Lionel Jospin : Emmanuel Macron “devrait s’interdire la tentation de l’ultimatum”

Lionel Jospin, ancien Premier ministre et signataire des accords de Nouméa en 1998, a publié une vaste tribune où il donne sa vision des émeutes en Nouvelle-Calédonie. Il regrette l’ambiguïté d’Emmanuel Macron et appelle à la suspension du projet de réforme constitutionnelle.

Les premiers mots sont forts. Pour évoquer les « violences qui endeuillent aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie », Lionel Jospin, ancien Premier ministre et signataire de l’accord de Nouméa, évoque « une tragédie accablante ». « Pour tous ceux qui vivent sur ce territoire, bien sûr, mais aussi pour les Français attachés à cette terre lointaine, avec sa diversité de cultures, et qui veulent pour elle un avenir pacifique et prospère », débute-t-il. Sans surprise, « rétablir la sécurité des personnes et des biens est une nécessité (…) Rien ne peut justifier les meurtres, les pillages et la destruction de biens collectifs ou privés et de lieux de production. »

Mais l’ancien pensionnaire de Matignon se montre davantage critique sur les questions politiques. « Laissons le passé nous éclairer », clame-t-il, faisant référence à la période des Evénements et de la signature, en 1988, des accords de Matignon par Jacques Lafleur, Jean-Marie Tjibaou et Michel Rochard. Avant d’évoquer les accords de Nouméa, dix ans plus tard. Ceux-ci  « approfondissaient les accords de Matignon. L’autonomie était poursuivie grâce à un large transfert de compétences. Une citoyenneté de Nouvelle-Calédonie était instituée au sein de la nationalité française. Dans un préambule à l’accord, un récit partagé du passé visait à mieux fonder l’avenir. Le traumatisme de la colonisation pour les Kanak était reconnu, et l’apport des populations immigrées affirmé. La légitimité de toutes les communautés de Nouvelle-Calédonie ‘’à y vivre et à continuer de contribuer à son développement’’ était proclamée. Il s’agissait de constituer, au-delà des divisions, ‘’une communauté affirmant son destin commun’’, écrit-il dans cette tribune diffusée par Le Monde et Les Nouvelles calédoniennes. La paix régnait sur le territoire, et l’habitude d’y gouverner ensemble s’installait (…) Nous avons été constamment guidés par la conscience de la complexité de la situation sur place et des risques du retour de la violence. »

« Renouer avec le désir de concorde et la recherche de consensus »

Pour lui, pour sortir de la crise actuelle, « il faut impérativement renouer avec le désir de concorde et la recherche de consensus qui ont guidé les forces politiques néo-calédoniennes quand elles étaient assurées de l’impartialité de l’État ». Car, selon lui, ces dernières années ont été marquées par « un glissement ». « En Nouvelle-Calédonie, l’impact du Covid-19, la crise du nickel et les frustrations d’une partie oubliée de la jeunesse ont assombri le climat. Les divisions se sont durcies chez les indépendantistes comme chez les non-indépendantistes. Or, c’est le moment où l’exécutif français s’est écarté de la méthode consensuelle qui jusque-là prévalait. Négligeant le facteur temps, il s’est montré impatient », dénonce l’ancien Premier ministre, qui pointe du doigt la tenue du troisième référendum en 2021, la nomination de Sonia Backes en tant que secrétaire d’Etat en 2022 alors qu’elle occupait encore la présidence de la province Sud, le projet de loi constitutionnelle en faveur du dégel du corps électoral en 2024.

“Le chef de l’État devrait aussi s’interdire la tentation de l’ultimatum.”

S’il salue le déplacement d’Emmanuel Macron le 23 mai dernier et l’instauration d’une mission de médiation et de travail, Lionel Jospin regrette que le président de la République reste « ambigu sur des questions essentielles », comme l’élargissement du corps électoral pour les élections provinciales, le sort de la réforme votée au Sénat et à l’Assemblée nationale et la convocation ou non du Congrès de Versailles. « Comme du côté des non-indépendantistes, les plus rigides soutiennent l’idée que la position du président n’a pas changé, des clarifications rapides de sa part sont nécessaires. Le chef de l’État devrait aussi s’interdire la tentation de l’ultimatum », relève-t-il.

« Si le retour au calme est à l’évidence urgent, des gestes politiques forts sont nécessaires pour le garantir. Il faut renouer avec la méthode consensuelle. La suspension du projet de loi de révision constitutionnelle et donc le report de la convocation du Congrès sont nécessaires pour parvenir à s’entendre sur un accord global. Les choix prochains des autorités de notre pays seront cruciaux si l’on veut sortir par le haut de la crise actuelle », détaille-t-il.

“Fonder un nouveau contrat social entre les communautés”

Un message qu’il adresse également au peuple kanak, qui ne cesse de réaffirmer « son aspiration à la souveraineté ». « Il ne l’obtiendra pas par la violence et le chaos, car le territoire, alors abîmé et meurtri, deviendrait une proie. La Nouvelle-Calédonie est un pays pluriethnique où plusieurs communautés sont destinées à vivre ensemble. Les autres communautés ont contribué activement au développement de la Nouvelle-Calédonie. L’accord de Nouméa a salué leur apport. Nombreux sont ceux qui se sentent profondément attachés à la terre qu’ils ont rejointe, parfois depuis longtemps (…) Les personnes venues d’Europe, d’Asie ou d’Océanie doivent être des partisans de l’évolution », assume-t-il, assurant que « les Français mesurent la complexité de la question néo-calédonienne et le doigté qu’exige sa résolution ».

Et de conclure : « L’accord à construire demain doit permettre de fonder un nouveau contrat social entre les communautés qui vivent sur une même terre. Il pourrait aussi ouvrir le chemin d’une évolution des relations de la Nouvelle-Calédonie avec la France conduisant le moment venu à une émancipation plus complète. »Accord

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