout a éclaté, « nos affaires étaient déjà sur l’eau (dans les conteneurs), c’était difficile de faire machine arrière ». Leurs proches étaient inquiets pour eux. « Les gens me disaient : ‘’mais ce n’est pas la bonne période pour venir’’. » Alice a décidé de venir malgré tout. De plus, son mari était engagé avec l’Armée… « J’aurais pu rester en France, mais sans lui… Ce n’est pas la vie de couple dont j’avais envie. » Pour ces deux expatriés, l’installation s’est relativement bien passée, même si Alice* aurait préféré que son conjoint puisse l’accueillir à l’aéroport. L’accès était toujours fortement déconseillé à cette date.
Déjà venue en 2018, elle a trouvé une ambiance différente six ans plus tard. « La première fois, on avait été accueillis avec des fleurs et tout, donc là, forcément, ça faisait un sacré paradoxe, c’était un aéroport fantôme, c’était étrange. » Malgré tout, depuis son installation, Alice a continué de vivre « comme elle l’avait fait en 2018 », mais elle souligne : « je n’étais pas là au plus fort des événements […], moi, tout ce que j’ai vu, je l’ai vu via la télé, je ne l’ai pas vécu, mais je comprends la peur des gens, je ne la sous-estime pas du tout. »
Au niveau de l’intégration en tant que « nouvelle expatriée », Alice a pu retrouver des amis qu’elle s’était faits par le passé, mais malheureusement eux « n’ont pas hyper le moral, donc nous, on arrive là, on est quand même un peu content d’être ici, mais en fait, on se dit, eux, ils ont qu’une seule envie, c’est de partir ».
Qu’ils soient arrivés juste avant le début de la crise, ou bien pendant, les expatriés interrogés partagent tous l’espoir que la situation s’améliore. Tous pensent pouvoir contribuer à la reconstruction du pays à leur échelle, notamment au travers de leur travail. Mais bien évidemment, l’aspect financier rentre aussi en ligne de compte, et l’instabilité de l’emploi est également un facteur qui provoque de nombreux doutes et incertitudes.
*Prénoms d’emprunt
Claire Rio-Pennuen